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Case report

Panniculite mésentérique, une cause inhabituelle de douleur abdominale : à propos de 2 cas diagnostiqués à la tomodensitométrie

Panniculite mésentérique, une cause inhabituelle de douleur abdominale : à propos de 2 cas diagnostiqués à la tomodensitométrie

Mesenteric panniculitis: an unusual cause of abdominal pain: about two cases diagnosed based on CT findings

Pihou Gbande1,2,&, Mazamaesso Tchaou1, Abdoulatif Amadou2, Lantam Sonhaye2, Komlanvi Adjenou2

 

1Service de Radiologie et Imagerie Médicale, Centre Hospitalier Régional de Sokodé, Sokodé, Togo, 2Service de Radiologie, Centre Hospitalier Universitaire Campus, Lomé, Togo

 

 

&Auteur correspondant
Pihou Gbande, Service de Radiologie et Imagerie Médicale, Centre Hospitalier Régional de Sokodé, Sokodé, Togo

 

 

Résumé

La panniculite mésentérique est une maladie rare et bénigne caractérisée par un processus inflammatoire et fibrotique chronique qui affecte le tissu adipeux mésentérique. Elle atteint souvent le sujet adulte de sexe masculin. Son étiologie reste inconnue. L´aspect tomodensitométrique de la PM varie selon l´importance de l'inflammation et de la fibrose. Nous rapportons deux cas de panniculite mésentérique révélés par une douleur abdominale. Le diagnostic a été posé sur la base des données de la tomodensitométrie. Nous rappelons à travers ces cas, les aspects cliniques et tomodensitométriques de cette affection rare.


Mesenteric panniculitis is a rare and benign disease characterized by chronic inflammatory and fibrotic process affecting the mesenteric adipose tissue. It occurs predominantly in adult male subjects. Its etiology is still unknown. CT imaging features vary according to the severity of inflammation and fibrosis. We here report two cases of mesenteric panniculitis revealed by abdominal pain. The diagnosis was based on computed tomography findings. This study focuses on clinical and CT imaging features of this rare condition.

Key words: Mesenteric panniculitis, abdominal pain, CT

 

 

Introduction    Down

La panniculite mésentérique (PM), également appelée mésentérite rétractile est une maladie rare et bénigne entraînant un épaississement et un raccourcissement du mésentère. Elle est caractérisée par un processus inflammatoire et fibrotique chronique qui affecte le tissu adipeux mésentérique [1]. Son étiologie reste inconnue, bien que son association avec diverses situations comme, la chirurgie abdominale, l'ischémie mésentérique, les traumatismes, obésité, les pathologies inflammatoires et carcinomateuses a été décrite [2]. Elle est souvent diagnostiquée de façon fortuite sur une tomodensitométrie (TDM) réalisée pour d´autres raisons. Nous proposons à travers ces cas, rappeler les aspects cliniques et radiologiques de cette affection rare.

 

 

Patient et observation Up    Down

Observation 1

Information du patient : un homme âgé de 46 ans est adressé par le service des urgences au service de radiologie pour la réalisation d´une TDM abdominale devant des douleurs abdominales évoluant depuis 3 jours avec nausées et vomissements. Il n´avait pas d´antécédents particuliers.

Résultats cliniques : l´examen clinique notait un syndrome d´irritation péritonéal.

Démarche diagnostique : les examens biologiques réalisés notaient un syndrome inflammatoire avec une Protéine C-Réactive (CRP) à 209 mg/dl. Une hyperleucocytose à 15700/mm3. La lipasémie était normale. La TDM réalisée a objectivé une densification de la graisse mésentérique réalisant une pseudo-masse englobant les vaisseaux mésentériques (Figure 1). Il n´avait pas de lésion d´organe plein intra-abdominaux en dehors d´une stéatose hépatique diffuse. Il n´y avait pas d´épanchement intrapéritonéal.

Intervention thérapeutique et suivi : l´évolution était favorable sous traitement symptomatique fait d´antalgique et d´anti-inflammatoire.

Observation 2

Information du patient : un homme âgé de 54 ans est adressé par son médecin traitant pour réalisation d´une tomodensitométrie abdominale. Il présentait souvent des épisodes de douleur abdominale. Il avait comme antécédent une cholécystectomie il y a 5 ans. Une échographie de l'abdomen avait été réalisée et était normale.

Résultats cliniques : l´examen clinique avait retrouvé un abdomen non distendu, pas de signes de péritonite, d'organomégalie ou de toute sensibilité localisée.

Démarche diagnostique : la numération formule sanguine, la vitesse de sédimentation, l´amylasémie et la lipasémie étaient normales. La tomodensitométrie réalisée a permis d´évoquer le diagnostic de panniculite mésentérique devant une masse graisseuse bien limitée à la racine du mésentère déplaçant des structures voisines avec un halo hypodense entourant les structures vasculaires (Figure 2).

Intervention thérapeutique et suivi : l´évolution était favorable sous traitement symptomatique fait d´antalgique et d´anti-inflammatoire.

 

 

Discussion Up    Down

Depuis sa première description par le chirurgien italien Jura en 1924, plusieurs termes ont été utilisés pour décrire la PM. En 1985, Kuhrmeier l´avait décrit comme une lipodystrophie mésentérique en se basant sur l´analyse macroscopique et histologiques des autopsies [3] et ce n´est qu´après que le nom de panniculite mésentérique a été donné à ce phénomène. La prévalence de la PM varie dans la littérature entre 0,6 et 2,4% (4). Il s´agit plutôt d´une maladie des sujets de sexe masculin avec une sex-ratio variant entre 2-3:1 [4]. Ces deux observations illustrent encore cette prédominance masculine. Son incidence augmente avec un âge moyen autour de 50-60 ans [5]. Les cas pédiatriques sont exceptionnels, probablement parce que les enfants ont moins de graisse mésentérique par rapport aux adultes.

Sur le plan histologique, la PM évolue en trois (3) stades [5,6]. Le premier stade est, la lipodystrophie mésentérique dans laquelle des macrophages remplacent la graisse mésentérique entrainant un épaississement diffus du mésentère. Les signes inflammatoires aigus sont minimes ou inexistant, la maladie a tendance à être cliniquement asymptomatique et le pronostic est bon. Dans le deuxième stade, appelé panniculite mésentérique, l'histologie révèle un infiltrat composé de cellules plasmatiques, de quelques leucocytes polymorphonucléaires, des cellules géantes et des macrophages. Cette phase est marquée par un épaississement nodulaire de la racine du mésentère. À ce stade, les signes cliniques apparaissent à type de fièvre, des douleurs abdominales ou d´un malaise. Le dernier stade est celui de la mésentérite rétractile, qui associe un dépôt de collagène, une fibrose et de l'inflammation. Ce stade réalise un syndrome de masse abdominale avec des signes obstructifs. Ce stade fait souvent discuter une néoplasie. La corrélation entre la PM et des pathologies néoplasiques représente un sujet controversé dans la littérature. En effet, de nombreux auteurs rapportent qu'une corrélation est possible avec l'implication du mésentère dans un syndrome paranéoplasique [6,7]. Plusieurs études ont rapporté une association de PM avec des néoplasies comme : la leucémie, le lymphome, le myélome, l´adénocarcinome de l'endomètre, le carcinome gastrique et pancréatique [6].

Le diagnostic de la PM fait appel à l´imagerie médicale. La TDM est l´examen d'imagerie de choix [4,8], considérée comme le plus sensible, mais ne peut être utilisé pour confirmer le diagnostic et une biopsie peut toujours être nécessaire pour confirmer le diagnostic. L´aspect tomodensitométrique de la PM varie selon l´importance de l'inflammation et de la fibrose, mais dans la plupart des cas, on peut noter : le signe du halo graisseux, un aspect de verre dépoli de la graisse mésentérique, un aspect fibrotique ou de masse inflammatoire des tissus mous avec des adénopathies enveloppant parfois des vaisseaux mésentériques avec ou sans thrombose, des calcifications dues à une nécrose du tissu adipeux, un aspect de pseudocapsule. Les critères TDM de diagnostic de la PM selon Coulier [9], nécessitent la présence d'au moins 3 des 5 signes typiques suivants : une masse graisseuse bien définie à la racine du mésentère déplaçant des structures voisines ; avec une atténuation plus élevée que celle de la graisse rétropéritonéale ou du tissu adipeux sous-cutané ; visualisation de ganglions lymphatiques au sein de cette masse graisseuse bien définie ; un halo hypodense entourant les vaisseaux et les ganglions et une pseudocapsule hyperdense entourant la graisse mésentérique avec les ganglions lymphatiques à l'intérieur. Pour le diagnostic de la PM, il est obligatoire qu'il n'y ait pas d'infiltration des structures de voisinage [4]. La PM peut également être détectée grâce à l´imagerie par résonance magnétique (IRM) ou échographie [10]. Mais la TDM reste l´examen de choix.

Le diagnostic différentiel de la panniculite mésentérique comprend toutes les autres affections pouvant affecter ou impliquer le mésentère, tels que le lymphome non hodgkinien, la carcinose péritonéale, les tumeurs survenant principalement dans le mésentère, tumeur carcinoïde, œdème mésentérique causé par des conditions comme l'insuffisance cardiaque congestive, la cirrhose du foie, les traumatismes abdominaux, etc [3].

 

 

Conclusion Up    Down

La panniculite mésentérique est une maladie inflammatoire non spécifique du tissu adipeux mésentérique, d'étiologie inconnue. Elle est souvent de découverte fortuite sur l´exploration de l'abdomen par une imagerie en coupe, notamment la TDM. Le diagnostic par la TDM est souvent suffisant, mais parfois une biopsie avec étude histologique est nécessaire pour trancher entre la PM et les autres affections du mésentère.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à ce travail et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1 : TDM abdominale, coupe axiale (A) et reconstruction sagittale (B) montrant la densification de la graisse mésentérique réalisant une masse avec pseudo-capsule hyperdense périphérique (têtes de flèche), englobant les vaisseaux mésentériques

Figure 2 : TDM abdominale, coupe axiale (A) et reconstruction coronale (B) masse graisseuse bien limitée à la racine du mésentère (têtes de flèche), déplaçant des structures voisines avec le signe du halo hypodense (flèche) entourant les structures vasculaires et les ganglions

 

 

Références Up    Down

  1. Kgomo M, Elnagar A, Mashoshoe K. Mesenteric panniculitis. BMJ Case Rep. 2017:bcr2017220910. PubMed

  2. Buragina G, Biasina AM, Carrafiello G. Clinical and radiological features of mesenteric panniculitis: a critical overview. Acta Biomed. 2019;90(4):411-22. PubMed | Google Scholar

  3. Kuhrmeier A. Mesenteric lipodystrophy. Schweiz Med Wochenschr. 1985 Sep 7;115(36):1218-24. PubMed

  4. Gögebakan Ö, Osterhoff MA, Albrecht T. Mesenteric panniculitis (MP): a frequent coincidental CT finding of debatable clinical significance. Fortschr Röntgenstr. 2018;190(11):1044-52. Google Scholar

  5. Jani PG, Jivanje M. Mesenteric paniculitis mimicking acute pancreatitis: a case report and literature review. East Cent Afr J surg. 2013;18:2. Google Scholar

  6. Mirabile A, Moschetta M, Lucarelli N, Telegrafo M, Scardapane A, Ianora AAS. A diagnostic dilemma: pedunculated mesenteric lipodystrophy mimicking Meckel´s diverticulum. A case report and literature review. International Journal of Surgery Case Reports. 2020;72:183-7. PubMed | Google Scholar

  7. Meyyur Aravamudan V, Khan SR, Natarajan SK, Hussain I. The complex relationship between mesenteric panniculitis and malignancy - A holistic approach is still needed to understand the diagnostic uncertainties. Cureus. 2019;11(9):e5569. PubMed | Google Scholar

  8. Mehta P, Reddivari AKR, Ahmad M. A case report of mesenteric panniculitis. Cureus. 2020;12(1):e6764. PubMed | Google Scholar

  9. Coulier B. Mesenteric panniculitis - Part 2: prevalence and natural course: MDCT prospective study. JBR-BTR. Sep-Oct 2011;94(5):241-6. PubMed | Google Scholar

  10. Halligan S, Plumb A, Taylor S. Mesenteric panniculitis: systematic review of cross-sectional imaging findings and risk of subsequent malignancy. Eur Radiol. 2016 Dec;26(12):4531-4537. PubMed | Google Scholar