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Research

Complications aiguës de la drépanocytose en réanimation: étude transversale rétrospective au Centre Hospitalier universitaire du Point G, Mali

Complications aiguës de la drépanocytose en réanimation: étude transversale rétrospective au Centre Hospitalier Universitaire du Point G, Mali

Acute complications of sickle cell disease in the Intensive Care Unit: a retrospective cross-sectional study at the Point G University Hospital Center, Mali

Kalba Tembiné1, Boubacar Diallo1,&, Hammadoun Dicko1, Seydina Alioune Beye1, Sory Traoré1, Aldjouma Guindo2, Sékou Kéné2, Moustapha Issa Mangané3, Abdoulhamidou Almeimoune3, Thierno Madane Diop3, Mahamadoun Coulibaly4, Mamadou Abdoulaye Chiad Cissé5, Amadou Sidibé5, Ahmadou Dramé5, Théodore Habib Maxime Coulibaly5, Kalil Sangho5, Nouhoun Diani5, Youssouf Coulibaly1

 

1Département d´Anesthésie-Réanimation et des Urgences, CHU du Point G, Bamako, Mali, 2Centre de Recherche et de Lutte Contre la Drépanocytose, Bamako, Mali, 3Département d´Anesthésie-Réanimation et Urgences, CHU Gabriel Touré, Bamako, Mali, 4Département d´Anesthésie-Réanimation et Urgences, CHU Mère-Enfant Luxembourg, Bamako, Mali, 5Service d´Anesthésie-Réanimation et Urgences, Hôpital du Mali, Bamako, Mali

 

 

&Auteur correspondant
Boubacar Diallo, Département d´Anesthésie-Réanimation et des Urgences, CHU du Point G, Bamako, Mali

 

 

Résumé

Introduction: la drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue dans le monde, elle est pourvoyeuse de nombreuses complications aiguës. Le but de ce travail était de décrire le profil épidémio-clinique et thérapeutique des complications aiguës de la drépanocytose en réanimation.

 

Méthodes: il s´agissait d´une étude transversale descriptive à collecte rétrospective de janvier 2011 à juin 2016. Nous avons colligé les dossiers de tous les patients drépanocytaires admis en réanimation pour complications aiguës. Les aspects épidémio-clinique, thérapeutiques et évolutifs ont été étudiés.

 

Résultats: la moyenne d´âge était de 25,9 ans ± 2.2 ans (extrêmes : 13 et 49 ans). Il s´agissait de 22 femmes (81,5%) et 5 hommes (18,5%). Les patients drépanocytaires ont représenté 8,2% (n=218) des admissions en réanimation. La fréquence des complications aiguës était de 12,4% (n=27). Parmi les 22 femmes, 68,2% (n=15) étaient admises dans un contexte de péri-partum dont 22,7% (n=5) pour césarienne. Le phénotype SS était le plus représenté 51,5 % (n=14), suivi de SC 37,4% (n=10) et de S/ß+thalassémie 11,1% (n=3). Les complications retrouvées étaient les crises vaso-occlusives 85,2% (n=23), le syndrome thoracique aigu 37% (n=10), l´accident vasculaire cérébral 7,4% (n=2) et l´anémie aiguë 7,4% (n=2). La prise en charge de ces complications était basée sur : l´analgésie multimodal associant la morphine 100% (n=27), le Paracétamol 100% (n=27), le Néfopam 22,2%(n=6), le Kétoprofène 7,4% (n=2) ; l´oxygénothérapie 100% (n=27), la réhydratation 100% (n=27), la transfusion de concentré globulaire rouge 44,4% (n=12), l´échange transfusionnel 7,4% (n=2), et l´assistance respiratoire 40,7% (n=11). Nous avons enregistré 22,2% (n=6) de décès, dont 18,5% (n=5) étaient de phénotype SS.

 

Conclusion: la drépanocytose est une maladie héréditaire fréquente à la réanimation du CHU Point G. Elle est pourvoyeuse de complications aiguës survenant majoritairement chez les femmes en péri-partum avec une mortalité élevée.


Introduction: sickle cell disease is the most common genetic disease in the world. It is associated with many acute complications. The purpose of this study is to describe the epidemio-clinical and therapeutic features of patients with acute complications of sickle cell disease in the Intensive Care Unit. Methods: we conducted a retrospective cross-sectional descriptive study from January 2011 to June 2016. We collected data from the records of all patients with sickle cell disease admitted to the Intensive Care Unit with acute complications. The epidemiological, clinical, therapeutic and evolutionary features were investigated. Results: the average age of patients was 25,9 years ± 2.2 years (ranging from 13 to 49 years). Twenty-two women (81.5%) and 5 men (18.5%) were enrolled. Patients with sickle cell disease accounted for 8.2% (n=218) of admissions in the Intensive Care Unit. The frequency of acute complications was 12.4% (n=27). Of 22 women enrolled, 68.2% (n=15) were admitted to a peri-partum setting, of whom 22.7% (n=5) underwent cesarean section. SS phenotype was mainly reported (51.5%;n=14), followed by SC (37.4%;n=10) and S/β+thalassemia (11.1%; n=3). Complications included vaso-occlusive attacks (85.2%; n=23), acute thoracic syndrome (37%; n=10), stroke (7.4%; n=2) and acute anemia (7.4%;n=2). The management of these complications was based on multimodal analgesia combining morphine 100% (n=27), paracetamol 100% (n=27), nefopam 22.2% (n=6), ketoprofen 7.4% (n=2), oxygen therapy 100% (n=27), rehydration 100% (n=27), transfusion of red cell concentrates 44.4% (n=12), exchange transfusion 7.4% (n=2) and respiratory assistance 40.7% (n=11). Twenty-two point two percent of patients died (n=6), of whom 18.5% (n=5) had SS phenotype. Conclusion: sickle cell disease is a hereditary disease that is commonly detected in patients admitted to the Intensive Care Unit of the Point G University Hospital Center. It is associated with acute complications, mainly occurring in peri-partum women with high mortality rates.

Key words: Sickle cell disease, acute chest syndrome, vaso-occlusive crisis

 

 

Introduction    Down

Pathologie génétique la plus répandue dans le monde, la drépanocytose est une maladie à transmission autosomique récessive par mutation d´un gène de la chaine ß de l´hémoglobine. Cette mutation induit la synthèse d´une hémoglobine anormale (HbS)qui favorise la falciformation des hématies en situation d'hypoxie prolongée et aboutissant à des manifestations vaso-occlusives [1,2]. On distingue les syndromes drépanocytaires majeurs regroupant : homozygoties S/S, hétérozygoties composites S/C, S/ߺ ou S/ß+thalassémie, et les formes hétérozygotes (AS) exceptionnellement symptomatiques [3].

La drépanocytose est surtout répandue en Afrique, en Inde, dans le Bassin méditerranéen et au Moyen-Orient [1-4]. De ces régions, elle s´est étendue à d´autres pays du fait des mouvements de population et des migrations. En France, elle est la plus fréquente des maladies génétiques [1]. L´Afrique subsaharienne est particulièrement touchée: un nouveau-né sur 65 y est drépanocytaire. Au Mali, la prévalence de la drépanocytose est estimée à 12% dont 1 à 3% pour la forme homozygote [5,6]. C´est un problème de santé publique de par sa fréquence et ses multiples complications.

Les manifestations cliniques de la drépanocytose débutent vers l´âge de 6 mois, par des crises vaso-occlusives qui occasionnent des douleurs de localisation et d´intensité variables, une anémie chronique et des épisodes infectieux sévères [7]. La répétition de ces crises est responsable de complications autant aiguës que chroniques qui grèvent le pronostic fonctionnel et vital [8]. Les complications aiguës sont dominées par : les crises vaso-occlusives, l'anémie hémolytique chronique avec des épisodes d'aggravation aiguë, la susceptibilité aux infections bactériennes à germes encapsulés en raison de l'asplénie fonctionnelle, le syndrome thoracique aigu, les Accidents Vasculaires Cérébraux ischémique et hémorragique, le priapisme. D´autres complications aiguës telles que vertiges, hypoacousie, atteinte hépatique et splénique sont moins fréquentes [4].

La prise en charge thérapeutique est multidisciplinaire, notamment internistes, urgentistes et réanimateurs sont impliqués dans la prise en charge des complications de la drépanocytose aux côtés de l´hématologue. Elle comprend le traitement symptomatique des crises vaso-occlusives, la transfusion, voire l´exsanguino-transfusion et les suppléances organiques selon la sévérité de la crise. Ainsi les patients présentant des complications sévères font l´objet d´admission en réanimation [3,9]. Au cours de la dernière décennie, la prise en charge médicale s´est considérablement améliorée au Mali avec la création en 2010 du centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD). Cependant, nous ne disposons pas à ce jour de données sur les complications aiguës de la drépanocytose en réanimation.

Le but de ce travail était de caractériser le profil épidémio-clinique, thérapeutique et le pronostic des complications aiguë de la drépanocytose en réanimation au CHU Point G.

 

 

Méthodes Up    Down

Conception de l´étude: il s´agissait d´une étude transversale descriptive à collecte rétrospective de janvier 2011 à juin 2016, au service de réanimation du CHU Point G.

Cadre d´étude: le CHU du Point G est un centre de référence de troisième niveau, situé à 8km du centre-ville de Bamako sur la colline G. Il fait office de centre de dernier recours sur la pyramide sanitaire du Mali. Il compte 19 services techniques regroupés en départements. Le département d´anesthésie-réanimation et des urgences comporte : le service d´accueil et de tri des urgences, le service d´anesthésie, le bloc opératoire et le service de réanimation polyvalente. Le service de réanimation est une réanimation polyvalente avec une capacité de 9 lits et une activité couvrant les urgences médicales, obstétricales, les chirurgies générale et urologique. Compte tenu de sa proximité avec le Centre de Recherche et de Lutte contre la Drépanocytose (CRLD), crée en 2010, il constitue le premier service de référence pour la prise en charge des patients drépanocytaires présentant des complications sévères.

Population d´étude: elle était constituée de l´ensemble des patients drépanocytaires admis en réanimation de janvier 2011 à juin 2016.

Critères d´inclusion: ce travail incluait les dossiers de tous les drépanocytaires, forme majeure suivis au CRLD, de sexe masculin ou féminin, âgés d´au moins 18 ans, et admis en réanimation pour complications aiguës.

Critères de non-inclusion: n´ont pas été inclus les patients drépanocytaires admis en réanimation en dehors des complications aiguës, notamment les patients reçus en postopératoire de chirurgie élective sans complication.

L´échantillonnage: était non probabiliste.

Collecte de données: les données ont été collectées sur une fiche anonyme à partir des dossiers médicaux, des registres d´hospitalisation, des fiches de références. Nous avons procédé à un enrôlement exhaustif des dossiers de tous les drépanocytaires admis en réanimation pour complications aiguës durant la période d´étude.

Variables étudiées: âge, sexe, phénotype, antécédents médicaux et transfusionnels, évaluation de la douleur, motif d´admission, délai d´admission en réanimation, signes cliniques, type de complication aiguë, paramètres vitaux, examens complémentaires biologique et radiologique réalisés, diagnostics de sortie, durée d´hospitalisation, pronostic.

Analyse et traitement des données: l´analyse a été faite sur le logiciel Epi info version 7.0. Les variables catégorielles et continues ont été présentées respectivement sous forme d´effectif et de moyennes ± écart-types. Le chi quarré a été le test statistique utilisé avec un intervalle de confiance de 95% et une valeur de p<0,05 considérée comme significative.

Considération éthique: compte tenu de son caractère rétrospectif, le consentement n´était pas exigé. Afin de garantir la confidentialité des informations personnelles des patients, les données ont été recueillies sur des fiches d'enquête anonyme. Le protocole d´étude a été validé par la Faculté de Médecine sous le numéro 16/110 FMOS.

 

 

Résultats Up    Down

La moyenne d´âge était de 25,9 ans ± 2,2 ans (extrêmes : 18 et 49 ans). Il s´agissait de 22 femmes (81,5%) et 5 hommes (18,5%). Les patients drépanocytaires ont représenté 8,2% (n=218) des admissions en réanimation. La fréquence des complications aiguës était de 12,4% (n=27). La Figure 1 représente l´évolution de l´incidence des complications aiguës durant la période d´étude. Parmi les 22 femmes, 68,2% (n=15) étaient admises dans un contexte de péri partum dont 22,7% (n=5) pour césarienne. Les caractéristiques sociodémographiques sont représentées dans le Tableau 1.

Le phénotype SS était le plus représenté 51,5 % (n=14), suivi de SC 37,4% (n=10) et de S/ß+thalassémie 11,1% (n=3). Les douleurs ostéoarticulaires étaient le motif d´admission dans 55,5 % (n=15). Les complications retrouvées étaient les crises vaso-occlusives 85,2% (n=23), le syndrome thoracique aigu 37% (n=10), l´accident vasculaire cérébral 7,4% (n=2) et l´anémie aiguë 7,4% (n=2). La grossesse (n=15) et le paludisme (n=9) étaient les facteurs déclenchant les plus fréquents. La Figure 2, le Tableau 2 et le Tableau 3 représentent respectivement les différentes complications, les caractéristiques cliniques, et paracliniques. Les comorbidités retrouvées étaient: l´hypertension artérielle 3,7% (n=1), le diabète 3,7% (n=1), et l´asthme 3,7% (n=1). Cinq patients avaient un antécédent transfusionnel (18,5%).

La prise en charge de ces complications était basée sur : l´analgésie multimodale associant la morphine 100% (n=27), le paracétamol 100% (n=27), le néfopam 22,2%(n=6), le kétoprofène 7,4% (n=2) ; l´oxygénothérapie 100% (n=27), la réhydratation 100% (n=27), la transfusion de concentré globulaire rouge 44,4% (n=12), l´échange transfusionnel 7,4% (n=2), et l´assistance respiratoire 40,7% (n=11). La durée moyenne de ventilation était de 4 jours avec des extrêmes de 1 à 13 jours. La prise en charge est résumée dans le Tableau 4.

Le taux de mortalité était de 22.2% (n=6). Parmi les 6 décès, 5 étaient du phénotype SS, et 1 était SC ; l´association CVO-STA était retrouvé chez 4, l´AVC dans un cas et l´anémie aigüe par déglobulisation dans 1 cas. Le délai d´admission en réanimation était supérieur à 48 heures chez 4 patients parmi les 6 décédés.

 

 

Discussion Up    Down

La drépanocytose dans ses formes majeures se traduit cliniquement par une symptomatologie variée pouvant dans certains cas mettre en jeu le pronostic vital. Ses complications aigues constituent des urgences et relève d´une prise en charge bien codifiée [7,8]. Le service de réanimation du CHU Point G, du fait de sa proximité avec le Centre de Recherche et de Lutte Contre la Drépanocytose (CRLD), assure autant la prise en charge chirurgicale de ces patients, que médicale des complications aigues. C´est dans ce contexte que nous avons réalisé une étude descriptive à collecte rétrospective sur 5 ans avec comme objectif de caractériser le profil épidémio-clinique, thérapeutique et le pronostic des complications aigües de la drépanocytose en réanimation.

Les patients drépanocytaires ont représenté 8,2% (n=218) des admissions en réanimation. La fréquence des complications aigües était de 12,4% (n=27). Elles étaient dominées par les crises vaso-occlusives 85,2% (n=23) qui font le nid des autres complications, suivi du syndrome thoracique aigue 37% (n=10). Elles surviennent majoritairement chez des patientes jeunes avec une moyenne d´âge de 25,9 ans ± 2,2 ans, dans un contexte de péri-partum ou d´accès palustre. La forme homozygote SS (51,5%) et hétérozygote composite SC (37,4%) étaient les plus fréquentes. La mortalité associée à ces complications était de 22,2%. Gbadoé et al. [10] rapportaient une fréquence de 0,33% dans leur série contrairement au 24% rapporté par Al Khawaja et al. [11] au Bahreïn. La fréquence des complications en réanimation dépend de l´organisation des différentes structures et du mode de recrutement. La fréquence élevée dans notre série s´explique par l´impact du CRLD qui assure le dépistage et le suivi des patients en provenance de toutes les régions du pays. Ainsi, notre échantillon d'étude peut être considéré comme représentatif du fait que le recrutement a été fait à Bamako, cosmopolite et principale ville du pays. Dans la littérature, cette fréquence varie de 4,5 à 25% des patients de réanimation [12,13]. L´âge moyen de nos patients était de 25,9±2,2ans. Dans les séries Sénégalaise et Béninoise la moyenne d´âge était respectivement de 27 ans et de 24,2 ans [13,14]. Al Khawaja et al. au Bahreïn rapportent une moyenne d´âge de 31 ans [11]. Le CHU Point G ne disposant pas de réanimation pédiatrique, la prise en charge des cas pédiatriques se fait dans un autre CHU. Sur les 27 patients qui ont présenté des complications aigues, 22 étaient de sexe féminin (85.5%) soit un ratio de 0.2. Cette prédominance féminine serait en rapport avec la grossesse qui constitue un facteur de décompensation de la maladie drépanocytaire. Parmi les 22 patientes, 15 étaient en état de grossesse ou en péri partum cette prédominance féminine n´est pas retrouvée dans les séries de Roger Dodo [15] et de Nacoulma et al. [13], qui rapportent respectivement 60% et 55% de sexe masculin.

La forme SS était la plus représentée avec 51.5% suivie de SC avec 37.4%. La forte prévalence hospitalière de la forme SS est décrite dans la littérature, atteignant 72% des cas dans certaines séries [15,16]. La prédominance de la forme SS en réanimation s´explique sur le plan physiopathologique par le fait qu´elle constitue la forme la plus sévère de la maladie avec une incidence élevée des complications aiguës [4,17].

Les douleurs ostéoarticulaires étaient le motif d´admission dans 55.5% des cas. Ces douleurs sont réputées être le symptôme le plus fréquent [4,13,14,16]. Au Sénégal, Seck et al. retrouvaient 89.7% de douleur ostéoarticulaire comme motif de consultation [12]. C´est la traduction clinique de l´obstruction des micros vaisseaux par les globules rigidifiés lors de la polymérisation de l´hémoglobine S d´où la notion de crises vaso-occlusives (CVO). Elles sont favorisées par la déshydratation, le froid, l´altitude, le stress, les efforts excessifs et les infections [12,18]. Le syndrome thoracique aigu (STA) qui survient fréquemment dans un contexte de crises vaso-occlusives était retrouvé chez 37% de nos patients. Il représente la première cause de morbidité et de mortalité chez l´adulte drépanocytaire. Sa manifestation clinique est faite de douleur thoracique et une anomalie radiologique avec des infiltrats pulmonaires d´apparition aigue associée à un ou plusieurs des signes suivants : toux, polypnée, dyspnée, hypoxie ou fièvre [18,19]. Dans la série de Tawfic et al. la fréquence du STA était de 69,6% et constituait le premier motif d´admission en réanimation [20]. Al Khawaja et al. rapporte des résultats similaires [11]. Nous avons colligé 2 cas d´accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique soit 7,4%. Napon et al. rapportaient 3%. Cette faible fréquence s´expliquerait par le fait que les AVC sont plus fréquents dans l´enfance entre 5 et 10 ans. Ils provoquent des dommages au cerveau laissant des séquelles motrices et/ou intellectuelles. Une surveillance médicale attentive permet de détecter précocement un AVC afin de mettre en place un traitement adapté [21].

Les facteurs de décompensation les plus fréquents étaient la grossesse (55%) et le paludisme (33%). Les interactions entre drépanocytose et paludisme restent mal élucidées. Si les sujets drépanocytaires semblent protégés contre les formes graves de paludisme [22], le retentissement d´un accès palustre sur la maladie drépanocytaire peut aboutir à des décompensations sévères. La grossesse chez le drépanocytaire est à haut risque maternel et fœtal. Elle est source de décompensation aigue de la pathologie drépanocytaire et à l´inverse la drépanocytose influe sur le cours de la grossesse avec un retentissement fœtal et maternel [23-25].

La prise en charge des complications aigues de la drépanocytose est bien codifiée avec des spécificités propres à chaque complication, mais aussi aux différents phénotypes [4]. Elle repose sur la transfusion ou l´échange transfusionnel qui constitue la pierre angulaire, l´analgésie multimodale, la réhydratation, l´oxygénothérapie, la suppléance des défaillances organiques, ainsi que l´identification et le contrôle des facteurs de décompensation [4,9,26]. L´oxygénation, l´hydratation et une analgésie contrôlée permettent de prévenir l´évolution vers une défaillance multi viscérale, et d´éviter aussi une ventilation mécanique [12,18]. Dans notre série l´analgésie, la réhydratation, et l´oxygénation étaient systématique. La transfusion de concentré globulaire était réalisée chez 44,4%, l´échange transfusionnel chez 7,4% et l´assistance respiratoire 40,7%. L´instauration de ces mesures thérapeutiques dépende du tableau clinique, et du contexte de soins. Dans notre contexte, la disponibilité des produits sanguins reste une problématique majeure de la prise en charge de ces patients.

L´évolution était favorable dans 77,8%, nous avons colligé 6 décès soit 22,2% de mortalité. Notre taux de mortalité est supérieur à celui rapporté dans d'autres centres : 19 % au Royaume-Uni [27]; 16% à Oman [20] ; et 14,4 % aux États-Unis [28]. Parmi les 6 décès, 5 étaient du phénotype SS, et 1 était SC ; l´association CVO-STA était retrouvé chez 4, l´AVC dans un cas et l´anémie aigue par déglobulisation dans un cas. Dans la littérature le STA est la reconnu comme étant la première cause de mortalité chez les drépanocytaires [18,19,29]. Le délai d´admission en réanimation était supérieur à 48 heures chez 4 patients parmi les 6 décédés. Le dépistage précoce et la prise en charge des complications aigues vaso-occlusives, du syndrome thoracique aigu, des accidents vasculaires cérébraux et des infections améliorent la qualité de vie et le pronostic des drépanocytaires [12]. Ces résultats devraient pousser à une meilleure organisation de la prise en charge, notamment raccourcir les délais d´admission en réanimation, et assurer la disponibilité des produits sanguins.

Les principales limites de cette étude sont ses caractères monocentrique et rétrospective et la restriction de la population par le critère d´âge, excluant les cas pédiatriques. Malgré ces limites, cette étude nous a permis de caractériser le profil épidémio-clinique des complications aigues de la drépanocytose en réanimation au Mali. Ces complications dominées par le STA et la CVO, touchent surtout les patientes jeunes en péri partum avec un accès palustre et sont grevées d´une lourde morbi-mortalité. Les difficultés majeures rencontrées dans leur prise en charge sont le retard dans l´admission en réanimation et le manque de produit sanguin. Ces résultats pourront aider à l'élaboration de stratégies de prise en charge notamment multidisciplinaires au Mali.

 

 

Conclusion Up    Down

La drépanocytose est une maladie héréditaire fréquente à la réanimation du CHU Point G. Elle est pourvoyeuse de nombreuses complications aigues survenant majoritairement chez les femmes en péri-partum ou dans un contexte d´accès palustre. La crise vaso-oclusive constitue la complication la plus fréquente et fait le nid des autres complications. La mortalité liée à ces complications reste élevée dans notre contexte, touche surtout les formes homozygotes et implique le syndrome thoracique aigue.

Etat des connaissances sur le sujet

  • La drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue dans le monde. Elle est pourvoyeuse de nombreuses complications aigues motivant des hospitalisations en réanimation;
  • Il n'existe pas à notre connaissance d'études maliennes concernant le profil épidémio-clinique des complications aigues de la drépanocytose en réanimation.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Cette étude nous permet de caractériser le profil épidémio-clinique des complications aigues de la drépanocytose en réanimation au Mali; ces complications touchent surtout les patientes jeunes en péri-partum ou en accès palustre. Elles sont dominées par les CVO et le STA et sont grevées d´une lourde morbi-mortalité due en partie au retard de prise en charge et au manque de produits sanguins;
  • Ces résultats pourront aider à l'élaboration de stratégies de prise en charge notamment multidisciplinaires des complications aigues de la drépanocytose au Mali.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Conception et rédaction du protocole : BD, KT, ST. Collecte des données : KT, SK, ST. Analyse et interprétation des données : KT, BD, ST, SAB. Rédaction du manuscrit : KT, BD, HD, SAB. Révision du manuscrit : YC, ND, AG, AA, TMD, MC, MIM, AS, AD. Tous les auteurs ont revu, lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1: caractéristiques sociodémographiques

Tableau 2: caractéristiques cliniques

Tableau 3: caractéristiques biologiques et radiologiques

Tableau 4: caractéristiques thérapeutiques et évolutif

Figure 1: fréquence relative des complications aigües et d´hospitalisation de la drépanocytose

Figure 2: distribution des complications aigües de la drépanocytose

 

 

Références Up    Down

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