Home | Volume 1 | Article number 44

Case report

Pyélonéphrite emphysémateuse associée à une fibrose rétropéritonéale et un pseudo-anévrysme aortique

Pyélonéphrite emphysémateuse associée à une fibrose rétropéritonéale et un pseudo-anévrysme aortique

Emphysematous pyelonephritis associated with retroperitoneal fibrosis and pseudo-aortic aneurysm

Chifa Damak1, Faten Frikha1,&, Yosra Bouattour1, Raida Ben Salah1, Zouhir Bahloul1

 

1Service de Médecine Interne Chu Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Faten Frikha, Service de Médecine Interne Chu Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

 

 

Résumé

La pyélonéphrite emphysémateuse est une forme rare de suppuration rénale définie par la présence de pus et de gaz au sein du parenchyme rénal. C’est une affection grave survenant préférentiellement chez le diabétique et qui peut engager le pronostic vital Nous rapportons un cas de pyélonéphrite emphysémateuse associée à une fibrose rétropéritonéale et un pseudoanévrysme aortique avec une évolution fatale.


English abstract

Emphysematous pyelonephritis is a rare suppurative infection of the kidney characterized by production of pus and gas within the renal parenchyma. This severe and life-threatening disease mainly affects diabetic patients. We here report a case of emphysematous pyelonephritis associated with retroperitoneal fibrosis and pseudo-aortic aneurysm with fatal outcome.

Key words: Emphysematous pyelonephritis, pseudo-aortic aneurysm, retroperitoneal fibrosis

 

 

Introduction    Down

La pyélonéphrite emphysémateuse (PNE) est une forme rare de suppuration rénale définie par la présence de pus et de gaz au sein du parenchyme rénal, des cavités excrétrices ou des espaces péri rénaux d’origine bactérienne. C’est une affection grave survenant préférentiellement chez le diabétique et qui peut engager le pronostic vital [1, 2]. Nous rapportons un nouveau cas de PNE compliqué d’un anévrysme aortique et une fibrose rétropéritonéale et nous mettons l’accent sur les caractéristiques cliniques, paracliniques et thérapeutiques de cette pathologie.

 

 

Patient et observation Up    Down

Monsieur AC âgé de 58 ans a été hospitalisé en médecine interne pour des lombalgies évoluant depuis un mois d’horaire mixte à prédominance inflammatoire dans un contexte d’altération de l’état général. L’interrogatoire trouvait la notion d’un syndrome polyuropolydipsique récent. L’examen clinique trouvait un patient apyrétique mais altéré avec un rachis raide et une attitude antalgique. Les analyses biologiques ont objectivé une hyperle40 à prédominance neutrophiles, et un syndrome inflammatoire biologique avec une CRP fortement positive à 527 mg/l. La glycémie était élevée à 31 mmol/l avec acétonurie massive à la bandelette urinaire permettant de retenucocytose à 385ir un diabète de primodécouverte en décompensation cétosique. La fonction rénale était correcte. Dans le cadre de recherche d’un foyer infectieux, l’examen bactériologique des urines réalisé était négatif et la radiographie de thorax était normale. Un scanner abdominopelvien a été réalisé. Il a objectivé une pyélonéphrite emphysémateuse (PNE) gauche associée à une fibrose rétropéritonéale et un anévrysme de l’aorte abdominale (Figure 1). En fait, il existait une extension péri vasculaire responsable d’une dissection de l’aorte et d’un pseudoanévrysme aortique associé à une importante infiltration de la graisse rétropéritonéale La partie distale de l’aorte abdominale et l’origine des artères iliaques sont entourées d’une fibrose rétro péritonéale. Un traitement par insulinothérapie associé à une antibiothérapie à large spectre par voie parentérale a été instauré. Le patient a été transféré pour une prise en charge chirurgicale: néphrectomie gauche et mise à plats du pseudo-anévrysme aortique. L’évolution était rapidement fatale au bloc opératoire suite à un choc septique.

 

 

Discussion Up    Down

La PNE est une forme grave nécrotique d'une pyélonéphrite bactérienne aiguë, dans laquelle le parenchyme rénal infecté produit du gaz (dioxyde de carbone et nitrogène) par fermentation du glucose [3]. Le principal facteur de risque de la PNE est le diabète sucré mal équilibré, comme chez notre patient [4] et dans 15% des cas, la PNE constitue une circonstance de découverte du diabète. Les autres facteurs favorisants sont l’immunodépression et l’existence d’un obstacle urétéral. Le point de départ de la PNE est l’infection du rein par une variété de bactéries gazogènes. Les germes responsables sont des bacilles, L'Escherichia Coli est retrouvé dans 60% des cas, le Klebsiella Pneumoniae dans 25% des cas. Il peut s’agir aussi de Pseudomonas ou de Proteus Mirabilis ou Vulgaris [2]. Les germes anaérobies restent exceptionnels et certains cas de PNE imputés à des levures ont été décrites [5]. C’est une affection rare; qui a été décrite pour la première fois par Kelly et McCallum en 1898, et cent ans après la première observation, environ 168 cas ont été publiés [6]. La symptomatologie clinique n’est pas spécifique et le retard diagnostique est fréquent. Les signes cliniques sont ceux d’une pyélonéphrite grave, avec de la fièvre et des frissons dans 56 à 79% des cas, des douleurs abdominales ou lombaires dans 48 à 71% des cas, avec nausées ou vomissements dans 16% des cas [4]. Une confusion avec asthénie voir un coma d’emblée peuvent se voir dans un quart des cas. Des signes en rapport avec un état septicémique ou la décompensation d'un diabète sont souvent associés. Les examens biologiques permettent de confirmer le sepsis, de rechercher une décompensation du diabète et de rechercher des facteurs de gravité sous forme d'une dysfonction viscérale (insuffisance rénale, insuffisance hépatique) ou d'une coagulopathie de consommation (thrombopénie, augmentation du temps de céphaline activée et baisse du taux de prothrombine) [1]. Dans la série de Evanoff et al. une hyperglycémie dépassant 11 mmol/L (2g/L) a été retrouvée chez 94,2% des patients [7]. L’insuffisance rénale aigue (fonctionnelle ou organique), autre anomalie biologique fréquemment retrouvée dans la PNE, représente un facteur pronostique pour des valeurs de créatininémie supérieures à 120 μmol/L et elle est pratiquement toujours irréversible.

 

Le diagnostic positif est établi par la tomodensitométrie abdominale. Le scanner permet de confirmer la présence de gaz intra parenchymateux et classe cette pathologie en 2 entités différentes [6]: le type 1: caractérisé par une destruction parenchymateuse, des amas de gaz et l'absence de collection liquidienne; le type 2: caractérisé par des bulles de gaz intra parenchymateuses, avec des collections liquidiennes péri rénales. Cette forme est associée à une mortalité plus élevée, avec indication de néphrectomie si le rein n'est plus fonctionnel. C’est une maladie de pronostic sévère grevée d’une lourde mortalité nécessitant une prise en charge thérapeutique rapide et efficace en raison de son caractère potentiellement fatal. Le traitement est basé d’une part, sur une antibiothérapie adapté, et d’autre part sur un traitement chirurgical (la néphrectomie en urgence) [8]. L'antibiothérapie initiale probabiliste associe une céphalosporine de troisième génération ou l'imipénème à une fluoroquinolone ou un aminoside. Cette antibiothérapie sera adaptée ensuite en fonction des résultats bactériologiques et de l'efficacité clinique. Huang et Tseng ont établi une classification radiologique à valeur pronostique, conditionnant le choix thérapeutique [9]; stade 1: gaz dans les voies excrétrices seulement; stade 2: gaz dans le parenchyme rénal sans extension dans l’espace extrarénal; stade 3A: extension du gaz ou abcès de l’espace périnéphrétique; stade 3B: extension du gaz ou abcès de l’espace pararénal; stade 4: pyélonéphrite emphysémateuse bilatérale ou sur rein unique. Ce processus est responsable de nécrose du parenchyme rénal et de complications locorégionale comme illustre notre cas. Les anévrysmes infectés de l’aorte représentent jusqu’à 1% des anévrysmes aortiques opérés. Les aortites infectieuses sont essentiellement dues soit à une infection générale (endocardite, Staphylococcus aureus, salmonellose), soit à une infection locorégionale (abcès, spondylodiscite, ou pyélonéphrite comme le cas de notre patient). Les hémocultures sont généralement positives. Le traitement d’un anévrysme mycotique repose sur une antibiothérapie adaptée et sur un traitement chirurgical avec exérèse large et pose d’une endoprothèse. Une mortalité accrue est associée à ces anévrysmes mycotiques. Elle est estimée à 36% des cas dans les suites opératoires [10]. La fibrose rétro-péritonéale est une maladie fibrosante rare, marquée par la constitution d’un tissus fibreux au niveau du rétropéritoine. La FRP peut être idiopathique ou secondaire, maligne ou bénigne, due à une cause locale ou générale. En effet, toute agression locale au niveau rétropéritonéale peut être la cause d’une FRP (chirurgie, traumatisme infection). Dans le cas de notre patient, il existe deux mécanismes pouvant être en cause: la pyélonéphrite et l’aortite. Notre observation est unique du fait de la présence de plusieurs affections rares chez un même patient. Les mécanismes étiopathogéniques semblent être liés : d’une part, l’anévrysme mycotique est secondaire à la PNE et d’autre part, la FRP est le résultat de la PNE et l’aortite infectieuse conjointement.

 

 

Conclusion Up    Down

La pyélonéphrite emphysémateuse est une infection rénale rare et grave chez le diabétique pouvant mettre en jeu le pronostic vital et fonctionnel. Toute suspicion de PNE doit conduire à la réalisation d’un scanner, examen de référence pour affirmer le diagnostic et guider l’attitude thérapeutique. L’antibiothérapie précoce doit être systématique. Dans la majorité des cas, le drainage percutané peut constituer la première étape thérapeutique.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figure Up    Down

Figure 1: (A) pyélonéphrite emphysémateuse gauche avec destruction parenchymateuse complète du rein; (B) il existe une extension péri vasculaire responsable d’une dissection de l’aorte et d’un pseudoanévrysme aortique associé à une importante infiltration de la graisse rétropéritonéale; (C) la partie distale de l’aorte abdominale et l’origine des artères iliaques sont entourées d’une fibrose rétro péritonéale

 

 

Références Up    Down

  1. Kaiser E, Fournier R. Pyélonéphrite emphysémateuse: diagnostic et traitement. Ann Urol. 2005;39(2):49-60. Google Scholar

  2. Lasri A, Saouli A, Yddoussalah O, Karmouni T, Elkhader K, Koutani A et al. Favorable evolution after medical treatment in three cases of emphysematous pyelonephritis: about 3 cases Pan Afr Med J. 2018 Jul 23;30:233. PubMed | Google Scholar

  3. Grayson DE, Abbott RM, Levy AD, Sherman PM. Emphysematous infections of the abdomen and pelvis: a pictorial review. Radiographics. 2002 May-Jun;22(3):543-61. PubMed | Google Scholar

  4. Michaeli J, Mogle P, Perlberg S. Emphysematous pyelonephritis. J Urol. 1984;131(2):203-8. PubMed | Google Scholar

  5. Derouiche A, Ouni A. La prise en charge des pyélonéphrites emphysémateuses; a propos de 21 cas. Prog Urol. 2008;18(2):102-7. Google Scholar

  6. Wan YL, Lee TY, Bullard MJ, Tsai CC. Acute gas-producing bacterial renal infection: correlation between imaging findings and clinical outcome. Radiology. 1996 Feb;198(2):433-8. PubMed | Google Scholar

  7. Evanoff GV, Thompson CS, Foley R, Weinmann EJ. Spectrum of gas within the kidney. Emphysematous pyelonephritis and emphysematous pyelitis. Am Med. 1987 Jul;83(1):149-54. PubMed | Google Scholar

  8. Ruiz A, Fabre C, Boutault JR, Merzeau C. Pyélonéphrite emphysémateuse. Journal d'imagerie diagnostique et interventionnelle. 2018;1(3): 172-173.

  9. Huang JJ, Tseng CC. Emphysematous pyelonephritis: clinico radiological classification, management, prognosis, and pathogenesis. Arch Intern Med. 2000 Mar 27;160(6):797-805. PubMed | Google Scholar

  10. Dick J, Tiwari A, Menon J, Hamilton G. Anevrysme de l’aorte abdominal secondaire à une infection à Pseudomonas aeruginosa: une cause rare d’anévrysme mycotique. Ann Vasc Surg. 2010;24:692e1-690e4. Google Scholar