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Case report

Pyoderma gnagrenosum associé à la polyarthrite rhumatoïde: un diagnostic à ne pas méconnaître

Pyoderma gnagrenosum associé à la polyarthrite rhumatoïde: un diagnostic à ne pas méconnaître

Pyoderma gangrenosum associated with rheumatoid arthritis: a diagnosis that should be suspected

Faten Frikha1,&, Chifa Damak1, Yosra Bouattour1, Mayeda Ben Hamad1, Ranya Ghariani1, Mouna Snoussi1, Raida Ben Salah1, Zouhir Bahloul1

 

1Service de Médecine Interne, Chu Hédi Chaker 3029 Sfax, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Faten Frikha, Service de Médecine Interne, Chu Hédi Chaker 3029 Sfax, Tunisie

 

 

Résumé

Le pyoderma gangrenosum est une affection rare, se présentant classiquement par des ulcérations cutanées inflammatoires et douloureuses. Il peut être associé à une maladie générale, inflammatoire intestinale, ou rhumatismale comme la polyarthrite rhumatoïde (PR). Nous rapportons ici un cas de pyoderma gangrenosum survenu chez un patient suivi pour une polyarthrite rhumatoïde et rappelons les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette dermatose.


Pyoderma gangrenosum is a rare disorder, usually characterized by inflammatory and painful skin ulcers. It may be associated with common inflammatory bowel disease or rheumatic disease such as rheumatoid polyarthritis (PR). We here report a case of pyoderma gangrenosum in a patient treated for rheumatoid polyarthritis. The purpose of this study was to highlight the epidemiological, clinical, therapeutic and evolutionary features of this dermatosis.

Key words: Rheumatoid polyarthritis, pyoderma gangrenosum, neutrophilic dermatoses

 

 

Introduction    Down

Le pyoderma gangrenosum (PG) est une affection rare, se présentant classiquement par des ulcérations cutanées inflammatoires et douloureuses. Il peut être associé à une maladie générale, digestive, hépatique ou rhumatismale comme la polyarthrite rhumatoïde (PR). Nous rapportons ici un cas de pyoderma gangrenosum survenu chez un patient suivi pour une polyarthrite rhumatoïde et rappelons les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette dermatose.

 

 

Patient et observation Up    Down

Un homme âgé de 67 ans, aux antécédents de tuberculose pulmonaire très ancienne traitée, ayant une polyarthrite rhumatoïde érosive, séropositive (facteur rhumatoïde et anticorpsantipeptide cyclique citrulliné) évoluant depuis 10 ans, et traité par méthotrexate (10 mg/semaine) et anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). En 2017, il était hospitalisé pour une fièvre avec pancytopénie. Le diagnostic d´un syndrome d´activation macrophagique, compliquant sa maladie a été retenu. Le Méthotrexate était incriminé d´où son arrêt et le patient a été mis sous Hydroxychloroquine (400mg) et prednisone (10mg/jour) sans rechute articulaire. Quatre semaines avant son admission, le malade développe une ulcération cutanée douloureuse de la fosse lombaire droite qui augmente progressivement de taille sans fièvre ni altération de l´état général. A l´examen, la lésion était ulcéreuse suintante à centre atrophique et à bordure polycyclique violaciforme faisant 5x3 cm de grand axe (Figure 1). Il y avait un discret syndrome inflammatoire, l´hémogramme était normal. Les examens microbiologiques étaient stériles. L´analyse anatomopathologique de la biopsie cutanée a révélé un infiltrat dermique inflammatoire de polynucléaires neutrophiles souvent altérés avec exocytose, sans vascularite, et sans signes de malignité. Les colorations spéciales pour la recherche de microorganismes, comportant le Gram et le Ziehl se sont révélées négatives. La recherche de corps de Leishmanie était négative. Le diagnostic de pyoderma gangrenosum associé à la polyarthrite rhumatoïde a été retenu. Le patient a bénéficié d´un traitement par soins locaux, la plaie a été recouverte par des pansements quotidiens avec une évolution partiellement favorable.

 

 

Discussion Up    Down

Les atteintes cutanées font partie des manifestations extra-articulaires de la polyarthrite rhumatoïde. Ce rhumatisme inflammatoire peut se compliquer de dermatoses neutrophiliques, notamment sous la forme de dermatose neutrophilique rhumatoïde ou de pyoderma gangrenosum comme chez notre patient. Le PG est une dermatose neutrophilique chronique rare caractérisée par une ulcération cutanée superficielle extensive, récidivante à localisation uni ou multifocale cutanéo-muqueuse. Il a été décrit pour la première fois aux Etats-Unis dans les années 1930 par Brunsting, Goeckermann et O´Leary [1,2]. Sa pathogénie reste incertaine et plusieurs dysfonctions immunitaires ont été décrites (perturbation du chemotaxis et de la phagocytose des neutrophiles; diminution de lymphokine jouant le rôle de facteur d´inhibition de migration; surproduction d´interleukine-8; polypeptide qui est un facteur chémotactique des neutrophiles) [3]. Les données épidémiologiques sont peu précises, l´incidence générale est estimée entre 3 et 10 cas par an, par million d´habitants et le pic d´incidence se situe entre 25 et 55 ans [4]. Le diagnostic de PG reste un diagnostic d´exclusion (éliminer une cause infectieuse et une lésion maligne). Il est avant tout clinique, conforté par l´examen histopathologique. La lésion initiale est à type de pustule stérile ou de nodule chaud, d´apparition spontanée qui s´ulcère et subit très rapidement une extension centrifuge superficielle. Le PG se développe de façon prédominante sur les membres inférieurs (75-80%) mais peut toucher tout le revêtement cutanéo-muqueux (membres supérieurs, thorax, mains, tronc, tête, cou, les voies aéro-digestives supérieures, les yeux, la muqueuse génitale) Plusieurs affections peuvent être confondues avec un PG ce qui peut faire retarder le diagnostic: vasculites, troubles vasculaires occlusifs et quelques affections veineuses, processus malins (le carcinome épidermoïde, le lymphome cutané, la leukemia cutis et les cancers métastatiques), certaines infections comme les cellulites, les ulcérations herpétiques, l´ulcère de Buruli, les infections à mycobactéries atypiques, la syphilis secondaire, la tuberculose cutanée, la leishmaniose, la sporotrichose, les mycoses profondes et l´ecthyma gangrenosum [4]. L´association du P.Gà une autre affection se voit dans 50% des cas et donc l´âge de survenue est variable et dépend de la pathologie associée.

 

Ces affections comprennent les pathologies digestives (maladie de Crohn et recto-colite ulcéro-hémorragique), hépatiques (hépatite chronique active, cholangite sclérosante, cirrhose biliaire primitive), rhumatismales (polyarthrite rhumatoïde comme chez notre patient, spondyloartropathie, polychondrite) et hématologiques (dysglobulinémies, leucémies, les syndromes myéloprolifératifs polyglobulie, thrombocystémie, splénomégalie myéloïde, myélodysplasie) [5,6]. Il existe une affection rhumatismale particulière qui est toujours associée à un PG: c´est celle que l´on rencontre dans le syndrome PAPA (pyogenic arthritis, pyoderma gangrenosum and acne) caractérisée par une arthrite destructrice non axiale, une acné kystique sévère et un PG. Dans notre cas, plusieurs diagnostics ont été évoqués: vascularite rhumatoïde, infection en particulier Leishmaniose cutanée et PG. Sur le plan histologique, l´absence de nécrose vasculaire et de dépôts fibrinoïdes a permis de distinguer le PG d´une vascularite cutanée. Le traitement du PG est mal codifié et reste empirique. Pour les lésions localisées, le traitement topique peut être suffisant. Le traitement non agressif de la plaie avec des pansements est essentiel pour favoriser la guérison comme chez notre malade. Pour les lésions étendues ou agressives, un traitement systémique est indiqué. Il repose sur la corticothérapie, les immunosuppresseurs et les anti-TNF [7]. L´évolution des PG associés à une affection rhumatismale est généralement moins favorable et les traitements standards par corticoïdes systémiques associés à un immunomodulateur peuvent être insuffisants. Dans une étude portant sur 2 ans, 23,4% des PG associés à une arthrite guérissent alors qu´on observe 78,9% de guérison pour les autres PG [8].

 

 

Conclusion Up    Down

Le PG constitue une dermatose peu fréquente et de diagnostic souvent difficile. Son diagnostic est souvent tardif, après de multiples explorations afin d´éliminer une cause infectieuse et une lésion maligne. Sa prise en charge nécessite une excellente coordination entre le médecin traitant et les spécialistes: internistes, dermatologues, des maladies infectieuses.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figure Up    Down

Figure 1: ulcération cutanée suintante à centre atrophique et à bordure polycyclique violaciforme

 

 

Références Up    Down

  1. Brunsting LA, Goeckerman WH, O´Leary IA. Pyoderma gangrenosum: clinical and experimental observations in five cases occurring in adults. Arch Dermatol. 1930;22:655-80.

  2. Newell LM, Malkinson FD. "Pyoderma (ecthyma) gangrenosum" by Brunsting, Goeckerman and O'Leary, October 1930, Commentary: pyoderma gangrenosum. Arch Dermatol. 1982;118(10):743-73. PubMed | Google Scholar

  3. Oka M, Berking C, Nesbit M, Satyamoorthy K, Schaider H, Murphy G et al. Interleukin-8 overexpression is present in pyoderma gangrenosum ulcers and leads to ulcer formation in human skin xenografts. Lab Invest. 2000;80(4):595-604. PubMed | Google Scholar

  4. Chariatte N, Lysitsa S, Lombardi T, Samson J. Pyoderma gangrenosum (1ère partie): mise au point. Med Buccale Chir Buccale. 2011;17:121-131. Google Scholar

  5. Carron PN, Yerly S, Ksontini R, Calandra T, Meylan P. Pyoderma gangrenosum: défi diagnostique et thérapeutique. Rev Med Suisse. 2008;4:1938-43. Google Scholar

  6. Al Ghazal P, Herberger K, Schaller J, Strolin A, Hoff NP, Goerge T et al. Associated factors and comorbidities in patients with pyoderma gangrenosum in Germany: a retrospective multicentric analysis in 259 patients. Orphanet J Rare Dis. 2013;8:136. PubMed | Google Scholar

  7. Reichrath J, Bens G, Bonowitz A, Tilgen W. Treatment recommendations for pyoderma gangrenosum: an evidence-based review of literature based on more than 350 patients. J Am Acad Dermatol. 2005 Aug;53(2):273-83. PubMed | Google Scholar

  8. Charles CA, Bialy TL, Falabella AF, Eaglstein WH, Kerdel FA, Kirsner RS. Poor prognosis of arthritis-associated pyoderma gangrenosum. Arch Dermatol. 2004 Jul;140(7):861-4. PubMed | Google Scholar