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Syndrome douloureux atypique de la cheville chez le sportif: syndrome de l´os trigone

Syndrome douloureux atypique de la cheville chez le sportif: syndrome de l´os trigone

A typical painful syndrome of the ankle in the athletes: syndrome of the trigone bone

Abdellatif Benabbouha1,&, Youssef Jalal2, Abdeloihab Jaafar2

 

1Department of Orthopedic Surgery and Traumatology, Military Hospital, Guelmim, Morocco, 2Department of Orthopedic Surgery and Traumatology, Military Hospital Mohammed V, Faculty of Medicine and Pharmacy, Mohammed V University, Rabat, Morocco

 

 

&Auteur correspondant
Abdellatif Benabbouha, Department of Orthopedic Surgery and Traumatology, Military Hospital, Guelmim, Morocco

 

 

Résumé

Le syndrome de l´os trigone est une pathologie rare, en rapport avec la présence d´un os accessoire à la partie postérieure du talus. Il concerne habituellement une population d´adultes jeunes sportifs. Le traitement peut être médical dans un premier temps, en cas d´échec, une résection chirurgicale permet d´obtenir des résultats satisfaisants. Les auteurs rapportent une série de 10 patients sportifs traités chirurgicalement. Au recul moyen de 2 ans, les résultats étaient bons, avec une reprise des activités sportives chez tous nos patients.


The syndrome of the trigone bone is a rare disorder associated with extra (accessory) bone behind the ankle bone (talus). It usually affects young adult athletes. Patient´s management was initially based on medical treatment. In case of failure, surgical resection allows to achieve satisfactory results. We here report a case series of 10 athletes treated surgically. After a mean follow-up interval of 2 years, outcomes were good, with a resumption of sports activities in all patients.

Key words: Syndrome of the trigone bone, treatment, sport

 

 

Introduction    Down

Le syndrome de l´os trigone est un ensemble des symptômes douloureux, en rapport avec la présence d´un osselet accessoire à la partie postérieure du talus. Cet os trigone se présente comme un deuxième noyau d'ossification chez l´enfant, qui fusionne normalement avec le reste du talus. Depuis sa première description par Rosenmuller en 1804, plusieurs études à la recherche de son origine ont été publiées. Steida et Turner expliquaient sa persistance par l´absence de fusion de ce noyau d´ossification [1]. Alors que Shepherd et Moullin suggéraient la survenue d´une fracture secondaire par un mécanisme micro-traumatique à répétition, qui ne se consolide pas [2]. Il s´agit d´une pathologie extrêmement rare et handicapante en cas de pratique sportive nécessitant une flexion plantaire maximale de la cheville. Nous rapportons une série de dix cas de syndrome de l´os trigone symptomatique traités chirurgicalement.

 

 

Méthodes Up    Down

Il s´agit de dix patients qui ont été pris en charge à l´Hôpital Militaire d´Instruction Mohamed V à Rabat. L´âge variait entre 21 et 32 ans avec une moyenne de 26 ans. Notre série regroupait 8 footballeurs, un athlète et une danseuse de ballet. Nous n´avons pas noté d´atteinte bilatérale. Une douleur de la région postérieure ou postéro-externe du talon était toujours présente et constituait le motif principal de consultation. Cette symptomatologie était responsable d´un arrêt de l´activité sportive dans tous les cas. L´examen clinique de la cheville trouvait une sensibilité postéro-latérale dans tous les patients, une asymétrie de la flexion plantaire chez 6 cas. Aucun patient ne présentait des signes en faveur d´une ténosynovite concomitante du fléchisseur de l´hallux. Un bilan radiologique standard (radiographie de face et de profil de la cheville) a été réalisé chez tous les patients et avait montré la présence de l´os trigone (Figure 1). La tomodensitométrie (TDM) de la cheville a été faite chez 8 cas (Figure 2). Tous nos patients ont bénéficié d´une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) de la cheville, qui permettait d´établir le diagnostic positif en montrant des signes de souffrance des tissus dans la zone de l´os trigone, et surtout permettait d´éliminer les autres diagnostics différentiels (Figure 3). Tous nos malades ont reçu un traitement médical en première intention à base d´antalgiques et d´anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) avec une immobilisation plâtrée de la cheville pendant 15 jours, des infiltrations de corticoïdes ont été réalisées pour 6 patients. La durée moyenne du traitement médical était de 9 mois. L´échec du traitement conservateur et la non reprise du sport chez nos patients ont posé l´indication chirurgicale. Tous les sujets ont été opérés sous anesthésie locorégionale. Le choix de la voie d´abord dépendait des préférences du chirurgien: postérolatérale pour 8 patients et postéromédiale chez un deux cas. Pour la première, l´intervention s´est déroulée en décubitus ventral sous garrot pneumatique. L´incision était parallèle au bord externe du tendon d´Achille passant en arrière du nerf et de veine saphène externes. Ces éléments doivent être écartés soigneusement pour permettre poursuivre la dissection en arrière des tendons péroniers latéraux. La résection de l´os trigone s´est fait au bistouri (Figure 4). Pour la seconde, l´incision était curviligne rétromalléolaire tout en respectant le pédicule vasculo-nerveux tibial postérieur, le fléchisseur commun des orteils et le long fléchisseur propre de l´hallux. En postopératoire, nous avons autorisé l´appui dès la disparition des douleurs.

 

 

Résultats Up    Down

Tous les patients ont été revus avec un recul moyen de deux ans. Les résultats fonctionnels étaient basés sur les critères suivants: le score AOFAS 100 points (American Orthopaedic Foot and Ankle Society), la reprise du sport et la satisfaction des patients. Ce score donne un maximum de 40 points pour la douleur et 50 points pour la fonction et 10 points pour l´alignement axial. La douleur était absente chez tous les malades après traitement chirurgical. Le score moyen fonctionnel a augmenté de 15 à 20 points et le sport a été repris au 3e mois. Un seul patient a gardé des dysesthésies dans le territoire du nerf sural, ayant récupéré au bout de 2 mois. Aucun patient n´était mécontent ou déçu de l´intervention incluant celui qui avait eu une complication.

 

 

Discussion Up    Down

L´os trigone est un os surnuméraire présent dans 1,7à 7% de la population générale, bien qu´il soit rarement symptomatique [3,4]. Il est plus fréquemment unilatéral que bilatéral, avec une légère prédominance masculine. Lors d´une flexion plantaire forcée, nécessaire pour la pratique de certains sports comme le football et la danse en particulier le ballet, un os trigone peut générer des signes douloureux en rapport avec un conflit osseux avec la malléole postérieure et le calcanéum, équivalent de "posterior ankle impingement" pour les anglo-saxons [2,3]. En effet, une douleur en regard de la région postérieure ou postéro-externe de la cheville lors d´une flexion plantaire maximale semble être le motif de consultation le plus fréquent. Certains patients en particulier les danseurs de ballet présentent une diminution de la flexion dorsale du gros orteil traduisant une ténosynovite associée du long fléchisseur de l´hallux [5]. Généralement l´examen clinique ne trouve pas de signe spécifique, mais parfois la palpation de la région rétromalléolaire externe simultanée à une hyperflexion plantaire peut reproduire la symptomatologie douloureuse [3,6]. Le bilan radiologique de première intention (la radiographie standard essentiellement de profil de la cheville et parfois la TDM de la cheville) permet seulement d´orienter le diagnostic en montrant la présence d´un os trigone [7]. Le recours à d´autres examens complémentaires semble nécessaire pour affirmer la responsabilité de l´os trigone dans la genèse des symptômes douloureux. Cependant, l´infiltration de l´os trigone par des anesthésiques locaux sous le contrôle de l´amplificateur de brillance confirme le diagnostic lorsqu´elle permet une disparition de la douleur [8]. La scintigraphie osseuse retrouve une hyperfixation très évocatrice de la région postérieure du talus, bien qu´il existe des nombreux faux négatifs et positifs selon Sopov et al. [9]. L´IRM de la cheville reste l´examen clé pour le diagnostic positif et surtout différentiel. Classiquement, elle met en évidence un os trigone irrégulier avec une sclérose sous chondrale, une synchondrose élargie et un œdème médullaire de l´os trigone. Elle montre également une ténosynovite associée du long fléchisseur de l´hallux [10,11]. Bien que très évocatrices, ces anomalies de signal ne sont pas pathognomoniques. Il faut donc éliminer les principaux diagnostics différentiels du syndrome du conflit postérieur: tendinite du tendon d´Achille, tendinite du long fléchisseur de l´hallux, bursite rétrocalcalnéenne, subluxation des tendons péroniers, muscle soléaire accessoire symptomatique et syndrome du canal tarsien [4,10].

 

Le traitement du syndrome de l´os trigone vise surtout l´indolence et une mobilité normale de la cheville permettant au jeune sportif de retrouver ses activités sportives. La plupart des auteurs préconisent un traitement médical en première intention [3,4,7]. Il fait appel généralement aux antalgiques, AINS, immobilisation plâtrée et aux infiltrations cortisoniques, à faire à une semaine d´intervalle et ne devant pas être répétées au-delà de trois injections. Il est impératif de faire suivre ce traitement d´une période de repos d´une à trois semaines. La chirurgie est proposée actuellement en cas d´échec du traitement conservateur bien conduit, ce dernier ne doit pas retarder la chirurgie. Selon Abramowitz et al. [7], un délai supérieur à deux ans entre le début des symptômes et l´acte chirurgical semble être le seul facteur ayant une influence sur le résultat fonctionnel. La résection chirurgicale de l´os trigone peut être menée à ciel ouvert. La plupart des auteurs préconisent un abord postéro-latéral, qui expose mieux la face postérieure de la cheville [3,7]. Cependant, il peut être responsable de névromes ou de dysesthésies du nerf saphène externe, d´où l´intérêt d´une bonne connaissance de l´anatomie et une grande rigueur technique pour assurer de meilleurs résultats fonctionnels. En cas d´une ténosynovite associée du long fléchisseur de l´hallux, la voie d´abord postéro-médiale parait très utile afin de permettre à la fois la résection de cet osselet et de réaliser une éventuelle décompression de la gaine du tendon [5,6]. Récemment, des résections de l´os trigone par voie arthroscopique ont été rapportées dans la littérature [12-14], dont le résultat final est similaire aux approches ouvertes [15]. Plusieurs techniques arthroscopiques ont été décrites selon les voies d´abord utilisées. Certains décrivent des entrées antérolatérales et postérolatérales [16] en décubitus dorsal, d´autres mettent le patient en décubitus latéral en utilisant deux entrées postérolatérales superposées afin d´accéder à l´os trigone [17]. Bien que la plupart des séries rapportées dans la littérature ne comportent qu´un nombre réduit de patients, la chirurgie conventionnelle ou bien arthroscopique permet une disparition complète des symptômes dans un délai de 3 à 6 mois, mais les procédés arthroscopiques permettent une récupération et un retour aux activités sportives plus rapide selon Guo et al. [15,18].

 

 

Conclusion Up    Down

Le syndrome de l´os trigone est une affection rare touchant principalement le jeune sportif, pouvant être responsable d´une gêne fonctionnelle importante, surtout en cas de pratique sportive régulière. La radiographie standard et l´IRM permettent de faire le diagnostic positif. Le traitement est d´abord médical, en cas d´échec, une simple résection permet d´obtenir des résultats satisfaisants avec une reprise rapide des activités sportives.

Etat des connaissances actuelle sur le sujet

  • Syndrome de l´os trigone est une pathologie très rare;
  • Il touche les jeunes sportifs;
  • Le traitement est essentiellement chirurgical.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • La rareté de la pathologie dans notre contexte;
  • Le diagnostic est essentiellement radiologique;
  • L´intérêt du traitement chirurgical.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: radiographie standard de profil de la cheville montrant la présence de l´os trigone (la flèche blanche)

Figure 2: TDM de la cheville montrant l´os trigone (la flèche blanche)

Figure 3: IRM de la cheville objectivant l´os trigone au niveau de la partie postérieure du talus (la flèche blanche), avec des signes de souffrance locale

Figure 4: os trigone réséqué

 

 

Références Up    Down

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