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Case report

Corps étranger insolite thoracique: à propos d´un cas

Corps étranger insolite thoracique: à propos d´un cas

Unusual thoracic foreign body: a case study

Stéphane Kohpé Kapseu1,&, Fred Dikongue Dikongue2, Arlette Michelle Dongmo2

 

1Unité des Sciences Cliniques, Département de Chirurgie, Université des Montagnes Bangangté, Ouest, Cameroun, 2Département de Chirurgie et Spécialités, Université de Dschang, Dschang, Cameroun

 

 

&Auteur correspondant
Stéphane Kohpé Kapseu, Unité des Sciences Cliniques, Département de Chirurgie, Université des Montagnes Bangangté, Ouest, Cameroun

 

 

Résumé

Des cas de corps étrangers thoraciques ont été rapportés dans la littérature. Certaines situations rares méritent que l´on s´y intéresse, notamment la découverte fortuite d´une lame de couteau thoracique à distance d´une plaie pénétrante par arme blanche. Monsieur Y. âgé de 27 ans, conducteur de taxi moto a consulté pour une douleur thoracique difficilement localisable par lui-même, d´intensité croissante, handicapante et insomniante. Neuf jours avant la consultation, ce dernier a été victime d´une agression physique au décours de laquelle il a eu une plaie thoracique par arme blanche, située dans le dos. Reçu en urgence dans un centre médical d´arrondissement (CMA), une suture de la plaie a été réalisée. A son admission dans notre structure sanitaire, hôpital de 4e catégorie, on notait une incapacité à réaliser l´antéflexion thoracique du fait de la douleur paroxystique. La radiographie du thorax de face et de profil a été réalisée, permettant ainsi de découvrir de façon fortuite un corps étranger s´apparentant à une lame de couteau. L´extraction du corps étranger s´est faite sous anesthésie générale et intubation orotrachéale, patient installé en décubitus ventral. Les suites opératoires étaient simples. Toute plaie thoracique pénétrante devrait être systématiquement explorée sur le plan clinique et ou para clinique quel que soit le tableau clinique initial. L´amélioration du pronostic de patients traumatisés du thorax en général et porteurs de plaies thoraciques pénétrantes par arme blanche en particulier, passera par la formation continue du personnel impliqué dans leur prise en charge, et une collaboration franche entre équipes médicales de différents niveaux de la pyramide sanitaire.


Some cases of thoracic foreign bodies have been reported in the literature. There are some rare situations that merit attention, such as the incidental detection of a knife blade in the chest at a distance from a penetrating stab wound. Mr Y., aged 27, a motorbike taxi driver, presented with generalized disabilitating chest pain of increasing intensity causing insomnia. Nine days before the consultation, he had been the victim of a physical assault causing a stab wound to the back. Emergency wound suture was performed in a district medical center (DMC). On admission to our 4th class hospital, he was unable to perform anteflexion of the thorax due to paroxysmal pain. Frontal and profile X-rays of the chest were performed, which incidentally showed a foreign body resembling to a knife blade. The foreign body was removed under general anaesthesia and orotracheal intubation, with the patient positioned face-down. The postoperative course was uneventful. Any penetrating chest wound should be systematically investigated clinically and/or para-clinically regardless of the initial clinical picture. Improving the prognosis of patients with any chest trauma and with penetrating stab wounds, in particular, requires continuous training of the personnel involved in their care and open collaboration between medical teams from different levels of the health pyramid.

Key words: Foreign body, penetrating wound, chest, case report

 

 

Introduction    Down

Des cas de corps étrangers thoraciques ont été rapportés dans la littérature [1]. En général ils sont l´apanage de plaies thoraciques pénétrantes survenues au cours d´agressions physiques, d´accidents domestiques, d´accident de travail ou encore de conflits armés [2-7]. Certaines situations rares méritent que l´on s´y intéresse, notamment la découverte fortuite d´une lame de couteau thoracique à distance d´une plaie pénétrante par arme blanche. Le risque de migration du corps étranger avec possibilité d´atteinte d´organes nobles est la crainte majeure. Nous rapportons suivant les CAse REport (CARE) guidelines, une nouvelle observation en milieu rural dans un hôpital de 4e catégorie selon la pyramide sanitaire; dans le but de souligner l´intérêt d´une exploration systématique en urgence para clinique et ou chirurgicale des plaies thoraciques et ce peu importe le tableau clinique initial.

 

 

Patient et observation Up    Down

Informations relatives aux patients (présentation du patient): monsieur Y. âgé de 27 ans, conducteur de moto-taxi a consulté pour une douleur thoracique. Ce dernier a été victime d´une agression physique au décours de laquelle il a eu une plaie thoracique par arme blanche, située dans le dos entre les deux régions scapulaires. La douleur thoracique est difficilement localisable par le patient, elle est d´intensité croissante, puis handicapante et insomniante; il ne sait pas son origine. Son statut vaccinal pour le tétanos est non précisé et ne souffre pas d´une maladie chronique. Il vit seul, n´est pas tabagique et consomme de l´alcool. Reçu en urgence dans un centre médical d´arrondissement (CMA), une suture de la plaie a été réalisée et une antibiothérapie de nature non précisée prescrite. Après cicatrisation, les fils de sutures ont été enlevés dans ledit centre.

Résultats cliniques: à son admission dans notre centre de santé, hôpital de 4e catégorie selon la pyramide sanitaire, on note une incapacité à réaliser l´antéflexion thoracique du fait de la douleur paroxystique. Son état général est conservé, il est apyrétique, ses paramètres sont: tension artérielle 130/80 mmHg; pouls 80 pulsations/min; fréquence respiratoire 20 cycles/min; saturation à 98%; poids 60 Kg; taille 1m65 soit un indice de masse corporel (IMC) à 22,05 Kg/m2. L´auscultation pulmonaire est normale. Sa plaie dans le dos est complètement cicatrisée.

Chronologie: neuf jours avant la consultation, patient victime d´une agression physique: plaie dans le dos (dont-il ignore l´objet vulnérant) suturée le même jour dans un CMA → Une semaine plus tard, ablation des fils dans le même centre → Consultation dans notre formation sanitaire 9 jours après la survenue de sa plaie dans le dos: la radiographie permet de découvrir de façon fortuite un corps étranger → 2 jours après résultats du scanner thoracique disponible → 1 jour après patient opéré, soit 12 jours après la survenue de sa plaie thoracique.

Démarche diagnostique: la radiographie du thorax (Figure 1) révèle la présence d´un corps étranger, s´apparentant à une lame de couteau en regard de l´aire pulmonaire droite. Le scanner thoracique (Figure 1) conclu à la présence d´un corps étranger avec contusion parenchymateuse pulmonaire droite sans lésion osseuse du cadre thoracique. Le bilan pré opératoire est strictement normal. Il était important de pouvoir situer le corps étranger thoracique avec exactitude par rapport aux poumons, aux gros vaisseaux et au cœur. Notre structure sanitaire ne disposant pas d´un scanner, le patient a dû se rendre à 40 kilomètres pour réaliser un scanner thoracique dont le résultat était disponible 48 heures après. La conclusion de contusion parenchymateuse était rassurante pour l´équipe de soins car confirmait la bénignité des lésions.

Intervention thérapeutique: le patient a bénéficié de l´administration de 1500 Unités Internationales de sérum antitétanique, d´une dose de vaccin antitétanique et d´une antibioprophylaxie à base d´amoxicilline + acide clavulanique 1g toutes les 12 heures pendant 72 heures. L´extraction du corps étranger s´est faite sous anesthésie générale et intubation orotrachéale, patient installé en décubitus ventral (Figure 2). L´incision emportait la cicatrice de la plaie initiale. Après extraction du corps étranger (lame de couteau), un drain de Redon a été mis en place dans le fond de la plaie (Figure 3). En post opératoire, l´antalgie a été assurée avec du nefopam 20 mg injectable, à la posologie de 40 mg dans du sérum salé 0,09% 500 CC toutes les 8 heures pendant 72 heures.

Suivi et résultats des interventions thérapeutiques: les suites opératoires étaient simples avec une absence de fièvre, des paramètres hémodynamiques satisfaisant, une fonction respiratoire conservée et une plaie propre. L´ablation du drain a été faite au cinquième jour post opératoire ainsi que la sortie du patient. Les soins ont été poursuivis à titre externe. Le pronostic était bon un an après l´intervention chirurgicale.

Perspectives du patient: le patient surpris de la découverte de ce corps étranger a immédiatement compris l´origine de sa douleur. Il a exprimé à l´ensemble du corps soignant sa reconnaissance et sa satisfaction quant aux soins qui lui ont été prodigués.

Consentement éclairé: un consentement éclairé du patient a été obtenu et peut être fourni sur demande.

 

 

Discussion Up    Down

Dans la littérature africaine, les plaies par arme blanche sont généralement en cause au cours de traumatismes thoraciques pénétrants [2-7]. Il s´agit d´agressions criminelles dans la majorité des cas [8]. Le couteau fait partie des agents vulnérants les plus fréquents [4,9]. Pour ce qui est de la rétention de lame après plaie pénétrante, le délai de consultation varie d´une observation à l´autre. Dans le cas de Danwang et al. [1] il était de sept semaines avant la consultation, donc nettement plus long que le nôtre soit une semaine et deux jours. Cette rétention résulte d´une plaie thoracique dite négligée. La localisation postérieure de la plaie pourrait être un facteur de retard de consultation et de minimisation des lésions intrathoraciques du fait de la présence d´une importante masse musculaire.

L´interrogatoire du patient lorsqu´il est possible est capital; car permet de déterminer l´objet pénétrant et d´identifier le mécanisme exact. Ces informations guideront toute l´évaluation subséquente et la conduite thérapeutique [3]. C´est cette approche bien codifiée qui a fait défaut lors de la prise en charge initiale de notre patient. En fonction du plateau technique, le bilan du blessé stable repose sur une radiographie thoracique, une échographie et un examen tomodensitométrique. Selon Ahmed et al. la radiographie thoracique devrait être systématique en cas de traumatisme thoracique pénétrant [10]. Pour un patient stable comme le nôtre pris en charge en milieu défavorisé, un abord chirurgical « à ciel ouvert » peut être fait à but diagnostique ou en vue de l´ablation d´un corps étranger [2,3]. A l´inverse la thoracoscopie est une méthode de choix lorsqu´elle fait partie de l´arsenal thérapeutique et doit toujours être discutée. Deux théories pourraient expliquer l´état du patient pendant et après la prise en charge par la première équipe médicale: 1) la majorité des traumatismes pénétrants du thorax ne cause pas de lésions mortelles dans les premières minutes après l'incident traumatique, 2) un traitement conservatif pourrait être efficace dans une grande part de traumatismes pénétrant du thorax avec peu de risque de complications [4,7].

Ainsi avec une évaluation minutieuse, un diagnostic rapide et des interventions relativement simples, la plupart des patients présentant un traumatisme thoracique pénétrant se rétablissent [6]. Dans les cas d´urgence avec instabilité hémodynamique, l´insuffisance ou la faiblesse du plateau technique ne soustrait pas le praticien à appliquer des règles simples telles que l´indication d´une thoracotomie en urgence devant un hémothorax dépassant 1,5 litre en trois heures, après un drainage efficace et efficient malgré une réanimation stabilisatrice. Une laparotomie exploratrice complémentaire est systématique pour les plaies situées au-dessous du 5e espace intercostal pour devancer les plaies aiguës abdominales associées [7]. Le parcours de soins de notre patient est en adéquation avec les conclusions de Yena et al. [6] selon lesquelles, parmi les motifs d´arrivée tardive des patients traumatisés du thorax dans les hôpitaux de référence, on peut citer le problème de ramassage, l´éloignement, les problèmes financiers, la négligence des plaies thoraciques ou le défaut de prise en charge.

 

 

Conclusion Up    Down

Toute plaie thoracique pénétrante devrait être systématiquement explorée sur le plan clinique et ou para clinique quel que soit le tableau clinique initial. L´amélioration du pronostic de patients traumatisés du thorax en général et porteurs de plaies thoraciques en particulier, passera par la formation continue du personnel impliqué dans leur prise en charge et une collaboration franche entre équipes médicales de différents niveaux de la pyramide sanitaire.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Stéphane Kohpe Kapseu: collecte des données, rédaction du cas. Fred Dikongue: validation du cas, relecture. Arlette Michelle Dongmo: validation du cas, relecture. Les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: A) radiographie thoracique de face (1) et de profil (2); B) scanner thoracique coupe transversale (1) et coupe longitudinale (2) montrant la localisation du corps étranger (flèche rouge indiquant le corps étranger)

Figure 2: extraction corps étranger (lame de couteau) sous anesthésie générale

Figure 3: A) corps étranger extrait (lame de couteau); B) suture de l´incision cutanée; C) pansement avec drain de Redon en place

 

 

Références Up    Down

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