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Case report

Traumatisme crânien pénétrant par clou: à propos d´un cas

Traumatisme crânien pénétrant par clou: à propos d´un cas

Penetrating head injury caused by a nail: case report

Mahamadou Aminou Sanda1,&, Maman Sani Ado Zakari2, Abdoulwahab Issa1

 

1Service de Neurochirurgie, Hôpital Général de Référence, Niamey, Niger, 2Département d´Anesthésie, Réanimation et Urgences, Hôpital Général de Référence, Niamey, Niger

 

 

&Auteur correspondant
Mahamadou Aminou Sanda, Service de Neurochirurgie, Hôpital Général de Référence, Niamey, Niger

 

 

Résumé

Les traumatismes crâniens pénétrants sont rares. Ceux engendrés par un clou sont encore plus rares, et se rencontrent surtout lors d´accident de travail ou de tentative de suicide. Nous rapportons l´observation d´un patient âgé de 34 ans, victime d´un traumatisme crânien pénétrant par clou dans de circonstances non élucidées. L´imagerie ne montrait pas de lésion cérébrale et le clou se projetait sur le sinus sagittal supérieur. Le patient avait bénéficié d´une craniotomie avec des suites post-opératoires simples. Les traumatismes crâniens pénétrants par clou sont parfois graves du fait des lésions cérébrales initiales, mais surtout des complications vasculaires et infectieuses.


Penetrating head injuries are rare. Those caused by a nail are even rarer and are mainly due to work accidents or suicide attempts. We report the case of a 34-year-old patient, victim of penetrating head injury caused by a nail under unclear circumstances. Imaging showed no brain damage and the nail projecting into the superior sagittal sinus. The patient underwent craniotomy with simple post-operative outcome. Penetrating head injuries caused by a nail are sometimes severe due to initial brain damages, but especially due to vascular and infectious complications.

Key words: Head trauma, craniocerebral wound, nail, case report

 

 

Introduction    Down

Les traumatismes crâniens pénétrants sont rares, de l´ordre de 0,4% de tous les traumatismes crâniens [1]. Les causes sont multiples et la nature de l´objet pénétrant en fait souvent la gravité [2]. Les traumatismes crâniens pénétrants par clou, beaucoup plus rares, surviennent surtout lors d´accident de travail ou de tentative de suicide ou l´automutilation (contexte psychiatrique) par l´utilisation de pistolet à clou [3]. Leur pronostic généralement bon, impose cependant une prise en charge adaptée pour éviter la survenue des complications, notamment vasculaires et infectieuses, sources majeures de morbi-mortalité [1]. Nous rapportons un cas rare de traumatisme crânien pénétrant par clou survenu dans de circonstances non élucidées.

 

 

Patient et observation Up    Down

Informations sur le patient: patient de 34 ans, sans antécédent notable, admis pour traumatisme crânien par arme blanche remontant à 3 jours. Les circonstances du traumatisme étaient non élucidées.

Résultats cliniques: le patient avait été retrouvé de nuit, avec un clou enfoncé dans le crâne, et baignant dans du sang provenant de sa gorge. Il avait bénéficié d´abord des soins d´urgence, d´une prévention antitétanique, puis d´une radiographie standard du crâne (Figure 1) avant d´être référé dans notre hôpital. A son admission, le patient était conscient, apyrétique, avec de bonnes constantes hémodynamiques. Il était un peu apathique, avec une parole ralentie, et une sensation de faiblesse généralisée, sans déficit neurologique. Le reste de l´examen notait au niveau crânien et sur le vertex, la tête du clou qui affleurait la peau devenue noirâtre, nécrosée (Figure 2). On notait également, juste au-dessus du cartilage thyroïde, une plaie horizontale, suturée, propre, d´environ 4 cm de longueur.

Evaluation diagnostique: le scanner cérébral, sans injection de produit de contraste, ne notait pas de lésion intracrânienne; il montrait par contre le clou, incurvé vers la gauche, enfoncé perpendiculairement au crâne jusqu´à proximité du corps calleux. Le clou se situait sur la ligne médiane donnant l´impression d´avoir traversé le sinus sagittal supérieur à la partie antérieure de son 1/3 moyen (Figure 3).

Intervention thérapeutique: le patient était opéré en urgence. Dans la crainte d´une atteinte du sinus sagittal supérieur (Figure 4 A), nous réalisions une craniotomie avec la perspective d´ouvrir la dure-mère en cas de saignement et la réparation d´une blessure éventuelle du sinus sagittal supérieur. Le volet était rectangulaire de part et d´autre de la ligne médiane, centré par le clou. Nous avions d´abord réalisé un trou de trépan latéral droit à environ 2 cm de la ligne médiane en regard du clou, puis à l´aide d´une pince Kerrison, nous avions rongé l´os jusqu´à isoler le clou du volet. Ensuite après l´hémostase, l´exploration nous suggérait que le clou n´aurait pas traversé le sinus sagittal supérieur qui se trouvait plus déjeter à droite par rapport à la ligne médiane. Nous avions alors procédé, sans ouverture de la dure-mère, au retrait du clou par séquences, afin de ne pas entrainer de lésions secondaires notamment du sinus sagittal supérieur. Un saignement en jet, vite maitrisé, nous a fait craindre une blessure du sinus sagittal supérieur. Mais les constantes vitales étant restées stables pendant plusieurs minutes. La fermeture était réalisée. Le clou retiré, était incurvé, non rouillé, et mesurait 7,5 cm de long (Figure 4 B). Sur le plan médicamenteux le patient avait reçu une antibiothérapie pré et peropératoire à base de Ceftriaxone 2g/jour, poursuivie pendant 10 jours.

Suivi et résultats: les suites post-opératoires étaient simples et le scanner cérébral de contrôle précoce ne montrait aucune lésion cérébrale.

Point de vue du patient: le patient ainsi que sa famille, qui étaient pessimistes au début sur son devenir, devant un clou implanté au milieu du crâne, avaient été impressionnés par l´évolution très favorable, et avaient exprimé leur vive reconnaissance.

Consentement éclairé: le consentement éclairé a été obtenu du patient pour toute utilisation de ses données cliniques et radiologiques.

 

 

Discussion Up    Down

Les traumatismes crâniens pénétrants sont rares, de l´ordre de 0,4% de tous les traumatismes crâniens [1]. L´objet pénétrant, le plus souvent projectile, se voit fréquemment lors d´accidents de la circulation ou d´accident de travail ou de tentatives de suicide. Les traumatismes crâniens pénétrants par clou, plus rarement rapportés dans la littérature sont également, le plus souvent, projectiles et surviennent fréquemment de façon accidentelle au lieu de travail, ou lors de tentatives de suicide ou d´automutilation par pistolet à clou [3,4]. Les premiers cas de clous intracrâniens non projectiles ont été rapportés du Nigéria et sont secondaires à des agressions physiques. En effet, pour punir les criminels, les gens leur enfonçaient de longs clous dans la tête [5]. Une étude malienne de 2019 a répertorié, depuis 2006, 23 cas de traumatismes crâniens pénétrants par clou, dont 5 non projectiles secondaires à une agression physique [6]. Dans notre observation, les circonstances du traumatisme crânien sont restées non élucidées. Toutefois une agression physique, sans préciser sa nature, peut être soulevée dans ce contexte de patient retrouvé avec le clou enfoncé dans le crâne au niveau du vertex, et une plaie cervicale horizontale nette faisant évoquer une tentative d´égorgement. Sur le plan physiopathologique, la pénétration du clou provoque souvent de lésions cérébrales initiales localisées [1]. Ceci se traduit sur le plan clinique par des troubles neurologiques minimes, souvent sans atteinte de la conscience. La mortalité est faible et serait alors associée à l´atteinte d´autres organes ou à la survenue de complications [1,3]. Ces complications majoritairement rapportées sont vasculaires et infectieuses, mais aussi l´épilepsie post-traumatique. L´infection (cutanée, ostéomyélite, méningite, encéphalite) est secondaire le plus souvent à la présence de fragments métalliques ou osseux intracrâniens, ou de fuite de liquide céphalospinal. Elle est due le plus fréquemment au Staphylococcus aureus. L´épilepsie post-traumatique survient dans 30 à 50% des traumatismes crâniens pénétrants, elle peut relever d´un traitement anticonvulsivant prophylactique. Les complications vasculaires peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient de façon rapide (hémorragies sous-arachnoïdiennes ou ventriculaires, infarcissements veineux) ou retardée jusqu´à plusieurs années (pseudoanévrismes) [1-3,7].

Sur le plan diagnostic, le scanner cérébral en urgence est l´examen clé pour préciser la localisation et le nombre de clous, ainsi que les lésions cérébrales. L´angioscanner ou l´angiographie cérébrale, lorsqu´ils sont réalisables, s´avèrent importants pour préciser le risque d´atteinte des vaisseaux en cas de chirurgie [1,3,4]. Toutefois l´apport de l´angioscanner dans le diagnostic reste controversé car souvent limité par les artéfacts créés par le clou [7]. L´Imagerie par résonnance magnétique (IRM) a également un rôle controversé, car elle peut être dangereuse en cas d´objets ferromagnétiques [1]. L´imagerie est aussi importante dans la surveillance post-opératoire des traumatismes crâniens pénétrants, et le scanner cérébral reste l´examen de choix pour notamment évaluer un éventuel saignement post-opératoire, ou le retrait complet du corps étranger [7]. Le Intraoperative computed tomography (IOCT) ou l´angiographie cérébrale peropératoire, ont l´avantage de permettre le contrôle ou la prévention beaucoup plus précoce des complications hémorragiques [2,8]. En ce qui concerne notre patient, seul le scanner cérébral a été réalisé pour le diagnostic comme pour le suivi post-opératoire. Le traitement des traumatismes crâniens pénétrants est chirurgical. Toutefois un traitement médical complémentaire peut s´avérer nécessaire. Il comporte essentiellement une prophylaxie antitétanique systématique, des anticonvulsivants, et une antibioprophylaxie qui reste controversée dans les traumatismes crâniens pénétrants par clou [1,8,9]. Dans notre observation le patient a reçu une prophylaxie antitétanique systématique et une antibioprophylaxie. La prévention antiépileptique n´a pas été instaurée devant l´absence de lésions cérébrales. La chirurgie, qui reste le gold standard, présente plusieurs objectifs: extraction du corps étranger, éventuellement l´exérèse des tissus nécrotiques et débris contaminants, l´évacuation d´un hématome, assurance de l´hémostase, réparation de la dure-mère et finalement prévenir les complications [1,4]. Elle se décline, soit en une craniotomie lorsqu´il y a d´emblée un risque d´atteinte vasculaire notamment d´un sinus veineux, ou pour convertir l´intervention et gérer un éventuel hématome; soit en un retrait direct sans craniotomie en l´absence de risque vasculaire ou quand le clou n´a pas entièrement traversé l´os [3,4,7]. Nous avions opté pour une craniotomie en raison de la localisation du clou près du sinus sagittal supérieur, et de l´absence de l´angioscanner ou de l´angiographie cérébrale, qui auraient pu nous préciser les rapports du clou avec le sinus sagittal supérieur dont la blessure après extraction du clou peut entrainer d´importantes complications hémorragiques [5]. A défaut de tous ces examens, une surveillance stricte au niveau du bloc opératoire, puis un scanner cérébral post-opératoire précoce pourraient permettre de déceler et de contrôler d´éventuelles complications hémorragiques.

 

 

Conclusion Up    Down

Les traumatismes crâniens pénétrants par clou sont très rares. Ils sont souvent de bon pronostic. Cependant le risque de complications secondaires notamment vasculaires et hémorragiques, sources d´aggravation du pronostic, incitent à une meilleure adaptation de la prise en charge diagnostique et thérapeutique et aux conditions locales.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Mahamadou Aminou Sanda et Maman Sani Ado Zakari avaient pris en charge le patient. Mahamadou Aminou Sanda était responsable de la rédaction et la révision du manuscrit. Maman Sani Ado Zakari et Abdoulwahab Issa avaient corrigé le manuscrit. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: radiographie standard de face montrant le clou sur la ligne médiane

Figure 2: image préopératoire: peau nécrosée autour du clou enfoncé sur le vertex

Figure 3: scanner cérébral montrant la localisation du clou sur la ligne médiane, sans lésions cérébrales, mais avec des artéfacts: A) coupe sagittale; B) coupe axiale; C) coupe coronale

Figure 4: image peropératoire: A) suture sagittale (flèche bleue noire), clou encastré dans la suture sagittale (flèche blanche); B) clou extrait

 

 

Références Up    Down

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