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Case report

Mucormycose naso-sinusienne traitée par chirurgie et voriconazole

Mucormycose naso-sinusienne traitée par chirurgie et voriconazole

Naso-sinusal mucormycosis treated by surgery and voriconazole

Mohammed El Habib Bahalou1,&, Mohamed Zalagh1, Nourreddine Errami1, Bouchaib Hemmaoui1, Fouad Benariba1, Brahim Salem El Joumani2, Ali Grine3

 

1Service d´Otorhinolaryngologie, Hôpital Militaire, Rabat, Maroc, 2Service d´Ophtalmologie, Hôpital Militaire, Rabat, Maroc, 3Service de Réanimation Médicale, Hôpital Militaire, Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Mohammed El Habib Bahalou, Service d´Otorhinolaryngologie, Hôpital Militaire, Rabat, Maroc

 

 

Résumé

La mucormycose naso-sinusienne est une infection fongique due à des germes de type rhizorius. Elle touche le sujet immunodéprimé et surtout le diabétique en décompensation acido-cétosique. Son pronostic est grave vu l´agressivité et la rapidité de l´évolution des lésions. Le traitement repose essentiellement sur un débridement chirurgical et un traitement antifongique en assurant la prise en charge du terrain diabétique. Nous rapportons un cas clinique d´une patiente ayant eu une évolution favorable sous traitement chirurgical avec du voriconazole. Il s´agit d´une patiente âgée de 22 ans diabétique type 1 sous insulinothérapie, hospitalisée pour la prise en charge d´une décompensation acido-cétosique. Elle a rapporté, 24 heures après son hospitalisation, un prurit nasal avec des rhinorrhées noirâtres souillées de sang, une obstruction nasale bilatérale et secondairement une baisse rapide de l´acuité visuelle de l´œil gauche et des céphalées intenses ne répondant pas au traitement antalgique évoluant dans un contexte d´asthénie générale. L´examen montre une chute du dorsum nasal avec destruction de la cloison nasale ainsi que la présence de rhinorrhées noirâtres à la rhinoscopie. La pression des sinus maxillaires est douloureuse. L´œil gauche présente une mydriase aréactive avec un ptosis et un œdème palpébral. L´examen de la cavité buccale montre une fistule de la voute palatine. La tomodensitométrie montre un comblement des cellules ethmoïdales et des sinus sphénoïdaux et maxillaires ainsi qu´une destruction de la cloison nasale, des cornets, de la paroi de l´orbite gauche avec un comblement en aval comprimant le pédicule optique gauche. Une protéine C réactive (CRP) à 300 avec une procalcitonine normale. La biopsie confirme le diagnostic de mucormycose. Un débridement chirurgical large et répétitif est réalisé avec administration du voriconazole à la dose de charge de 800 mg/j puis à 400 mg/j pendant 3 mois. Une prise en charge de sa décompensation acido-cétosique. L´évolution est favorable après un recul de 6 mois. La mucormycose orbito-nasale, quoique rare, constitue une pathologie grave pouvant engager le pronostic vital. La rapidité du diagnostic et de la mise en place d´une prise en charge thérapeutique bien codifiée conditionne le pronostic.


Naso-sinusal mucormycosis is a fungal infection due to species of Rhizopus. It affects immunocompromised and especially diabetic subjects with ketoacidosis decompensation. Prognosis is poor given the aggressiveness and the speed of lesions progression. Treatment is mainly based on surgical debridement and antifungal treatment associated with diabetic therapy. We report the clinical case of a female patient treated by surgery and voriconazole with favorable outcome. The patient, aged 22 years, with insulin-treated type 1 diabetes was admitted to the hospital with ketoacidosis decompensation. Twenty-four hours after hospitalization, she had nasal pruritus with blackish blood stained rhinorrheas, bilateral nasal obstruction and, secondarily, rapid decrease in visual acuity in the left eye and severe headache not responding to analgesic treatment and progressing in a context of general asthenia . Clinical examination showed collapse of the nasal dorsum with destruction of the nasal septum as well as blackish rhinorrheas on rhinoscopy. The pressure of the maxillary sinus caused pain. Left eye showed areactive mydriasis with ptosis and palpebral edema. The examination of the oral cavity showed a fistula in the palatine vault. Computed tomography (CT) scan objectified filling of the ethmoid cells and of the sphenoid and maxillary sinuses as well as destruction of the nasal septum, the cornets, the wall of the left orbit with proximal filling compressing the left optic pedicle. CRP value was 300 with normal procalcitonin. The biopsy confirmed the diagnosis of mucormycosis. Wide and repeated surgical debridements were performed, with administration of voriconazole at a loading dose of 800 mg/day and then of 400 mg/day over 3 months. The patient was also treated for ketoacidosis decompensation. Outcome was favorable at 6 months´ follow up. Orbito-nasal mucormycosis, although rare, is a serious and life-threatening condition. Early diagnosis and adequate treatment can affect the prognosis.

Key words: Mucormycosis, naso-sinusal, surgery

 

 

Introduction    Down

La mucormycose naso-sinusienne est une infection fongique due à des germes de type rhizorius [1]. Elle touche le sujet immunodéprimé et surtout le diabétique en décompensation acido-cétosique [1]. Son pronostic est grave vu l´agressivité et la rapidité de l´évolution des lésions. Le traitement repose essentiellement sur un débridement chirurgical et un traitement antifongique en assurant la prise en charge du terrain diabétique. Nous rapportons un cas clinique d´une patiente ayant eu une évolution favorable sous traitement chirurgical avec uniquement l´administration du voriconazole.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s´agit d´une patiente âgée de 22 ans diabétique type 1 sous insulinothérapie, hospitalisée pour la prise en charge d´une décompensation acido-cétosique. Elle a rapporté, 24 heures après son hospitalisation, un prurit nasal avec des rhinorrhées noirâtres souillées de sang, une obstruction nasale bilatérale et secondairement une baisse rapide de l´acuité visuelle de l´œil gauche et des céphalées intenses ne répondant pas au traitement antalgique évoluant dans un contexte d´asthénie générale. L´examen montre une chute du dorsum nasal avec destruction de la cloison nasale ainsi que la présence de rhinorrhées noirâtres à la rhinoscopie. La pression des sinus maxillaires est douloureuse. L´œil gauche présente une mydriase aréactive avec un ptosis et un œdème palpébral. L´examen de la cavité buccale montre une fistule de la voute palatine (Figure 1). La tomodensitométrie montre un comblement des cellules ethmoïdales et des sinus sphénoïdaux et maxillaires ainsi qu´une destruction de la cloison nasale des cornets, de la paroi de l´orbite gauche avec un comblement en aval comprimant le pédicule optique gauche (Figure 2, Figure 3). Une CRP à 300 avec une procalcitonine normale. La biopsie confirme le diagnostic de mucormycose. Un débridement chirurgical large et répétitif est réalisé avec administration du voriconazole à la dose de charge de 800 mg/j puis à 400 mg/j pendant 3 mois (Figure 4). Une prise en charge de sa décompensation acido-cétosique. L´évolution est favorable après un recul de 6 mois.

 

 

Discussion Up    Down

La mucormycose naso-sinusienne correspond à une infection fongique des fosses nasales par un germe opportuniste d´ordre mucorale [1]. Sa première description remonte à 1885 par Paultauf [2]. Son incidence a doublé durant la dernière décennie en Europe [3]. Son incidence est estimée à environ 500 cas/an aux États-Unis [1,4]. Le type le plus fréquent est Rhizopus Arridans dans environ les deux tiers des cas [2]. Il existe d´autres types notamment mucor, Rhizomucor, Actinomucor Elegans [1]. Ce sont des agents fongiques opportunistes vivant dans le sol et les moisis [5]. La contamination est aérienne, d´où l´atteinte plus fréquente des fosses nasales représentant environ 40% des cas [6]. Une contamination par voie digestive ou cutanée est possible, cependant, aucun cas de contamination interhumaine n´est reporté dans la littérature [5]. Elle atteint surtout les patients ayant un terrain d´immunodépression: diabétique, corticothérapie au long cours, HIV, transplantation d´organe, neutropénie prolongée, patient recevant un traitement à base de deferoxamine [1].

L´association décompensation acido-cétosique et mucormycose naso-sinusienne est largement décrite dans la littérature sans pouvoir expliquer cette association [3]. Spelleberg prévoit que la décompensation acido-cétosique favorise la survenue de la mucormycose par diminution du pouvoir phagocytaire des polynucléaires [4]. Les rhizopus entrainent alors une réaction inflammatoire intense avec thrombose locale et nécrose étendue en aval [1]. Sa gravité réside dans la rapidité de sa progression et son agressivité locale. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques. La fièvre n´est pas toujours présente même si une fièvre prolongée est le plus souvent rencontrée [6]. La nécrose tissulaire avec les thromboses se manifestent par des rhinorrhèes hémo-nécrotiques purulentes. La douleur, se présentant sous forme d´algies faciales et céphalées. Un œdème de la face et même une nécrose cutanée est possible [1]. L´atteinte orbitaire se présente sous forme d´œdème palpébral, amaurose; et parfois même un syndrome de l´apex orbitaire par compression [2,5]. On peut avoir des patients strictement asymptomatiques [6].

La tomodensitométrie naso-sinusienne avec injection du produit de contraste est de réalisation systématique. Elle permet en outre de révéler des anomalies radiologiques, de faire évoquer le diagnostic [5]. La présence de lyse osseuse, comblement des sinus, l´étude de l´étendue des lésions ainsi que l´envahissement de l´orbite et de la base du crane en tomodensitométrie oriente mais ne permet pas de poser le diagnostic [6]. L´image par resonance magnétique (IRM) est indiquée en cas d´atteinte crânienne ou orbitaire pour l´étude de l´étendue des lésions à ces différentes structures ou en cas d´extension au sinus caverneux [6]. L´IRM n´a pas été demandée dans notre cas vu que la compression du pédicule optique était visible sur le scanner et que l´orbite n´est pas envahie. Il n´y a pas de sérologie diagnostique [1]. Le bilan biologique oriente vers une atteinte fongique devant la discordance entre l´élévation des paramètres biologiques inflammatoires: vitesse de sédimentation (VS), CRP; avec une procalcitonine normale. La réalisation de biopsie profonde avec étude anatomopathologique et mycologique permettent de poser le diagnostic d´infection fongique à germe type mucorale en identifiant les hyphes mycéliens, leur type, ainsi que la réalisation d´une culture [3,6].

La négativation de celle-ci n´infirme en aucun cas le diagnostic. La prise en charge thérapeutique doit être instaurée le plus rapidement possible. Elle repose sur trois volets: la chirurgie, le traitement antifongique et la prise en charge du terrain. La présence de thrombose et nécrose empêche la diffusion du traitement antifongique d´où l´intérêt du traitement chirurgical [3,4]. Il consiste à un débridement large des tissus atteints. Certains auteurs préconisent la réalisation d´une chirurgie radicale avec des marges saines [1,3,4]. Dans ce cas, le problème se pose surtout lorsque la mucormycose atteint les structures endocrâniennes et l´orbite. Le guidelines de l´étude européenne recommande un débridement large et répétée [6]. La prise en charge des séquelles est à différer jusqu´à ce que l´infection soit complètement traitée [2]. Le traitement médical de référence est l´amphotéricine B [6]. Il doit être administré dès la suspicion diagnostique [2,3]. La forme liposomale est la mieux tolérée et est la moins néphro-toxique [4]. La dose peut arriver jusqu´à 10 mg/kg. Dans notre pays, elle n´a pas d´autorisation de mise sur le marché (AMM) par le ministère de la santé dans cette indication puisqu´elle est réservée uniquement aux patients VIH positifs. D´autres antifongiques ont fait preuve d´efficacité [4].

Le voriconazole n´a pas fait preuve d´efficacité dans les études in vitro mais il était pratiquement le seul antifongique disponible dans notre contexte [7]. Ainsi, on peut prédire que c´est plutôt la chirurgie qui était large et a permis d´avoir une évolution favorable dans notre cas. La prise en charge de la décompensation acido-cétosique est intimement lié à l´infection. Chez notre patiente, on a constaté une baisse des besoins en insuline immédiatement après le premier débridement chirurgical, qui était large et a permis d´avoir des limites macroscopiquement saines. La mortalité est d´autant plus élevée que l´atteinte dépasse 6 jours d´évolution; bilatérale; avec extension orbitaire crânienne ou au palais et lorsque le terrain présente un dysfonctionnement immunitaire irréversible. Elle est estimée à environ 47% des cas chez des patients immunocompétents [6]. Des taux plus important sont rapportés en absence de traitement chirurgical.

 

 

Conclusion Up    Down

La mucormycose orbito-nasale, quoique rare, constitue une pathologie grave pouvant engager le pronostic vital. La rapidité du diagnostic et de la mise en place d´une prise en charge thérapeutique bien codifiée conditionne le pronostic.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: image endoscopique révélant la nécrose d´aspect noirâtre ainsi que la destruction de la cloison nasale

Figure 2: image tomodenstiométrique en coupe coronale montrant la lyse de la cloison nasale, de la paroi interne du sinus maxillaire gauche qui est comblée, de la paroi de l´orbite avec comblement de l´éthmoïde

Figure 3: coupe axiale d´une tomodensitométrie montrant la lyse de la cloison nasale, du dorsum nasal et de la paroi interne du sinus maxillaire gauche qui est comblé

Figure 4: fistule au niveau de la voute palatine

 

 

Références Up    Down

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