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Case report

Rupture intra-péritonéale de la vessie au cours d´une résection trans-urétrale de la prostate: à propos d´un cas au Sénégal

Rupture intra-péritonéale de la vessie au cours d'une résection trans-urétrale de la prostate: a propos d'un cas au Sénégal

A case of Intraperitoneal rupture of the bladder during transurethral resection of the prostate in Senegal

Abdoul Razak Hamidou Zakou 1,&, Samba Thiapato Faye2, Alioune Sarr3, Lamine Niang4, Papa Ahmed Fall5

 

1Chirurgien Urologue, Clinique Urologique Yasalam de Dakar, Dakar, Sénégal, 2Chirurgien Urologue, Assistant des Hôpitaux des Armées, Hôpital Principal de Dakar, Dakar, Sénégal, 3Chirurgien Urologue, Hôpital de Pikine, Dakar, Sénégal, 4Chirurgien Urologue, Hôpital Général de Grand Yoff, Dakar, Sénégal, 5Chirurgien Urologue, Hôpital Dalal Djamm de Dakar, Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Abdoul Razak Hamidou Zakou, Chirurgien Urologue, Clinique Urologique Yasalam de Dakar, Dakar, Sénégal

 

 

Résumé

Bien qu'exceptionnelle, l'explosion de la vessie au cours des manœuvres endoscopiques est un incident possible. Sa survenue est consécutive à l'accumulation des gaz combustibles dont l'arrivée intra-vésicale peut être limiter lors des résections endoscopiques. Les auteurs rapportent un cas de rupture intra péritonéale de la vessie au cours d'une résection trans-urétrale de la prostate. Cet incident ainsi que ses mesures préventives devraient particulièrement être connu des urologues afin d'éviter sa survenue.


Although exceptional, bladder explosion during endoscopy is possible. It is caused by the accumulation of combustible gases in the bladder. This can be avoided during endoscopic resections. We here report a case of intraperitoneal rupture of the bladder during transurethral resection of the prostate. Urologists should be aware of this accident and its prevention in order to avoid its occurrence.

Key words: Explosion, bladder rupture, resection

 

 

Introduction    Down

La chirurgie endoscopique représente l'une des techniques les plus courantes dans la pratique urologique. Cette technique, contrairement aux pays développés où elle est ancienne, commence, depuis une décennie, à se rependre en Afrique au sud du sahara. Ainsi, la résection trans-urétrale de la prostate (RTUP) constitue le gold standard dans la chirurgie de l'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) dans ces régions. Les complications péri-opératoire de cette technique sont bien codifiées et connues des urologues. Toutefois, la survenue d´explosion, au cours des procédures endoscopiques, est peu ou méconnue de certains praticiens car peu rapportée dans la littérature. Nous rapportons le cas d'une rupture intra péritonéale de la vessie lors d'une résection transurétrale de la prostate pour HBP. A travers une revue de la littérature, nous exposerons les différents concepts physiopathologiques ainsi que les mesures préventives de cet incident.

 

 

Patient et observation Up    Down

Mr P.L.G âgé de 70 ans a été reçu en consultation pour dysurie et tuméfaction inguinale droite évoluant depuis des années. Dans ses antécédents, il existait une Hypertension artérielle, un diabète type II, un épisode d'accident vasculaire cérébral en 2016, dont il a entièrement récupéré. On notait également une cure de hernie inguinale gauche en 1985 et droite en 1993. Une récidive de la hernie droite a été reprise en 2014. A l'examen clinique, il présentait un bon état général, une hernie inguinale droite et une prostate augmentée de volume d'allure bénigne au toucher rectal. A l'échographie de l´appareil urinaire, la prostate était homogène avec un volume estimé à 92cc sans retentissement sur le haut appareil urinaire. La cystoscopie a objectivé une hypertrophie des lobes prostatiques estimées à deux champs optiques avec une vessie de lutte. Le taux de PSAt était à 5,82 ng/ml. La biopsie prostatique a révélé une hyperplasie adenomyomateuse de la prostate. Le diagnostic d'une HBP associée à une hernie inguinale droite récidivée a été retenu et l'indication d´une cure de la hernie selon LICHEINSTEIN et d'une RTUP a été posée. L'intervention fut réalisée avec comme premier temps la cure de la hernie par plaque de polyester. La RTUP fut ensuite entamée après repositionnement du malade. Après résection du lobe médian suivi de celui du lobe droit, une explosion intra vésicale est survenue au cours de la résection du lobe gauche.

Apres vérification de la stabilité hémodynamique (ainsi que du tracé ECG du scope de surveillance) du patient, du circuit électrique de la colonne d'endoscopie, la cystoscopie a objectivé une ouverture importante de la paroi vésicale antérieure. Ceci a motivé l'interruption de la procédure endoscopique et la conversion en chirurgie ouverte. Une laparotomie médiane sous ombilicale a été réalisée. L'exploration a mis en évidence une rupture intra péritonéale de la vessie avec un dôme vésical déchiqueté (Figure 1), une ouverture péritonéale avec des ecchymoses du mésentère (Figure 2) mais sans perforation intestinale. Le col vésical ainsi que le trigone et les méats urétéraux étaient respectés. L'adénomectomie fut complétée par énucléation digitale du lobe gauche. L'hémostase a été réalisée par des points en "X" à 5h et 7h. La fermeture vésicale a été réalisée, après dissection latérale et postérieure de la vessie, sans tension, en deux plans par des points en "X", sur une sonde Ch 22 à 3 voies dont le ballonnet a été gonflé dans la loge prostatique. Après vérification de l'étanchéité vésicale, l'irrigation fut mise en place. Un drain aspiratif de Redon a été laissé dans le Retzus. Les suites opératoires ont été simples. L'ablation du drain a été fait à J 3 post opératoire et celui de la sonde vésicale à J10 post opératoire. La reprise du transit a été effective à J2 post opératoire. Le contrôle de la fonction rénale, de l'ionogramme sanguin et de l'électrocardiogramme était sans particularités. Une cystographie rétrograde a été réalisée à M1 post opératoire et la capacité vésicale a été jugée bonne (Figure 3). Il existait toutefois, un reflux vésico-urétéral droit sans qu'on puisse préjuger sur sa survenue secondaire ou non à l'incident.

 

 

Discussion Up    Down

Les ruptures de vessie par explosion lors de résection trans-urétrale de la prostate sont décrites mais extrêmement rares [1]. Le premier cas d'explosion vésicale a été rapporté en 1926 par Cassuto lors d'une électrocoagulation au cours d´une RTUP [2]. En 1950, Bobbit rapporte également un cas d'explosion de vessie au cours d'une RTUP [3]. Les lésions vésicales observées vont de la simple abrasion muqueuse sans atteinte musculaire à la véritable rupture extra ou intrapéritonéale de la vessie. En 1975, Ning fait part de 2 nouveaux incidents au cours de résection avec déchirures muqueuses au dôme vésical sans véritable rupture, faisant suite à une explosion intra-vésicale au cours d'électrocoagulation [4]. En 1934, Kretschmer [5] a, quant à lui, rapporté deux cas d´explosion vésicale avec rupture vésicale lors d´une RTUP. Comme ça a été le cas de notre patient avec un dôme vésical déchiqueté. La majorité des incidents sont survenus lors de RTUP, les explosions au cours de la résection de tumeurs vésicales sont plus rares [6]. Il n'a pas été décrit dans la littérature de lésion associée du tube digestif [1]. Chez notre patient des ecchymoses du mésentère (sans perforation du grêle) avaient été noté, traduisant la violence de la déflagration comme observé dans les lésions viscérales par « effet de blast » lors des explosions d'engins militaires. Toutes les hypothèses évoquées pour expliquer ce phénomène, s'accordent sur la formation de gaz combustible au cours de la résection.

En effet, Ning et al. [4] ont démontré expérimentalement que durant l'électrocoagulation du tissu vésical, l'hydrogène constitue 40 à 50% du gaz produit, alors que l'oxygène ne constitue que 3%; ils ont suggéré que ces gaz seraient produits par l'hydrolyse de l'eau intracellulaire. Le voltage nécessaire à l'électrolyse de l'eau est de 1,7 à 2,3 Volts. Il semble que les valeurs atteintes lors de l'électrocoagulation soient de l'ordre de 500 Volts. [1]. Hansen [7] a étudié la composition des gaz produits par la résection prostatique: l'hydrogène en constitue 65% tandis que l'oxygène en constitue 19%. On note également la présence de plusieurs hydrocarbures (tectylène, méthane, éthylène, éthane, propylène, propane, butane). Toutefois, la présence de ces gaz seuls n'explique pas la détonation car l'hydrogène seul n'est pas explosif. Di Tonno et al. [8] ont prouvé que l'introduction de l'air dans la vessie est nécessaire pour produire une explosion vésicale en mixant de l'hydrogène à l'oxygène atmosphérique. Au cours des manipulations du résecteur, une certaine quantité d'air atmosphérique peut être introduit dans la vessie. Les bulles d'air passant dans l'irrigation peuvent elles aussi contribuer à augmenter la teneur en oxygène [4]. Il faut d'ailleurs noter que la nature du liquide d'irrigation n'interfère pas sur les teneurs intra-vésicales en gaz [9]. C'est donc le mélange oxygène-hydrogène plus ou moins associé à d'autres hydrocarbures qui devient alors hautement explosif. La grande majorité de l'hydrogène proviendrait de la dégradation thermique des membranes plasmiques [1].

Celle-ci serait beaucoup plus importante pendant l'électrocoagulation que pendant la section expliquant sans doute qu'il n'y ait pas d'observation rapportée après utilisation de la section [1]. Pour D Paul-Vincent [10], l'accumulation intra vésicale de gaz explosif s'enflammerait lors du contact entre l'anse du resecteur et la formation gazeuse. In fine, pour qu'il y ait explosion, il faut: la présence des gaz explosifs, produits de l´électrolyse de l´eau et de la dégradation thermique des membranes plasmiques par l´anse diathermique (quantité plus importante lors de la coagulation); l'oxygène de l'air ambiant, introduit dans la vessie soit par l´irrigation, la poire de Ellick ou l´introduction du resecteur; le courant de coagulation. Viville et al. [9] ont constaté que le risque d'explosion vésicale augmente avec le pouvoir du courant et la durée de la résection, et que la nature du liquide d'irrigation n´influence pas la nature du gaz produit. Pour D Paul vincent [10], en plus de tous ces facteurs, la présence de diverticules vésicaux constituerait un facteur de risque de survenue d'explosion vésicale lors de la RTUP. De ces constatations découlent quelques principes simples, dont le respect pourrait diminuer le risque de l'explosion intra vésicale lors des résections: la diminution du temps opératoire ainsi que l'utilisation d´une intensité modérée du courant électrique [10]; le contrôle de l'arrivée d'air ambiant dans l'enceinte vésicale en gardant toutes les connexions et les joints étanches. Il faut donc limiter au maximum les manipulations entraînant une entrée d'air que ce soit lors de la désadaptation de la gaine du résecteur ou de la récupération des copeaux de résection par la poire d'Ellick [1].

Vider fréquemment la vessie afin de réduire la quantité de bulle d´air intra-vésicale. Si celle-ci est importante, elle doit être évacuée en appuyant sur la vessie avec l'ouverture de la gaine du résecteur au zénith. La localisation de la bulle peut être modifiée par manœuvre manuelle [1]; certains auteurs ont également décrit l'intérêt du cathéter sus-pubien pouvant absorber une partie de la pression intra-vésicale et aspirer les bulles d'air au cours de la résection [4]. Ce trocart est particulièrement recommandé en présence de diverticules vésicaux [10]. Aucune étude n'a protocolisé la prise en charge de cet incident. L'attitude thérapeutique va d'une approche conservatrice lors des petites explosions [6], à l'exploration et la réparation chirurgicale lors des explosions majeures. La voie d'abord pouvant être coelioscopique ou ouverte. Le diagnostic est généralement posé lors d'une exploration par le résectoscope ou le cystoscope. Lors des perforations extra péritonéales, une surveillance sera de mise sous couvert d'un drainage vésical prolongé par sonde urétrale et d'une antibiothérapie à large spectre [6]. Lors des perforations intra péritonéale, une exploration et une réparation chirurgicales des lésions sera de mise. Ceci a été le cas de notre patient avec prolongation du port de la sonde urétrale à 10 jours.

 

 

Conclusion Up    Down

Bien que rare, l'explosion intra vésicale au cours d'une résection a un impact psychologique dévastateur sur le patient qui entend et ressent cette déflagration qui se produit dans son abdomen. Cet incident ainsi que ses mesures préventives devraient particulièrement être connu des urologues afin d'éviter sa survenue.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: dôme vésical déchiqueté

Figure 2: ecchymoses du mésentère

Figure 3: cystographie rétrograde

 

 

Références Up    Down

  1. Morin G, Vincendeau S, Manunta A, Guille F, Lobel B, Patard JJ. Rupture intra-péritonéale de vessie au cours d'une résection trans-urétrale de prostate. Prog Urol. 2003;13:303-305. Google Scholar

  2. Cassuto A. Explosion dans la vessie au cours d'une électrocoagulation. J Urol. 1926;22:263. Google Scholar

  3. Bobbit RM. Intravesical rupture of bladder during transurethral prostatic resection. J Urol. 1950;64(2):338-340. PubMed | Google Scholar

  4. Ning TC, Atkins DM, Murphy RC. Bladder explosion during transurethral surgery. J Urol. 1975;114(4):536-539. PubMed | Google Scholar

  5. Kretschmer HL. Intravesical explosions as a complication of transurethral electro-resection: Report of two cases. JAMA. 1934;103:1144. Google Scholar

  6. Jihad El Anzaoui, Najib Abakka, Younes El harrech, Omar Ghoundale, Driss Touiti, Mohammed Lahkim et al. L'explosion intravésicale au cours des procédures de résection endoscopique: Un incident dangereux qui peut être évité. Can Urol Assoc J. 2013;7(7-8):517-9. PubMed

  7. Hansen RI, Inversen P. Bladder explosion during uninterrupted transurethral resection of the prostate, a case report and an experimental model. Scand J Nephrol. 1979;13(2):211-2. PubMed | Google Scholar

  8. Di Tonno F, Fusaro V, Bertoldin R, Lavelli D. Bladder explosion during transurethral resection of the prostate. Urol Int. 2003;71(1):108-9. PubMed | Google Scholar

  9. Viville CH, De Petriconi R, Bietho L. Intravesical explosion during endoscopic resection, a case report. J Urol. 1984;90(5):361-363. PubMed | Google Scholar

  10. Vincent DP. Bladder explosion during transurethral resection of prostate: Bladder diverticula as an additional risk factor. Urol Ann. 2017 Jan-Mar;9(1):68-70. PubMed | Google Scholar