Home | Volume 2 | Article number 77

Case report

Chromomycose au Maroc: un nouveau cas

Chromomycose au Maroc: un nouveau cas

Chromomycosis in Morocco: a new case report

Fatima-Zahra Agharbi1,&

 

1CHR Civil Tétouan,Tétouan, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Fatima-Zahra Agharbi, CHR Civil Tétouan,Tétouan, Maroc

 

 

Résumé

La chromomycose est une mycose profonde décrite surtout en zones tropicales et subtropicales. Le tableau clinique est très polymorphe et le diagnostic positif se fait par identification des corps fumagïdes sur frottis ou biopsie cutanés. Le traitement est mal codifié malgré un grand arsenal thérapeutique et doit faire souvent appel à des associations surtout dans les formes avancées. La dégénérescence en carcinome épidermoide était déjà rapportée après plusieurs années d´évolution. Nous rapportons un cas de chromomycose localisée du bras en zone non endémique traitée par chirurgie seule avec une bonne évolution et un recul de 3 ans.


Chromomycosis is a deep mycosis described mostly in tropical and subtropical areas. The clinical is very polymorphous and the positive diagnosis is made by identification of the fumagoid bodies on skin smear or biopsy. The treatment is poorly codified despite a large therapeutic arsenal and must often use associations especially in advanced forms. The degeneration into squamous cell carcinoma was already reported after several years of evolution. We report a case of localized chromomycosis of the arm in a non-endemic zone treated by surgery alone with a good evolution and a three year follow-up.

Key words: Chromomycosis, fumagoîd bodies, Morocco

 

 

Introduction    Down

La chromomycose ou chromoblastomycose est une affection fongique cutanée et sous-cutanée cosmopolite mais essentiellement rencontrée dans les régions tropicales et subtropicales. Elle est transmise lors d'un traumatisme cutané, par des épines de végétaux ou des éclats de bois contaminés, pouvant parfois passer inaperçu [1]. Nous rapportons un cas d´une chromomycose du bras chez une patiente vivant au maroc qui est une zone non endémique.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s´agit d´une patiente âgée de 50 ans, originaire et habitant au nord du Maroc, sans antécédents pathologiques notables, qui consultait pour une lésion érythémateuse prurigineuse du bras droit, chronique évoluant depuis 1 an. L´examen dermatologique trouvait une plaque érythémateuse bien limitée à surface croûteuse et érosive de 3 cm de diamètre siégeant au niveau du bras droit (Figure 1). Devant ce tableau clinique nous avons évoqué une tuberculose, une leishmaniose, une mycose profonde, une sarcoidose, un lymphome et un pseudo-lymphome cutanés. L´étude histologique était en faveur d´une chromomycoe en montrant un infiltrat inflammatoire polymorphe dermique avec mise en évidence des corps fumagoides (Figure 2,Figure 3, Figure 4, Figure 5).

 

 

Discussion Up    Down

La chromomycose ou chromoblastomycose est une affection fongique cutanée et sous-cutanée due à l´inoculation traumatique de champignons filamenteux noirs, saprophytes du sol, du bois et des végétaux, du groupe des dématiées caractérisées par la présence de mélanine dans les cellules fongiques. Cinq espèces en sont responsables: Fonsecaea pedrosoi, Fonsecaea compactum, Phialo-phora verrucosa, Cladosporium carrionii et Rhinocladiella aquaspersa [2]. Bien qu´ils soient ubiquitaires, la maladie se contracte surtout en région tropicale et sub-tropicale [3]. Elle affecte généralement les patients du milieu rural [1], surtout de sexe masculin et marchant pieds nus [3]. La contamination ayant lieu par inoculation du germe, ce qui explique la localisation des lésions aux parties du corps exposées à d´éventuels traumatismes végétaux notamment les membres inferieurs. Mais d´autres localisations ont été également rapportées dans la littérature à savoir les membres supérieurs [4], les fesses [5] et le sein [6]. L´aspect clinique peut être celui d´une cicatrice, d´un placard squameux psoriasiforme ou encore d´un nodule tumoral unique ou multiples avec disposition parfois sporotrichoide. Dans les cas les plus sévères, la lésion initiale s´érode puis devient végétante et verruqueuse pouvant évoluer en vastes placards couvrant une grande partie du membre [7]. Une atteinte cutanée diffuse à Phialophora verrucosa était déjà rapportée au Maroc [4].

Des lésions satellites surviennent parfois par auto-inoculation. La dissémination de l´infection qui est possible mais rare peut se faire par voie lymphatique responsable d´adénopathies voir d´éléphantiasis, par contiguïté avec atteinte musculaire, articulaire ou osseuse, ou encore par voie hématogène. La surinfection bactérienne est fréquente et l´évolution en carcinome épidermoïde après une évolution chronique est décrite en particulier sur les zones exposées au soleil ou aux traumatismes [8]. Du fait de ce polymorphisme, le diagnostic clinique de la chromomycose est souvent difficile et peut prêter à confusion avec des affections aussi diverses qu´un psoriasis, une leishmaniose cutanée, une tuberculose cutanée verruqueuse, une lèpre, un lymphome cutané, une sporotrichose, une forme gommeuse de tréponématose, voire une chéloïde [9,10]. L´évolution est lente et si une biopsie n´est pas réalisée précocement, le diagnostic peut être retardé de plusieurs années. Sa confirmation peut être faite par examen de frottis de la couche cornée des lésions et repose sur la présence de levures rondes fumagoïdes connues comme les corps de Medlar. Ces corps fumagoïdes sont des corpuscules sphériques bruns à paroi épaisse de 5 à 12 µm en chainettes ou en grappes, présentant un septum médian.

Les mêmes organismes peuvent être observés dans une biopsie de la peau, soit libres au sein du tissu conjonctif, soit à l´intérieur de cellules géantes ou de microabcès à polynucléaires neutrophiles, voire dans l´épiderme, grâce au phénomène d´élimination transépithéliale. L´épiderme est marqué par une hyperplasie pseudoépithéliomateuse avec hyperkératose orthokératosique, hyperacanthose et papillomatose. Le derme est le siège d´une réaction inflammatoire de type mixte, purulente et granulomateuse, au sein d´une fibrose diffuse d´intensité variable. Cet infiltrat inflammatoire est caractérisé par une disposition concentrique autour des structures mycosiques. La partie centrale abcédée riche en polynucléaires neutrophiles est entourée d´une couronne histiocytaire et gigantocellulaire, riche en macrophages activés et en cellules géantes de type Langhans [8,11]. Cependant l´aspect histologique n´est pas spécifique lorsque les champignons ne sont pas visibles [4]. La chromomycose est exceptionnlle au Maroc. Jusqu´à juin 2014, 10 cas seulement ont été rapportés [12]. Le traitement de la chromomycose est facile quand la maladie est au début avec un diagnostic précoce; on peut la traiter par exérèse chirurgicale, cryothérapie, thérothérapie , phtothérapie dynamique, laser CO 2, 5- Fluorouracil (5-FU) ou imiquimod en topique ou par un traitement court de médicaments antifongiques.

Le problème est que les patients consultent quand la maladie est déjà assez avancée et nécessite des traitements antifongiques plus lourds et prolongés souvent associés aux traitements locaux. Plusieurs molécules ont montraient leur efficacité: l´itraconazole (200-400 mg/jour), la 5-fluorocytocine (100-150 mg/kg/j ), la terbinafine (250 mg à 1 g/j) [5,8]. L´amphotérécine B a été également rapportée efficace [13]. Le traitement des chromomycoses est mal codifié et difficile. Les antifongiques systémiques doivent être donnés sur de longues périodes de temps mais leur efficacité est souvent incomplète et ne sont pas dénués d´effets secondaires. Des recommandations internationales concernant le traitement des infections par les champignons noirs ont été récemment publiées [14]; elles soulignent l´intérêt, pour les chromomycoses, d´associer chaque fois que possible un traitement chirurgical à la chimiothérapie antifongique. Notre observation est particulière du fait de sa survenue en dehors des zones endémiques, l´absence de notion de traumatisme ayant précédé la lésion, la localisation au niveau d´une zone non découverte et une excellente réponse à la chirurgie seule.

 

 

Conclusion Up    Down

Cette nouvelle observation de chromonycose au Maroc témoigne de la possibilité de l´existence de cette affection même en dehors des zones endémiques ce qui souligne l´importance de savoir évoquer ce diagnostic et faire une biopsie cutanée pour un diagnostic et une prise en charge précoces avant le stade de formes disséminées difficiles à traiter ou de transformation maligne.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

L'auteur ne déclare aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

L'auteur a lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: plaque erythémato-squameuse et crouteuse

Figure 2: coloration HES (G x 4): inflammation Polymorphe du derme

Figure 3: coloration HES(G X 20): inflammation polymorphe avec des cellules macrophagiques et géantes, corps arrondis à paroi épaissie, muriformes de coloration brunâtre d´environ 5 à 12 microns. Ces corps sont isolés ou agencés en petits amas (corps fumagoides)

Figure 4: coloration HES (G x40): corps arrondis brunâtres à paroi épaissie dans le cytoplasme d´une cellules géante (les corps fumagoides)

Figure 5: coloration HES (G x 100): amas de corps arrondis à paroi épaissie, muriformes de coloration brunâtre d´environ 5 à 12 microns ( les corps fumagoides)

 

 

Références Up    Down

  1. López Martínez R, Méndez Tovar LJ. Chromoblastomycosis. ClinDermatol. 2007;25(2):188-194. PubMed | Google Scholar

  2. Lupi O, Tyring SK, McGinnis MR. Tropical dermatology: fungaltropical diseases. J Am Acad Dermatol. 2005;53(6):931-951. PubMed | Google Scholar

  3. Maslin J. Les chromomychoses (chromoblastomycoses). Med Trop. 2001;61:459-461.

  4. Radouane N, Hali F, Khadir K, Soussi M, Ouakadi A, Marouane S et al. Chromomycose cutanée diffuse à Phialophora verrucosa. Annales de dermatologie et de venereologie. 2013;140(3):197-201. PubMed | Google Scholar

  5. Ouédraogo MS, Vignon-Pennamen MD, Battistella M, Levy A, Feuilhade de Chauvin M, Petit A. Une chromomycose contractée en zone non tropicale. Annales de dermatologie et de vénéréologie. 2017;144(6-7):438-442. PubMed | Google Scholar

  6. Chaabane H. Chromoblastomycose: lésion solitaire du sein chromoblastomycosis. Presse Med. 2015;44:842-843.

  7. Minotto R, Bernardi CD, Mallmann LF, Edelweiss MI, Scroferneker ML. Chromoblastomycosis: a review of 100 cases in the state of Rio Grande does Sul, Brazil. J Am Acad Dermatol. 2001;44(4):585-892. PubMed | Google Scholar

  8. Moncada B, Navarrete J, Almazan M. Chromomycose chronique évolutive suivie par un carcinome cutané. Journal de Mycologie Médicale. 2008:18:237-239. Google Scholar

  9. Correia RT, Valente NY, Criado PR, Martins JE. Chromoblastomycosis: study of 27 cases and review of the lite-rature. Ann Bras Dermatol. 2010;85(4):448-454. PubMed | Google Scholar

  10. Pindycka-Piaszczyńska M, Krzyściak P, Piaszczyński M, Cieślik S, Januszewski K, Izdebska-Straszak G et al. Chromoblastomycosis as an endemic disease in temperate Europe: first confirmedcase and review of the literature. Eur J Clin Microbiol InfectDis. 2014;33(3):391-398. PubMed | Google Scholar

  11. Levang J. Chormomycose en Guadeloupe. Annales de dermatologie et de vénéréologie. 2008;135(2):111-115. PubMed

  12. Labbardi W, Hali F, Moundib H, Baline K, Chiheb S. chromomycose cutanée: trois nouveaux cas marocains. Annales de dermatologie et de vénéréologie. 2015;426(12):S 625. Google Scholar

  13. Lgssiar A. Chromomycose: efficacité de l´amphotéricine B. Dermatol Venereol. 2007;134:1S63-1S98.

  14. Chowdhary A, Meis JF, Guarro J, de Hoog GS, Kathuria S, Arendrup MC et al. ESCMID and ECMM joint clinical guidelines for the diagnosis and management of systemic phaeohyphomycosis: diseases caused by black fungi. Clin Microbiol Infect. 2014;20(Suppl 3):47-75. PubMed | Google Scholar