Home | Volume 5 | Article number 80

Case report

Myiase auriculaire humaine : à propos de deux cas

Myiase auriculaire humaine : à propos de deux cas

Myiasis of the ear in humans: about two cases

Ikrame Boumendil1,&, Najwa Belhaj1, Hanaa Rahim1, Sofia Nitassi1, Razika Bencheikh1, Mohammed-Anas Benbouzid1, Abdelilah Oujilal1, Leila Essakalli1

 

1Service d´Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Cervico-faciale, Hôpital des Spécialités, Université Mohamed V, Souissi, Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Ikrame Boumendil, Service d´Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Cervico-faciale, Hôpital des Spécialités, Université Mohamed V, Souissi, Rabat, Maroc

 

 

Résumé

La myiase est une maladie causée par les larves de mouches. La localisation auriculaire (otomyiase) est une affection rare, causée fréquemment par les espèces de la famille des sarcophages. Elle survient souvent sur des lésions chroniques négligées chez des personnes dont l´hygiène est précaire. Depuis longtemps au Maroc la myiase a été décrite. Cependant, peu d´études épidémiologiques ont été consacrées à cette affection. Nous rapportons dans ce travail l´observation de deux patientes reçues et prises en charge aux Urgences d´Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Cervico-faciale à l´Hôpital des Spécialités (CHIS), Rabat, Maroc.


Myiasis is a disease caused by fly larvae. Otomyiasis is a rare disorder commonly caused by the species of the Family Sarcophagidae. It often occurs when fly larvae infest chronic lesions in people with poor personal hygiene. Myiasis has long been reported in Morocco. However, few epidemiological studies have been conducted on this disorder. We here report the case of two female patients admitted to the Emergency Department of Otolaryngology and Maxillofacial Surgery at the Specialties Hospital, University Medical Centre Ibn Sina (CHIS), Rabat, Morocco.

Key words: miyasis of the ear, Wohlfahrtia magnifica, triggers, treatment

 

 

Introduction    Down

Le terme « myiase » est dérivé du mot grec « myia » qui signifie mouche, qui a été inventé en 1840. Il est défini comme une affection d´homme et d´animaux vertébrés vivants par des larves de diptères (mouches). Ces derniers se nourrissent, pendant au moins une période de leur vie, des tissus morts ou vivants de leur hôte, des liquides organiques ou des aliments ingérés [1, 2]. C´est une affection habituelle de bétails. L´homme n´est qu´un hôte accidentel. Selon sa localisation, ces larves provoquent des myiases cutanées et sous-cutanées, intestinales, ophtalmiques, naso-pharyngé, uro-génitales, orales ou plus rarement auriculaires [3]. Cette parasitose est rencontrée essentiellement chez les personnes immobilisées, grabataires, d´extrêmes d´âges, ayant une plaie ou une infection ouverte. Elle est favorisée particulièrement par le niveau socio-économique défavorable et les conditions sanitaires précaires. Nous rapportons dans ce travail deux cas de myiase auriculaire (otomyiase) chez deux patientes admises et prises en charge au Service d´Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Cervico-faciale à l´Hôpital des Spécialités (CHIS), Rabat, Maroc.

 

 

Patient et observation Up    Down

Observation 1 : nourrisson âgée de 4 mois, benjamine d´une fratrie de six, issue d´une famille habitant au milieu rural avec un niveau socio-économique défavorable. La mère rapportait une notion de cri incessant avec otorragie de l´oreille gauche depuis 2 semaines, sans notion d´otorrhées purulentes. Elle s´est contentée d´administrer à son nourrisson des gouttes auriculaires à base d´huile de cade et d´olive. Devant la constatation d´un « corps étranger » blanchâtre au niveau du conduit auditif externe gauche, la mère a consulté aux urgences d´oto-rhino-laryngologie (ORL) et de chirurgie cervico-faciale (CCF). L´examen général aux urgences a trouvé un nourrisson en bon état général, apyrétique, agitée avec des pleurs incessants. L´examen otoscopique a révélé des stigmates d´otorragies avec présence de 12 larves obstruant le méat auditif externe gauche. Après leur extraction par une micro-pince et l´administration de l´eau oxygénée, le tympan apparaît d´aspect inflammatoire et sans perforation décelable (Figure 1). Le nourrisson a été mis sous antalgique et antibiothérapie générale à base d´amoxicilline protégée pendant 8 jours pour éviter toute surinfection. Une tomodensitométrie (TDM) cérébrale et des rochers ont mis en évidence une otite moyenne gauche (Figure 2). La patiente a subi un contrôle et suivi régulier pendant 1 mois puis elle a été perdue de vue.

Observation 2 : patiente âgée de 36 ans sans antécédent pathologique connu vivant dans un milieu rural non scolarisée avec un niveau socio-économique bas. Elle s´est présentée aux urgences dans un tableau d´otorrhées purulentes gauche qui remontait à 1 mois avec apparition d´otorragies deux jours avant sa consultation aux urgences. Ses parents l´ont amené en consultation après avoir constaté que « quelque chose » se déplaçait dans son oreille. L´examen clinique trouvait une patiente apyrétique en bon état général avec des otorragies gauches sans vertiges ni acouphènes ni paralysie faciale homolatérale. L´examen neurologique était tout à fait normal ainsi que le reste de l´examen somatique. L´examen otoscopique et l´aspiration ont révélé la présence de 10 larves obstruant le méat du conduit auditif externe (Figure 3). Une tomodensitométrie a mis en évidence un aspect de plénitude de l´oreille moyenne avec destruction des ossicules. L´aspiration-lavage avec extirpation des larves a été complétée par une mastoïdectomie afin d´extraire les quelques larves qui s´étaient logées dans l´oreille moyenne à travers la perforation tympanique. Identification parasitologique : dans les deux cas, les larves mesurent approximativement entre 10-15mm, recouvertes de bandes irrégulières avec des processus épineux à disposition rétrogrades. Selon ces caractéristiques, les larves ont été identifiées appartenir à l´espèce de Wohlfahrtia magnifica (Figure 4).

 

 

Discussion Up    Down

Les myiases désignent tout parasitisme d´un être vivant par les larves acéphales et apodes (asticots) de diptères cyclorraphes ou mouches. Ces larves se nourrissent, au moins pendant une période de leur vie, de tissus vivants ou morts de leur hôte ou des liquides organiques de celui-ci. Bien que l´homme ne soit qu´un hôte accidentel [1], la miyase présente relativement un problème de santé publique. Néanmoins, aucun consensus thérapeutique n´a été instauré jusqu´à nos jours [4]. L´otomyiase (myiase auditive) a été définie comme une infection de l´oreille externe et/ou moyenne [5, 6]. Cette affection peut survenir à tout âge. Selon la littérature, l´âge des cas rapportés variait entre 2 jours et 65 ans [2]. Cette pathologie est liée essentiellement aux mauvaises conditions sanitaires. D´autres facteurs déclenchant ont été démontrés tel que le niveau socio-économique défavorable, la natation dans les eaux stagnantes, le diabète sucré, l´alcoolisme, la prostration, le terrain de débilité, la malnutrition et l´otite chronique suppurative ou chirurgie de l´oreille [6]. Les deux cas rapportés vivaient en milieu rural dans des conditions défavorables et ayant été en contact avec les bétails. Le début de la symptomatologie chez nos patients était de 2 semaines et 1 mois. Ce temps était de 1 mois à 2 ans selon l´étude de Yuka [2]. L´otomyiase peut se manifester par la présence de larves au niveau du méat auditif externe, infection/inflammation de pavillon, otorrhée fétides, otorragie, otalgie, prurit, acouphènes, furoncle de l´oreille externe, sensation de corps étranger auriculaire et agitation.

La perforation tympanique est souvent trouvée à l´examen otoscopique. Cette complication précède en général l´installation de la myiase [7]. Elle est rarement secondaire à l´activité destructrice des larves. Autres complications sont décrites à type d´otite moyenne, extension à l´os temporal, destruction cartilagineuse, cellulite ou périchondrite [4]. La paralysie faciale n´a pas été rapportée comme complication [6]. Le diagnostic de l´otomyiase se fait à l´examen clinique par la constatation de larves. Un recours à l´imagerie (tomodensitométrie des rochers) semble nécessaire [4]. En cas de perforation tympanique, une évaluation de l´audition avant et après le traitement est nécessaire. Une antibiothérapie est indiquée en cas d´otorrhée purulente ou présence de perforation tympanique ou pour prévenir une surinfection secondaire.

Selon la littérature, les espèces de parasites les plus fréquemment rencontrées dans les cas de myiase auriculaire sont : cochliomyia hominivorax, Wohlfahrtia magnifica, cgrysomya megacephala et parasarcophaga crassipalpis. L´espèce Wohlfahrtia magnifica, qui appartient à la famille des sarcophagidés, est une larve de type obligatoire, ce qui signifie qu´elle a besoin de vivre dans un tissu hôte pour terminer son développement. Cette espèce est l´agent étiologique prédominant dans le monde entier. Dans nos cas, les larves ont été identifiées appartenir à l´espèce de wohlfahrtia magnifica. Le traitement de l´otomyiase est simple au stade précoce. Selon la littérature, l´utilisation de l´éthanol 70%, chloroforme 10%, l´huile d´olive, ivermectine topique, solution saline iodée ou normale est décrite pour attirer les larves et faciliter leur extraction. Cependant, ils ont des résultats controversés.

Le traitement devrait également inclure l´extraction directe ou chirurgicale des larves en utilisant des micro-pinces sous contrôle micro-otoscopie, sous ou sans anesthésie, associé à l´aspiration et le lavage d´oreille avec la solution saline 0,9% [4]. Une mastoïdectomie exploratrice est de recours pour évacuation des larves de la caisse, l´antre ou/et la mastoïde [6].

 

 

Conclusion Up    Down

Les myiases auriculaires ne sont pas exceptionnelles. Ces parasitoses sont rencontrées chez les individus immobilisés, d´âges extrêmes, et tout particulièrement ceux qui vivent dans des conditions sanitaires précaires. La prophylaxie reste le meilleur moyen pour lutter contre les myiases. Elle se base essentiellement sur l´enquête épidémiologique et le respect des règles d´hygiène générales.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à ce travail. Ils ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1 : larves après leur extraction avec présence d´otorragie

Figure 2 : coupes scannographiques axiale et coronale de l´oreille gauche objectivant une otite moyenne aigüe

Figure 3 : larves obstruant le conduit auditif externe (CAE) de l´oreille gauche avec les otorragies arrivant jusqu´à la conque

Figure 4 : deux larves issues par aspiration du CAE gauche

 

 

Références Up    Down

  1. Duvalet G, Jacquiet P. Les diptères myiasigènes (Diptera) in Entomologie médicale et vétérinaire. Marseille : Ed Quae et IRD ; 2017; p 425-37.

  2. Yuca K, Çaksen H, Feyyat Sakin Y. Aural myiasis in children and literature review. Tohoku J Exp Med. 2005 Jun;206(2):125-30. PubMed | Google Scholar

  3. Agoumi A, Aarab H, Tligui H, Boukachabine K, Zougari L. Myiases humaines : les otomyiases. In : Précis de Parasitologie Médicale, Collection Medica. Horizons Internationales (Eds), Rabat. 2003. 306-311.

  4. Rodríguez-Ruiz MT, Acosta AM, Cifuentes-Cardozo E. Otomyiasis: systematic review. Int Arch Otorhinolaryngol. 2019 Jan;23(1):104-109. PubMed | Google Scholar

  5. Francesconi F, Lupi O. Myiasis. Clin Microbiol Rev. 2012 Jan;25(1):79-105. PubMed

  6. Jervis-Bardy J, Fitzpatrick N, Masood A. Myiasis of the ear: a review with entomological aspects for the otolaryngologist. Ann Otol Rhinol Laryngol. 2015 May;124(5):345-50. PubMed | Google Scholar

  7. Uzun L, Cinar F, Beder Lb, Aslan T, Altintas K. Radical mastoidectomy cavity myiasis caused by Wohlfahrtia magnifica. J Layngol Otol. 2004 Jan;118(1):54-6. PubMed | Google Scholar