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Case report

Prise en charge d’hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive : à propos d’un cas

Prise en charge d´hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive : à propos d´un cas

Management of late onset congenital adrenal hyperplasia: about a case

Sidi Boula Sissoko1, Simon Azonbakin2,&, Alexis Ouedraogo3, Marius Adjagba2, Patrice Dangbemey4, Anatole Laleye2

 

1Service d´Anatomie et Cytologie Pathologiques du Centre Hospitalier Universitaire du Point G de Bamako, Bamako, Mali, 2Laboratoire d´Histologie, Biologie de la Reproduction, Cytogénétique et Génétique Médicale, Faculté des Sciences de Santé de Cotonou, Cotonou, Benin, 3Laboratoire de Morphologie et d´Organogenèse , Unité de Formation et de Recherches en Science de la Santé, Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso, 4Service de Gynécologie-Obstétrique, Centre Hospitalier et Universitaire de la Mère et de l´Enfant, CHU MEL-Cotonou, Benin

 

 

&Auteur correspondant
Simon Azonbakin, Laboratoire d´Histologie, Biologie de la Reproduction, Cytogénétique et Génétique Médicale, Faculté des Sciences de Santé de Cotonou, Cotonou, Benin

 

 

Résumé

Les anomalies de différenciation sexuelle sont des états intersexués rares, se caractérisant par un mélange en proportions variables des caractères sexuels masculins et féminins. Ces aspects vont de l´hypospadias pénien postérieur à l´hypertrophie clitoridienne. Elles sont à l´origine d´une discordance entre le sexe phénotypique et le sexe génétique. Les auteurs rapportent ici un cas d´anomalie de développement sexuel (DSD, 46 XX) causé par une hypertrophie congénitale des surrénales à révélation tardive. Nous rapportons pour la première fois une prise en charge multidisciplinaire complète de cette maladie chez une béninoise avec aboutissement du projet de maternité.


The abnormalities of sex differentiation are rare intersex conditions characterized by a variable mixture of male and female sex characteristics. These features range from posterior penile hypospadias to clitoral hypertrophy. They cause a discrepancy between phenotypic and genetic sex. This study reports a case of abnormal sex development (DSD, 46 XX) caused by late onset congenital adrenal hyperplasia. We present, for the first time, a multidisciplinary comprehensive approach to this disease in a Beninese woman who, subsequently, was able to become pregnant and had a successful pregnancy.

Key words: Abnormal sex development, congenital adrenal hyperplasia, DSD, 46 XX, case report

 

 

Introduction    Down

Les anomalies de différenciation sexuelle sont des états intersexués rares, se caractérisant par un mélange en proportions variables des caractères sexuels masculins et féminins [1]. Ces aspects vont de l´hypospadias pénien postérieur à l´hypertrophie clitoridienne. Elles sont à l´origine d´une discordance entre le sexe phénotypique et le sexe génétique. Les causes sont multifactorielles impliquant des facteurs génétiques et hormonaux [2,3]. Leur prévalence est approximativement estimée à 1 cas sur 4500 naissances [4]. Le diagnostic est souvent établi à la naissance devant les organes génitaux externes ambigus. L'hyperplasie congénitale des surrénales rend compte de 95% des cas des anomalies 46, XX DSD (Disorders of Sex Development) [5-7]. L´anomalie du développement sexuel XX (46, XX DSD), représente l´affection la plus fréquente des anomalies du développement sexuel [8]. Elle entraine une virilisation des organes génitaux externes d´un foetus féminin. La prise en charge comlète de ces cas cas est souvent très peu rapportée dans la littérature. La prise en charge multidisciplianire nécessite une parfaite collaboration entre différents spécialiste. Les auteurs rapportent ici un cas d´anomalie de développement sexuel (DSD 46, XX) prise en charge de façon optimale par plusieurs spécialistes.

 

 

Patient et observation Up    Down

La 1ère consultation: patiente TA âgée de 27 ans, est née d´un mariage non consanguin dans une fratie de sept enfants dont deux filles et cinq garçons. Elle est porteuse d´une anomalie de développement sexuel depuis sa naissance. Elle aurait consulté plusieurs fois chez des médecins et tradipraticiens sans suite. Il y n´y a pas de notion d´anomalie de développment sexuel au sein de la famille. Devenue adulte elle a été en consultations médicales plusieurs fois (Togo et Benin) tout en cachant son identité par peur des préjugés. Elle a un cycle de 28 jours avec 4 à 5 jours de menstrues.

 

Stratégie de gestion de la maladie: seuls ses parents sont au courant de la malformation génitale. Elle a essayé de trouver une solution à son problème car elle a beaucoup de prétendants qui veulent la marier et pour cette raison elle quitta le Togo pour s´installer à Cotonou. Cuisinière de profession, elle a consulté dans une clinique de la place d´où un caryotype lui a été demande. Ce dernier a été réalisé sous un faux nom avec abandon des résultats par peur. Elle est retournée à Lomé pour une nouvelle consultation et a été renvoyée au Laboratoire de cytogénétique de Cotonou pour un nouveau caryotype.

 

Vie de relation: elle évite de se mettre à nue devant ses copines. Elle n´a jamais eu de relations intimes avec un homme de peur de voir dévoiler son secret.

 

Vie de famille: le père est cultivateur et la mère est femme au foyer. Il s´agit d´un couple monogame dont la vie matrimoniale n´a pas changée manifestement depuis la découverte de la maladie de leur enfant. Ils sont musulmans. Les parents s'inquiètaient du fait que leur fille ne puisse se marier un jour.

 

Examen physique: cliniquement, la patiente a un morphotype féminin sans signes de virilisation (Figure 1). La patiente avait une taille de 1m 64 cm pour un poids de 58 kg. Sa tension artérielle était de 120/80 mm Hg. L´examen des organes génitaux externes révèle une hypertrophie du clitoris (25mm x 20mm) stade V de Prader. Le méat urinaire est situé sur le trajet de l'organe pénoclitoridien par lequel elle urine ainsi que s'évacuaient ses menstrues. Les grandes lèvres sont bien différenciées avec une fusion des petites lèvres (imperforation vaginale). La pilosité pubienne bien que modérée est de type masculin (stade P5 de la classification de TANNER). Le développement mammaire est côté stade 5 de la classification de TANNER (Figure 2).

 

Echographie: l´échographie pelvienne a trouvé un utérus de taille normale avec les 2 ovaires qui sont présents, et une couronne folliculaire bien riche.

 

Caryotype: l´analyse cytogénétique indiquait une garniture chromosomique de type féminin normal 46, XX (Figure 3).

 

L´hybridation in situ en fluorescence (FISH): a noté la présence de deux chromosome XX, et une absence de SRY.

 

Dosage hormonal: le dosage hormonal sanguin a révélé un taux élevé de 17-OHP (17-hydroxyprogestérone: 5,9 nmol/l) et de testostérone (4,2 nmol/l). Le 17-OHP élevé nous a fait évoquer le diagnostic de l'hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive.

 

La génitographie: montre un vagin normal avec imperforation vulvaire. Le vagin est en communication avec l´urètre qui s´abouche dans le micropénis.

 

Le diagnostic: l'hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive tout en écartant une anomalie des organes génitaux internes.

 

Prise en charge de la maladie: une chirurgie réparatrice a été effectuée quelques mois plus tard. Elle a constitué en une perforation vaginale et réparation de la fistule urétro-vaginale (Figure 4). Elle a subit ensuite une rééducation sexuelle (orifice vaginale) avec des pénis artificiels de différents calibres juste après la cicatrisation des plaies. Trois semaines après la cicatrisation elle commença l´acte sexuel avec son copain.

 

La maternité: un mois après l´acte chirurgicale, elle s´est mariée, puis 4 mois plus tard, elle a fait une fausse couche (Avril 2014), suivi d´un accouchement prématuré 8 mois plus tard (Décembre 2014). En Avril 2016, elle fut mère d´un petit garçon.

 

 

Discussion Up    Down

La fréquence de l'hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) est variable, elle touche 1% à 10% des femmes hyperandrogéniques en fonction de l'origine ethnique et géographique [2,9,10]. Elle est secondaire dans 90-95% des cas au déficit de la 21 hydroxylase en rapport avec des mutations du gène CYP21A2 à transmission autosomique récessive [3]. Dans de nombreux de pays, même africains, des régistres nationaux repertorient les cas de DSD [9,10]; tel n´est pas encore le cas au Bénin. La surrénale synthétise à partir du cholestérol, 3 hormones essentielles: cortisol, aldostérone et déhydrotestostérone. L'absence de la 21 hydroxylase entraine l'augmentation de la sécrétion de la 17-OH progestérone et des androgènes surrénaliens [7]. Le déficit complet de cette enzyme est responsable de la forme dite complète de l'hyperplasie congénitale des surrénales (ambiguïté sexuelle à la naissance avec ou sans perte de sel selon le degré de déficit en aldostérone). Alors que le déficit partiel se traduit par un tableau clinique polymorphe survenant à l'enfance ou à l'adolescence, en rapport avec l'hyperandrogénie débutant en post-natal [11,12]. Chez l´adulte les manifestations sont variables: on a une masculinisation des organes génitaux externes qui se voit sous forme de clitoridomégalie ou péniforme comme le cas de notre patiente [1,13]. L'hyperandrogénie étant un facteur perturbateur de l'axe gonadotrope, sera à l'origine d'une dysovulation ou une anovulation se traduisant par des troubles du cycle, une aménorrhée ou encore une infertilité [1,3]. Cependant, notre patiente est un cas asymptomatique avec un cycle menstruel régulier depuis la puberté. L'échographie pelvienne confirme la présence des organes génitaux internes féminins normaux. Le caryotype a montré une garniture chromosomique de type féminin normal: 46,XX. Le diagnostic biologique repose sur un dosage de base de la 17 OH progestérone supérieur à 2,6 nmol/L.

 

Après un staff multidiscipline qui comprenait généticiens, pédiatres, endocrinologues, gynécologues, urologues et psychologues, le traitement par plastie vaginale a été retenué chez cette patiente parce qu´elle présentait les organes génitaux internes féminins de type normal. Toutefois, l'hypertrophie clitoridienne est conservée tout en préservant la sensibilité et les possibilités d'érection. La patiente a également bénéficié d'une rééducation périnéale grâce à des pénis artificiels. Le risque chez une femme ayant une mutation sévère sur l'un des 2 allèles et celle d'avoir un enfant atteint d'une forme classique grave est de 0,4-2,5% selon les études et atteint 25% si le conjoint est lui aussi porteur d'une mutation sévère d'où l'intérêt de faire systématiquement une étude moléculaire du gène CYP21A2 chez la patiente et son conjoint [1,3]. Chez la patiente, ce risque n´a pu être évalué, mais la naissance d´un enfant vivant, en bonne santé apparente rassure tout le monde. Un diagnostic prénatal (notamment la biopsie trophoblastique) doit être fait chez notre patiente enceinte qui est d'un apport précieux [3]. Aucun lien de consanguinité entre la patiente et son mari (le mariage a eu lieu juste après la prémière fausse couche) et aucun bilan n´a été réalisé chez le conjoint. La patiente ayant donné naissance à un petit garçon normal par césarienne, dans notre cas, nous pouvons retenir qu´il s´agit vraiment d´un cas atypique, puisque en dehors de l´anomalie phénotypique, la patiente n´avait aucun signe de virilisation. Des cas de naissance d´enfant de mère atteinte de DSD, 46 XX sont également rapportés dans la littérature [1,3]. La patiente doit surtout bénéficier d´un accompagnement psychologique afin de s´accepter et de faire le deuil de son enfance marquée par le replis sur soi et la peur du regard d'autrui [8].

 

 

Conclusion Up    Down

L´hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive est une pathologie rare. Le cas clinique décrit dans cet article illustre parfaitement la nécessité d´une prise en charge multidisciplaire des pathologies rares (Gynécologue-obstétricien, pédiatre, endocrinologue, psychiatre, généticien, biologiste, radiologue et chirurgien). Le diagnostic bien qu´ayant été tardif n´a pas empéché une bonne prise en charge de la patiente avec aboutissement du projet de maternité.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Sidi Boula Sissoko, Simon Azonbakin Simon, Rakiswendé Alexis Ouedraogo ont coordonné toutes les étapes de la prise en charge de la patiente, les investigations biologiques, les staffs, la revue de la littérature, ainsi que la rédaction de l´article. Patrice Dangbemey s´est occupé avec les autres gynécologues de la prise en charge gynécologique. Marius Adjagba s´est occupé de l´établissement du caryotype et les autres analyses biologiques. Anatole Laleye a supervisé toutes les étapes de la prise en charge. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscript.

 

 

Remerciements Up    Down

Les auteurs remercient la patiente pour avoir compris l´interet scientifique de son cas et d´avoir accepté la publication de ses données. Les auteurs remercient également les différents spécialistes qui ont participé aux nombreux staff et réunion dans le cadre de la prise en charge de cette patiente.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: patiente TA Phénotype féminin: pilosité de type masculin et hypertrophie clitoridienne péniforme

Figure 2: organe pénoclitoridien avec une fusion postérieure et complète du sinus urogénital

Figure 3: garniture chromosomique de type féminin normal (46, XX)

Figure 4: orifice vaginal après l´intervention chirurgicale

 

 

Références Up    Down

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