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Case report

Hypoplasie surrénalienne à révélation tardive à propos d’un cas et revue de la littérature

Hypoplasie surrénalienne à révélation tardive à propos d´un cas et revue de la littérature

Late-onset adrenal hypoplasia case study and literature review

Ilham Bouizammarne1,&, Sana Rafi1, Ghizlane El Mghari1, Nawal El Ansari1

 

1Service d´Endocrinologie Diabétologie et Maladies Métaboliques, CHU Mohamed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Ilham Bouizammarne, Service d´Endocrinologie Diabétologie et Maladies Métaboliques, CHU Mohamed VI, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc

 

 

Résumé

L’insuffisance surrénale primaire dans la population pédiatrique (0-18 ans) est le plus souvent attribuée à une hyperplasie congénitale des surrénales, qui survient dans environ une naissance sur 15 000, suivie de la maladie d’Addison, caractérisée par une étiologie auto-immune. Cependant, d’autres étiologies sont méconnues telle l’hypoplasie congénitale, des progrès moléculaires ont augmenté le nombre de diagnostics possibles. L’hypoplasie congénitale des surrénales est une maladie génétique rare, hétérogène sur le plan clinique, de révélation parfois précoce et létale en absence de traitement adapté, une survie prolongée en l’absence de traitement conduisant à un diagnostic tardif de la maladie est aussi possible, certaines de ces hypoplasies congénitales sont liées à des mutations observées dans le gène DAX1 sur l’X qui code pour un membre de la superfamille des récepteurs nucléaires aux hormones. Nous rapportons ici l’observation d’un enfant de 12 ans, qui a présenté une insuffisance surrénalienne périphérique, avec absence d’individualisation des surrénales sur tomodensitométrie; chez qui l’hypoplasie congénitale des surrénales a été suspecté.


Primary adrenal insufficiency in the pediatric population (0-18 years) is most often due to congenital adrenal hypoplasia, which occurs approximately in 1 in 15,000 newborns. It is followed by autoimmune Addison’s disease. However, other causes are unknown, such as congenital hypoplasia; progress in molecular-based management has increased the number of people diagnoses. Congenital adrenal hypoplasia is a rare genetic disease, sometimes of early-onset and lethal in the absence of suitable treatment, characterized by clinical heterogeneity. However porolonged survival in the absence of treatment, which usually lead to late diagnosis, is also possible. Some of these congenital hypoplasies are due to X-linked mutation in the DAX1 gene coding a member of the nuclear hormone receptor superfamily. We here report the case of a 12-year old boy, presenting with peripheral adrenal insufficiency. CT scan didn’t show adrenal glands, hence congenital adrenal hypoplasia was suspected.

Key words: Peripheral adrenal insufficiency, hypoplasia, Dax gene, adrenoleukodystrophy, resistance to adrenocorticotropin (ACTH)

 

 

Introduction    Down

L’hypoplasie congénitale des surrénales constitue une maladie héréditaire du développement de la glande surrénalienne avec une incidence de 1/12 500 naissances vivantes. La forme liée au chromosome X OMIM N°300200 est une maladie génétique très hétérogène sur le plan clinique, parfois de révélation très précoce mettant en jeu le pronostic vital [1]. Une survie prolongée en absence de traitement conduisant à un diagnostic tardif de la maladie est possible, aussi que la variabilité de l’expression de la maladie au sein d’une même fratrie [2].

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s’agit d’un enfant de 12 ans, du sexe masculin, issu d’un mariage non consanguin, sans antécédents pathologiques particuliers, qui a présenté à l’anamnèse: une asthénie importante avec mélanodermie, un amaigrissement depuis 1 année et des épisodes d’hypoglycémie. Le diagnostic de l’insuffisance surrénalienne a été posé après une décompensation aigue par diarrhées, vomissements et douleurs abdominales. A l’examen clinique on a trouvé une glycémie à 0.79g/l, TA à 80/60mmhg, une mélanodermie manifeste, des taches ardoisés, pas d’anomalie des organes génitaux externes, stade de Tanner: P1, G1 avec un examen neurologique normale. Le bilan biologique a objectivé une cortisolémie de 8 h à 2,48ug/dl, ACTH très élevé à 2531pg/ml, hyponatrémie à 130mmol/l, hyperkaliémie à 5mmol/l, FSH à 1,4Ui/l, LH à 0,3Ui/l, Testostérone à 0,03ug/l, TSH à 0,7Ui/l. La TDM des surrénales a montré l’absence d’individualisation des deux surrénales. La recherche des anticorps-anti 21 hydroxylase était négative, le patient a été mis sous hydrocortisone 20 mg/jour en trois prises et fluodrocortisone 50ug/jour, avec une bonne amélioration clinique. Nous avons suspecté une hypoplasie des surrénales à révélation tardive devant : l’insuffisance surrénalienne périphérique, l’absence d’individualisation des surrénales sur la TDM et le sexe masculin, malheureusement on ne dispose pas d’étude génétique.

 

 

Discussion Up    Down

L’hypoplasie congénitale des surrénales ou adrenal hypoplasia congenita (AHC) est une maladie rare, Certaines de ces hypoplasies congénitales sont liées à des mutations observées dans le gène DAX1 sur l’X qui code pour un membre de la superfamille des récepteurs nucléaires aux hormones. C’est un répresseur transcriptionnel qui intervient dans la morphogenèse des surrénales et la différenciation gonadique [1]. Le gène DAX1 code pour un récepteur nucléaire exprimé dans l’hypothalamus, la glande hypophysaire, les gonades et la glande surrénalienne. Plus de 60 familles, avec plus de 50 mutations différentes de DAX1 ont été rapportées dans la littérature (décalages du cadre de lecture par insertion ou délétion, mutations ponctuelles non-sens et faux-sens) [2]. Les hypoplasies congénitales des surrénales constituent un cadre hétérogène. La liaison génétique entre les différentes affections : AHC liée à l’X, déficience en glycérol kinase (GK) et myopathie de Duchenne a été démontré dans les années 1980 par plusieurs observations de la littérature, ce qui a permis de cloner le gène par séquençage de la région d’intérêt. Sturhman et al. en 1991 [3] ont mis en évidence une délétion interstitielle dans la région Xp21 chez l’enfant (et sa mère) présentant une hypoplasie congénitale des surrénales, une myopathie de Duchenne et un déficit en glycérol-kinase, exemple de pathologie de gènes contigus [3, 4]. L’étiologie de l’hypoplasie peut aussi être une Adrénoleucodystrophie liée à l’X, ou un syndrome de résistance à ACTH.

 

Pour l’adrénoleucodystrophie liée à l’X (ALD) est une maladie neurodégénérative sévère liée à l’X. Elle associe une démyélinisation progressive du système nerveux central et périphérique, une insuffisance surrénale et une accumulation d’acides gras à très longue chaîne (AGTLC) dans le plasma, les fibroblastes et les tissus. Son incidence est de 1/17 000 naissances [5]. Il existe deux phénotypes principaux, une forme cérébrale démyélinisante qui touche les garçons entre 5 et 12 ans, et 35 % des hommes adultes ; et une forme limitée à une atteinte de la moelle épinière. L’insuffisance surrénale survenu à un âge jeune ou à l’âge adulte peut être la première manifestation de la maladie et rester le seul symptôme pendant des décennies jusqu’à l’apparition de signes neurologiques [6]. L’ALD est la conséquence de mutation(s) du gène ABCD1 sans corrélation entre le génotype et le phénotype. Le diagnostic d’ALD repose sur le dosage des acides gras à très longue chaîne dans le plasma qui permet d’identifier 100 % des garçons ou hommes atteints et 80 à 95 % des femmes conductrices [7].

 

En ce qui concerne Les syndromes de résistance à l´ACTH sont un ensemble de maladies rares, qui se présentent sous trois formes moléculaires distinctes, elle se caractérise de façon générale par une insuffisance surrénalienne sévère en glucocorticoïdes. La forme la plus simple est le déficit familial isolé en glucocorticoïdes (FGD), avec des symptômes associés à ce déficit, et qui se subdivise lui-même en deux types. Dans le syndrome le déficit familial isolé en glucocorticoïdes de type 1, des mutations du récepteur à l´ACTH ont été décrites et sont responsables de la perte de fonction de ce récepteur, et ainsi de l´absence de réponse à l´hormone. Les patients atteints du syndrome le déficit familial isolé en glucocorticoïdes de type 2 se présentent avec un phénotype tout à fait identique au précédent mais il n´a pas été décelé de mutations du récepteur à l´ACTH [8, 9].

 

La troisième forme moléculaire constitue le syndrome des trois « A » pour la triade d´association « ACTH résistance, Achalasia, Alacrima », reflétant un spectre de dysfonctionnements beaucoup plus large chez les patients atteints [9]. Dans le cadre de l’hypoplasie congénitale des surrénales liée à l’X, l´insuffisance surrénalienne se manifeste au cours des deux premiers mois de vie chez environ 40% des garçons atteints, ou plus insidieusement tout au long de l´enfance. Elle se révèle parfois en période néonatale par un syndrome de perte de sel létal en absence de traitement [1, 2]. L’insuffisance surrénalienne entraîne un déficit de glucocorticoïde à l’origine des épisodes d’hypoglycémie, parfois symptomatiques et une mélanodermie, d’autant plus importante que l’enfant avance en âge et que l’ACTH est élevée [10]. Comme l’illustre notre cas clinique chez qui la mélanodermie était sévère et révélatrice avec un taux d’ACTH très élevé. La sécrétion du cortisol, le plus souvent conservée chez le nouveau-né, s’épuise par la suite [11] .

 

Des formes à révélation tardive ont été décrites dans la littérature, avec possibilité de survenue même à l’âge adulte, l´AHC lié à l´X est parfois diagnostiqué chez les jeunes adultes. Les hommes atteints ont généralement des antécédents ou une insuffisance surrénalienne progressive ou légère avec un hypogonadisme hypo gonadotrope partiel [12]. Notre cas présenté est considérée comme une forme à révélation tardive, vu que les signes d’insuffisance surrénalienne ne sont apparus qu’à l’âge de 11 ans.

 

Les garçons avec l’AHC lié à l´X présentent généralement une absence du développement pubertaire [13]. Cette caractéristique est cohérente avec l’hypogonadisme hypogonadotrope, bien que la puberté puisse commencer chez certains garçons et s´arrête généralement autour du stade 3 de Prader. Des études expérimentales détaillées sur la libération de gonadotrophines et la réponse à la stimulation de la gonadolibérine (GnRH) suggèrent un défaut hypothalamique et hypophysaire, qui est responsable de la libération de l´hormone lutéinisante (LH) et de l´hormone folliculo-stimulante (FSH) [14].

 

Pour notre cas vu qu’on ne dispose pas d’étude génétique ni du dosage des acides gras a chaîne longues, le suivi va consister a une évaluation clinique avec un examen neurologique minutieux, ainsi qu’un suivi de son développement pubertaire par le stade de tanner et le dosage de FSH, LH, testostérone à la recherche d’un hypogonadisme hypogonadotrophique qui oriente vers une mutation du gène DAX qui nécessite une prise en charge particulière.

 

 

Conclusion Up    Down

L’hypoplasie congénitale des surrénales, quoi qu’elle soit une cause rare d’insuffisance surrénal, il faut y penser devant toute insuffisance surrénalienne périphérique chez les garçons, surtout avec l’absence d’individualisation des surrénal à la TDM, quelque soit l’âge du patient.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé a cette étude et tous ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Références Up    Down

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  2. Tabarin A, Achermann JC, Recan D, Bex V, Bertagna X, Christin-Maitre S et al. A novel mutation in DAX1 causes delayed-onset adrenal insufficiency and incomplete hypogonadotropic hypogonadism. J Clin Invest. 2000 Feb;105(3):321-8. PubMed | Google Scholar

  3. Stuhrmann M, Heilbronner H, Reis A, Wegner RD, Fischer P, Schmidtke J. Characterisation of a Xp21 microdeletion syndrome in a 2-year-old boy with muscular dystrophy, glycerol kinase deficiency and adrenal hypoplasia congenita. Hum Genet. 1991 Feb;86(4):414-5. PubMed | Google Scholar

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