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Case report

Glomérulonéphrites extra-membraneuses en Guyane Française: de la forme primitive aux atypies auto-immunes (à propos de 5 cas)

Glomérulonéphrites extra-membraneuses en Guyane Française: de la forme primitive aux atypies auto-immunes (à propos de 5 cas)

Membranous glomerulonephritis in French Guiana: from primary forms to autoimmune atypical cases (a report of five cases)

Arriel Makembi Bunkete1,2,&, Malika Belgrine3, Mohamed Sidibe3, Mamadou Mouctar Diallo1, Gloria Ningaro Timem1, Timoté Davodoun3, Tanguy Gbaguidi3, Irénée Djiconkpode1, Franklin Samou Fantcho4

 

1Service de Néphrologie-Dialyse, CHU de Guyane - Site de Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane Française, France, 2Service de Néphrologie-Dialyse, Cliniques Universitaires de Kinshasa, Université de Kinshasa, Kinshasa, République Démocratique du Congo, 3Service de Néphrologie-Dialyse, CHU de Guyane - Site de Cayenne, Cayenne, Guyane Française, France, 4Service de Médecine Interne, CHU de Guyane, Site de Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane Française, France

 

 

&Auteur correspondant
Arriel Makembi Bunkete, Service de Néphrologie-Dialyse, CHU de Guyane - Site de Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane Française, France

 

 

Résumé

Cette revue de cinq cas de glomérulonéphrites extra-membraneuses (GEM) en Guyane Française met en évidence la diversité étiologique et immunologique de cette pathologie. Les cas incluent des formes primitives (anti-PLA2R+, anti-THSD7A+) et secondaires à des connectivites (lupus, syndrome de Gougerot Sjögren, connectivite mixte). Le diagnostic repose sur l'analyse croisée des données cliniques, biologiques, immunologiques (recherche d'anticorps anti-PLA2R, THSD7A, EXT2) et histologiques. Le rituximab a été utilisé dans tous les cas avec une tolérance satisfaisante et des réponses thérapeutiques variables, allant de la rémission partielle à la rémission complète. Cette série illustre l'intérêt des marqueurs antigéniques pour la stratification diagnostique, en particulier dans les contextes d'auto-immunité et de diversité ethnique. Elle souligne également l'importance d'une évaluation régulière et d'une approche personnalisée dans la prise en charge des GEM, notamment dans les formes secondaires ou complexes. L'intégration des avancées en immunopathologie est essentielle pour améliorer le pronostic.


This review of five cases of membranous glomerulonephritis (MGN) in French Guiana highlights the etiological and immunological diversity of this disease. The cases included primary forms (anti-PLA2R+, anti-THSD7A+) and forms secondary to connective tissue diseases (lupus, Gougerot-Sjögren's, mixed connective tissue disease). Diagnosis was based on the combined analysis of clinical, biological, immunological (anti-PLA2R, THSD7A, EXT2 antibodies), and histological findings. Rituximab was used in all cases, with good tolerance and variable therapeutic responses, ranging from partial to complete remission. This serie illustrates the usefulness of antigenic markers for diagnostic stratification, particularly in the context of autoimmunity and ethnic diversity. It also emphasizes the importance of regular assessment and a personalized approach in the management of MGN, especially in secondary or complex forms. Integration of advances in immunopathology is essential for improving prognosis.

Key words: Membranous glomerulonephritis, autoimmune diseases, phospholipase A2 receptors, rituximab, biomarkers

 

 

Introduction    Down

La glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM) constitue la première cause de syndrome néphrotique (SN) chez l'adulte caucasien non diabétique. Bien qu'elle soit la plus fréquente de ce groupe, il s'agit d'une pathologie rare, avec une incidence annuelle estimée en France entre 1,2 et 1,7 pour 100000 [1]. La GEM peut être primitive, associée à des auto-anticorps circulants dirigés contre des antigènes glomérulaires spécifiques, ou secondaire à des pathologies variées: infections chroniques, néoplasies, médicaments ou maladies auto-immunes, comme le lupus systémique ou le syndrome de Gougerot-Sjögren [2,3].

Depuis le début des années 2000, plusieurs avancées majeures ont révolutionné la compréhension de la GEM. En 2002, Olaru et al. ont rapporté un premier cas humain lié à des anticorps anti-endopeptidase neutre [4]. En 2009, Beck et al. ont identifié le récepteur de la phospholipase A2 (PLA2R) comme principal auto-antigène dans près de 70% des formes primitives [1]. L'antigène THSD7A a ensuite été identifié en 2014, représentant 2 à 5% des cas [5]. Ces découvertes ont permis d'affiner la classification de la GEM, en passant d'une dichtomie "primitive/secondaire" à une approche fondée sur les antigènes cibles [3]. Aujourd'hui, près de 90% des cas de GEM sont associés à des antigènes identifiés, grâce à des outils de détection comme la spectrométrie de masse ou l'immunohistochimie [5]. Cette dynamique redéfinit les contours de la GEM, qui peut apparaître secondairement dans le contexte de connectivites, de néoplasies ou après une autre néphropathie, comme une néphropathie à IgA évoluant vers une GEM [3].

Le diagnostic de GEM repose sur la combinaison de données cliniques, immunologiques et histologiques. Il peut être retardé ou évolutif, et nécessite parfois une re-biopsie, notamment en cas d'évolution discordante ou de rechute [6]. L'identification d'auto-anticorps anti-PLA2R ou anti-THSD7A permet de confirmer le diagnostic de forme primitive, même en présence de maladies auto-immunes concomitantes [5]. Dans des contextes à forte hétérogénéité immunologique, comme la Guyane, les présentations cliniques sont souvent mixtes, avec des chevauchements entre pathologies systémiques et atteintes rénales spécifiques. Cela requiert une approche dynamique et multidisciplinaire, impliquant internistes, néphrologues, pathologistes et biologistes. À travers l'étude de cinq cas cliniques, nous illustrons la diversité phénotypique et immunologique de la GEM, allant des formes primitives (anti-PLA2R+, anti-THSD7A+) aux formes secondaires à des connectivites (lupus, syndrome de Sjögren, connectivite mixte), en mettant en lumière les enjeux diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques associés.

 

 

Patient et observation Up    Down

Cas 1: glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive anti-PLA2R+

Informations relatives à la patiente: patiente de 32 ans, obèse (125 kg, IMC >45), sans antécédents médicaux ou familiaux de néphropathie. Aucun facteur psychosocial ou génétique particulier. Pas d'interventions médicales antérieures notables.

Résultats cliniques: œdèmes bilatéraux déclives des membres inférieurs, tension artérielle à 148/88 mmHg. Pas de signes extra-rénaux ni d'hématurie.

Chronologie: les œdèmes sont apparus progressivement depuis trois mois. Une protéinurie majeure a été détectée en ville (12,25 g/24h), motivant une hospitalisation pour bilan. Un traitement a été instauré à la cinquième semaine.

Démarche diagnostique: bilan biologique: hypoalbuminémie (18 g/L), anémie (Hb 9 g/dL), fonction rénale normale (créatinine 62 µmol/L, DFG 110 mL/min). Sérologies virales négatives; immunisation contre VHB. EPP: hypoprotidémie sans pic monoclonal; EPU: protéinurie sélective. Anti-PLA2R positifs à 154 U/mL. Imagerie thoraco-abdominale normale. Devant la forte spécificité des anti-PLA2R et l'absence d'étiologie secondaire, la biopsie a été jugée non nécessaire. Diagnostic de GEM primitive anti-PLA2R+ retenu.

Intervention thérapeutique: deux perfusions de rituximab (1 g aux jours 1 et 15). Traitement associé: IEC, dapagliflozine, apixaban. Vaccination antipneumococcique et Quantiféron négatif avant immunosuppression.

Suivi et résultats: à trois mois: amélioration clinique, protéinurie réduite à 4,3 g/24h, fonction rénale stable. Bonne tolérance, pas d'effet indésirable. Suivi biologique: taux résiduel de rituximab, anticorps anti-rituximab, anti-PLA2R et protéinurie.

Perspectives de la patiente: la patiente se dit satisfaite de la prise en charge, soulagée par la régression des symptômes, et bien informée du suivi.

Consentement éclairé: consentement obtenu pour les soins et l'utilisation anonyme des données à des fins pédagogiques ou scientifiques.

Cas 2: glomérulonéphrite extra-membraneuse secondaire à un lupus systémique (classe V, EXT2+)

Informations relatives à la patiente: patiente de 55 ans, suivie pour lupus systémique depuis 2011. Le diagnostic a été posé sur un bilan immunologique, confirmant les atteintes cutanée, articulaire, cardiaque et rénale. Aucun antécédent familial notable. Un diabète sucré cortico-induit a été diagnostiqué après l'instauration d'une corticothérapie.

Chronologie et évolution clinique: en 2011, la patiente présente des signes rénaux évocateurs d'une néphropathie lupique (syndrome néphrotique) et la biopsie rénale réalisée révèle une néphrite lupique de classe IV+V. Après traitement par bolus de corticoïdes et cyclophosphamide, une rémission complète est obtenue. En 2025, la patiente est référée pour une protéinurie néphrotique isolée (RAC: 325 mg/mmol) sans hématurie ni syndrome inflammatoire associé.

Démarche diagnostique: à la consultation, la créatininémie est à 178 µmol/L. Les sérologies virales (VIH, VHB, VHC) sont négatives, et l'électrophorèse des protéines est normale. Le bilan immunologique révèle un titre élevé de FAN (1/1280), tandis que les anticorps anti-DNA natif et ENA sont négatifs. La biopsie rénale confirme une glomérulonéphrite extra-membraneuse (EXT2+), sans argument pour une néphropathie diabétique, concluant à une néphrite lupique de classe V.

Prise en charge thérapeutique: conformément aux recommandations KDIGO 2024 pour la gestion des néphrites lupiques de classe V avec protéinurie néphrotique, et en raison de la nécessité d'épargner les corticostéroïdes chez cette patiente diabétique, un traitement par rituximab (1 g aux jours 1 et 15) est initié. Un traitement adjuvant comprenant hydroxychloroquine (Plaquenil), inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) et dapagliflozine (Forxiga) est également mis en place.

Suivi et évolution: trois mois après le début du traitement, la patiente est en rémission complète avec une réduction significative de la protéinurie (0,4 g/24h) et une amélioration de la créatininémie (102 µmol/L). Le traitement par IEC et Forxiga est maintenu sans effet indésirable ni intolérance.

Perspective: la patiente exprime une grande satisfaction vis-à-vis de la stratégie thérapeutique mise en place, en particulier en raison de l'épargne cortisonique qui correspond à son profil clinique, notamment son diabète.

Consentement éclairé: le consentement éclairé a été obtenu pour la prise en charge et l'utilisation anonymisée de ses données à des fins pédagogiques.

Cas 3: glomérulonéphrite extra-membraneuse secondaire à une connectivite mixte (EXT2-)

Informations relatives à la patiente: une patiente de 47 ans, suivie depuis 2019 pour un lupus érythémateux disséminé, se présente avec une protéinurie significative et des symptômes dermatologiques. Elle a des antécédents de tabagisme chronique (31 paquets-années) et aucun antécédent allergique notable.

Résultats cliniques: au moment de l'examen clinique, la patiente présente un rash malaire, des ulcérations digitales, un livedo et des œdèmes modérés des membres inférieurs. Aucun déficit neurologique n'a été observé. Sur le plan biologique, la créatininémie est normale (64 µmol/L), tandis que la protéinurie est mesurée à 1,14 g/24h. Le bilan immunologique montre un AAN positif à 1/1280, les anti ENA positif de type Sm à 330 (N<7) et un anti-U1RNP positif à 150 (N<5), tandis que les tests pour anti-DNA, SSA, SSB, Scl70, et anti-centromère sont tous négatifs.

Démarche diagnostique: les résultats de la biopsie rénale confirment une glomérulonéphrite extra-membraneuse de stade 2, avec un marquage EXT2-, compatible avec une néphrite lupique de classe V après exclusion des autres causes possibles. L'activité de la néphrite est notée à 1/24, et la chronicité à 1/12. Un diagnostic de connectivite mixte a également été posé, avec une possibilité d'évolution vers une sclérodermie ou une cryoglobulinémie.

Intervention thérapeutique: le traitement a été décidé après une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), comprenant: Mycophénolate mofétil (MMF), Plaquenil (hydroxychloroquine) et Corticoïdes (CTC).

Suivi et résultats: trois mois après le début du traitement, une amélioration clinique notable a été observée, avec une réduction des lésions cutanées (rash, ulcérations) et des œdèmes. La fonction rénale de la patiente est restée stable. Un suivi clinique et biologique régulier sera mis en place pour évaluer l'évolution de la connectivite mixte et la réponse au traitement.

Consentement éclairé: le consentement éclairé a été obtenu pour la prise en charge et l'utilisation anonymisée des données à des fins pédagogiques.

Cas 4: glomérulonéphrite extra-membraneuse secondaire à un syndrome de Gougerot-Sjögren

Informations relatives à la patiente: il s'agit d'une patiente de 42 ans, avec des antécédents d'hypertension artérielle non suivie. Elle a consulté pour une anasarque d'aggravation progressive depuis trois mois. Aucun antécédent médical notable autre que l'hypertension n'est rapportée, et elle n'a pas d'antécédents familiaux significatifs.

Résultats cliniques: l'examen clinique met en évidence une anasarque avec hypertension artérielle mesurée à 150/90 mmHg. Aucun signe extra-rénal notable n'a été observé.

Chronologie: la patiente est hospitalisée en janvier 2025 pour mise au point diagnostique d'un syndrome néphrotique majeur. Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren a été posé après un bilan immunologique et la réalisation d'une biopsie rénale a permis de préciser l'atteinte rénale associée, notamment la glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM), permettant ainsi la mise en route d'un traitement approprié.

Démarche diagnostique: les examens biologiques ont révélé un syndrome néphrotique avec une protéinurie à 12,8 g/24h et une hypoalbuminémie à 18 g/L, sans hématurie, et une créatinine à 81 µmol/L. Une anémie a été observée, avec un taux d'hémoglobine à 8,5 g/dL, sans signes d'hémolyse mécanique. Le bilan immunologique a montré un FAN à 640 et des anticorps anti-SSA supérieurs à 241. Le dosage des anti-PLA2R était négatif. La biopsie rénale a mis en évidence une glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM) de stade 3, PLA2R-, avec une fibrose interstitielle non significative, renfermant un infiltrat inflammatoire lymphocytaire léger sans tubulite, sans granulome et sans anomalie de la membrane basale tubulaire. Ces résultats ont permis de confirmer le diagnostic de GEM secondaire au syndrome de Gougerot-Sjögren.

Intervention thérapeutique: le traitement, discuté lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), a consisté en corticoïdes à la dose de 1 mg/kg et en rituximab (1 g aux jours 1 et 15) pour contrôler l'inflammation et la réponse immunitaire. Un traitement associé par inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et Forxiga a également été instauré pour protéger la fonction rénale et optimiser la gestion de l'hypertension artérielle et de la protéinurie.

Suivi et résultats: après 15 jours de traitement, une réduction de la protéinurie a été observée, atteignant 3,04 g/24h. La fonction rénale est restée stable. Un suivi régulier sera mis en place pour évaluer l'évolution de la patiente.

Consentement éclairé: le consentement éclairé a été obtenu pour la prise en charge et l'utilisation anonymisée des données à des fins pédagogiques.

Cas 5: glomérulonéphrite extra-membraneuse primitive anti-THSD7A+

Informations relatives au patient: patiente de 36 ans, avec des antécédents de Lupus systémique FAN positif à 1280, ENA positif (Sm+, URNP+) et AntiDNA natif négatif. Elle présente également une urétrite interstitielle nodulaire et proliférative. En 2014, une biopsie rénale (PBR) avait révélé une néphropathie à IgA, sans argument pour une néphrite lupique et un traitement non spécifique avait été mis en place.

Motif de consultation: la patiente a été transférée par son médecin traitant pour mise au point d'un syndrome néphrotique (SN), avec suspicion de récidive ou de nouvelle atteinte rénale.

Résultats cliniques: elle présentait un syndrome néphrotique pur, sans hématurie, avec une tension artérielle à 111/72 mmHg et un IMC à 35. Aucun signe extra-rénal notable n'a été observé à l'examen clinique.

Chronologie: en 2014, un diagnostic de néphropathie à IgA avait été posé et un traitement symptomatique avait été instauré, permettant une rémission. En 2025, un syndrome néphrotique est apparu, motivant une nouvelle biopsie rénale pour préciser l'étiologie de cette récidive.

Démarche diagnostique: le bilan biologique a révélé une protéinurie de 3,5 g/24h et une albuminémie à 25 g/L. Le bilan immunologique était négatif. La biopsie rénale a montré une glomérulonéphrite extra-membraneuse (GEM) avec des dépôts massifs d'IgG à l'immunofluorescence, ainsi qu'un marquage positif pour THSD7A. Aucun signe de lupus actif ni de persistance de la néphropathie à IgA n'a été retrouvé, confirmant une GEM primitive anti-THSD7A+.

Intervention thérapeutique: le traitement a été initié par rituximab (1 g aux jours 1 et 15) pour moduler la réponse immunitaire et traiter la glomérulonéphrite. En complément, un traitement adjuvant comprenant des IEC et du Forxiga a été mis en place pour optimiser la gestion de la fonction rénale et réduire la protéinurie.

Suivi et résultats: la protéinurie s'est stabilisée avec une bonne tolérance au traitement. Un suivi régulier sera mis en place pour surveiller l'évolution de la fonction rénale et l'efficacité du traitement.

Consentement éclairé: le consentement éclairé a été obtenu pour la prise en charge et l'utilisation anonymisée des données à des fins pédagogiques.

 

 

Discussion Up    Down

Cette revue de cas met en lumière la diversité des glomérulonéphrites extra-membraneuses (GEM), en particulier dans un contexte auto-immun, tel qu'observé en Guyane Française. Elle illustre l'évolution de la compréhension nosologique et physiopathologique de la GEM, en intégrant les nouveaux antigènes cibles identifiés, ainsi que les implications thérapeutiques dans des contextes cliniques hétérogènes. Plusieurs constats communs émergent. Tous les patients étaient des femmes âgées de 32 à 55 ans, ce qui rejoint les données épidémiologiques montrant une prédominance féminine des GEM secondaires, notamment dans les contextes auto-immuns [7]. Le syndrome néphrotique était au premier plan, parfois massif, traduisant la sévérité de l'atteinte glomérulaire dans ces formes. L'ensemble des patientes a bénéficié d'un traitement par rituximab, utilisé soit en première ligne pour les formes primitives, soit en relais ou ajustement thérapeutique dans les formes secondaires, conformément aux recommandations [8].

Toutes les biopsies ont permis l'identification d'un antigène glomérulaire, soulignant l'intérêt majeur de l'immunohistochimie ou de la spectrométrie de masse dans le diagnostic moderne de la GEM [5]. L'antigène PLA2R était impliqué dans le cas 1, THSD7A dans le cas 5 et EXT2 dans les formes secondaires, notamment associées au lupus systémique (cas 2) ou au syndrome de Gougerot-Sjögren (cas 4). Les spécificités de chaque cas permettent d'illustrer des présentations phénotypiques et immunologiques distinctes. Le cas 1, une jeune femme avec obésité, présentait une GEM à anti-PLA2R sans comorbidité auto-immune, démontrant que le profil classique « homme caucasien âgé » n'est plus exclusif [7]. Le cas 2 souligne le rôle du lupus systémique comme cause secondaire de GEM via l'expression glomérulaire d'EXT2, en l'absence de DNA natif ou d'ENA positifs. Ce profil biologique atypique a justifié une rebiopsie, illustrant le rôle diagnostique fondamental de cet examen dans les formes évolutives cet examen [6].

Le cas 3, à présentation dermatologique et articulaire évocatrice d'une connectivite mixte, met en évidence la possibilité d'une GEM comme seule manifestation rénale, ce qui peut complexifier l'approche diagnostique. Le cas 4, associée à un syndrome de Sjögren, montre l'intérêt de rechercher systématiquement une atteinte rénale dans cette connectivite, même en l'absence de signes urinaires francs. Enfin, le cas 5 mérite une attention particulière. Il s'agit, à notre connaissance, du premier cas documenté d'une GEM à anti-THSD7A survenant plusieurs années après une néphropathie à IgA diagnostiquée histologiquement. Si la littérature rapporte des cas de passage de GEM vers une néphropathie à IgA ou de formes concomitantes, la transition inverse n'avait pas encore été décrite [9]. Cette observation soulève la question d'une évolution morphologique ou immunologique secondaire des glomérulopathies au long cours, renforçant l'intérêt d'un suivi longitudinal étroit avec rebiopsie en cas d'évolution discordante.

La réponse au rituximab a été globalement favorable, avec des rémissions partielles ou complètes dans tous les cas. Cela confirme les résultats d'études récentes montrant l'efficacité de ce traitement ciblé dans les formes primaires comme secondaires, en particulier dans les contextes à risque de toxicité cortisonique [8]. L'identification de l'antigène permet d'orienter non seulement le diagnostic mais aussi le suivi, en s'appuyant sur le monitoring sérologique (anti-PLA2R, anti-THSD7A) pour ajuster la stratégie thérapeutique [5,10].

 

 

Conclusion Up    Down

Cette série illustre l'évolution de la classification des GEM, aujourd'hui fondée sur les profils antigéniques plus que sur la dichotomie idiopathique/secondaire. L'intégration des données immunologiques, cliniques et histologiques permet une approche plus précise, personnalisée et évolutive. Dans des contextes complexes comme celui de la Guyane, cette dynamique est essentielle pour éviter les pertes de chance. Enfin, ces cas soulignent l'utilité de la rebiopsie dans les présentations atypiques, les discordances phénotypiques et les glomérulopathies évolutives.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Arriel Makembi Bunkete a contribué à la conception et à la planification de l'étude, à la collecte des données, à l'analyse et à l'interprétation des résultats, ainsi qu'à la rédaction du manuscrit. Malika Belgrine et Mohamed Sidibe ont participé à la conception de l'étude, à l'analyse critique du contenu intellectuel et à la révision du manuscrit. Mamadou Mouctar Diallo, Gloria Ningaro Timem et Irénée Djiconkpode. Ont pris part à la collecte des données, à leur vérification, et à la révision critique du manuscrit. Timoté Davodoun et Tanguy Gbaguidi ont aidé à l'analyse statistique, à l'interprétation des données, et à la révision finale du manuscrit. Franklin Samou Fantcho a contribué à la prise en charge clinique des patients, à l'interprétation des données cliniques et à la relecture critique du manuscrit. Tous les auteurs ont approuvé la version finale à publier et acceptent la responsabilité de l'intégrité du travail dans son ensemble.

 

 

Remerciements Up    Down

Nous exprimons notre gratitude aux équipes des Services de Néphrologie, de Médecine interne et d'Anatomopathologie du Centre Hospitalier Universitaire de Guyane, ainsi qu'au Service d'Anatomie et Cytologie Pathologique de l'AP-HP Kremlin Bicêtre, pour leur précieuse collaboration dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique de ces cas.

 

 

Références Up    Down

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