Méningo-encéphalite aseptique suite à une rachianesthésie à la bupivacaïne à l´Hôpital Militaire de Nouakchott: à propos d'un cas
Ely Cheikh Kaem, Mohamed Mahmady, Meyloud Haida, Cheikh Ahmedou
Corresponding author: Ely Cheikh Kaem, Service d´Anesthésie et Réanimation, Hôpital Militaire de Nouakchott, Nouakchott, Mauritanie
Received: 02 Feb 2025 - Accepted: 21 Aug 2025 - Published: 11 Sep 2025
Domain: Intensive care medicine
Keywords: Méningo-encéphalite aseptique, bupivacaïne, Hôpital Militaire de Nouakchott
Funding: Ce travail n'a bénéficié d'aucune subvention spécifique de la part d'aucun organisme de financement des secteurs public, commercial ou à but non lucratif
©Ely Cheikh Kaem et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Ely Cheikh Kaem et al. Méningo-encéphalite aseptique suite à une rachianesthésie à la bupivacaïne à l´Hôpital Militaire de Nouakchott: à propos d'un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2025;19:6. [doi: 10.11604/pamj-cm.2025.19.6.46754]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/19/6/full
Case report 
Méningo-encéphalite aseptique suite à une rachianesthésie à la bupivacaïne à l´Hôpital Militaire de Nouakchott: à propos d'un cas
Méningo-encéphalite aseptique suite à une rachianesthésie à la bupivacaïne à l'Hôpital Militaire de Nouakchott: à propos d'un cas
Aseptic meningoencephalitis following spinal anaesthesia with bupivacaine at the Nouakchott Military Hospital: a case report
Ely Cheikh Kaem1,&, Mohamed Mahmady2, Meyloud Haida1, Cheikh Ahmedou3
&Auteur correspondant
L'anesthésie rachidienne compliquée par une méningo-encéphalite est rare. Le diagnostic est difficile et les signes cliniques sont peu spécifiques. Il existe un sous-groupe appelé méningo-encéphalite aseptique de mécanisme différent, qui doit être identifiée pour une prise en charge adaptée. Nous rapportons le cas d'une méningo-encéphalite aseptique consécutive à la prise de bupivacaïne compliquant une rachianesthésie. Un enfant de 14 ans a été admis au Service de Réanimation de l'Hôpital Militaire de Nouakchott pour un tableau clinico-biologique d'une méningo-encéphalite suite à une rachianesthésie pour embrochage fémoral indiqué devant un décollement épiphysaire du fémur droit. Le tableau clinique a été marqué à H3 par l'installation brutale de céphalées intenses rapidement suivies de trouble de la conscience, sans autres manifestations cliniques. A H7 de son hospitalisation, le patient a présenté un tableau clinico-biologique de méningo-encéphalite avec un examen bactériologique du liquide céphalo-rachidien (LCR) normal. Devant l'installation rapide d'une méningo-encéphalite post rachianesthésie avec la négativité de culture sur LCR, le diagnostic de méningo-encéphalite aseptique secondaire à l'injection intradurale de bupivacaïne a été suspecté. Les évaluations cliniques et biologiques étaient normales, permettant d'éliminer les autres causes de méningo-encéphalite en particulier bactériennes.
Spinal anaesthesia complicated by meningoencephalitis is rare. Diagnosis is difficult and clinical signs are nonspecific. There is a subgroup known as aseptic meningoencephalitis with a different mechanism which must be recognised for appropriate management. We here report a case of aseptic meningoencephalitis secondary to the use of bupivacaine complicating spinal anaesthesia. A 14-year-old boy was admitted to the intensive care unit of the Nouakchott Military Hospital with a clinico-biological signs consistent with meningoencephalitis, following spinal anaesthesia performed for femoral pinning indicated for an epiphyseal detachment of the right femur. At 3 hours post-procedure, the clinical course was marked by the sudden onset of severe headache, rapidly followed by impaired consciousness, without other clinical manifestations. At 7 hours after admission, the patient presented with a clinico-biological signs of meningoencephalitis, with normal bacteriological examination of the cerebrospinal fluid (CSF). Given the rapid onset of post-spinal anaesthesia meningoencephalitis and negative CSF culture, a diagnosis of aseptic meningoencephalitis secondary to intradural bupivacaine injection was suspected. Clinical and biological evaluations were otherwise normal, excluding other causes of meningoencephalitis, particularly bacterial causes.
Key words: Aseptic meningoencephalitis, bupivacaine, Nouakchott Military Hospital
La méningo-encéphalite compliquant une anesthésie péridurale ou une rachianesthésie sont le plus souvent d'origine bactériennes [1,2], mais des méningites chimiques aseptiques sont également rapportées, notamment suite à l'administration de bupivacaïne, un anesthésique local très largement utilisé [1,3]. Nous rapportons un cas de méningo-encéphalite aseptique à la bupivacaïne compliquant une rachianesthésie à l'hôpital militaire de Nouakchott.
Informations destinées au patient: patient de 16 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, admis pour un embrochage fémoral indiqué devant un décollement épiphysaire du fémur droit.
Résultats cliniques: en préopératoire le patient était apyrétique à 37°C, la conscience était claire avec un SG de 15/15, le reste de l'examen était sans particularité, le patient présentait une anémie biologique modérée avec un taux d'Hb à 9,7g/dl et la leucocytose était de 9760/mm³. L'intervention s'est déroulée sous rachianesthésie réalisée avec une aiguille de 25 G et de la bupivacaïne isobare à 0,5%, les règles d'asepsie ont été respectées. Le patient avait reçu une antibioprophylaxie à base de céphalosporines de 3e génération.
Évaluation diagnostique: le tableau clinique a été marqué H3 après la rachianesthésie par l'installation brutale de céphalées intenses rapidement suivies de trouble de la conscience, avec dégradation rapide de son état neurologique avec score de Glasgow à 11/15 (E3 V4 M4) sans autres manifestations cliniques. Le patient était stable sur le plan hémodynamique er respiratoire (PA 13/8, FC 95b/m et saturation à l'air ambiant à 99%). A H7 de son hospitalisation, le patient présentait un syndrome méningé franc caractérisé par une raideur de la nuque, la température était à 37,5°C. La numération sanguine retrouvait un taux d'hémoglobine à 10,8g/dl et une leucocytose à 36000/mm³. L'ionogramme sanguin ainsi que les fonctions rénale et hépatique étaient normaux. Le scanner cérébral était sans particularité (Figure 1). La ponction lombaire ramenait un liquide céphalorachidien clair avec une pléiocytose à 58 éléments à prédominance polynucléaire neutrophile, une protéinorachie à 2,8 g/l, une glycorachie à 0,5 g/l (glycémie capilaire concomitante à 0,99 g/l) et la culture cytobactériologique était sans particularité.
Diagnostic: devant l'installation rapide d'une méningo-encéphalite post rachianesthésie avec la négativité de la culture du liquide cérébro-rachidien (LCR), le diagnostic de méningo-encéphalite aseptique secondaire à une injection intradurale a été suspecté.
Interventions thérapeutiques: le patient a été mis sous céphalosporines de 3e génération à dose méningée pendant 48 heures. L'évolution était favorable au bout de 24h, marquée par la reprise de la conscience, sans séquelles neurologiques, avec sortie du service de réanimation 72h après son admission.
Point de vue du patient: le patient était satisfait de la qualité des soins et des résultats thérapeutiques.
Consentement éclairé: le patient a été informé de la procédure de publication d'un article de recherche anonyme concernant son cas et a donné son consentement.
La méningite après anesthésie régionale est rare, qu'elle soit septique ou aseptique. La différence entre les 2 types n'est pas toujours facile à réaliser, en raison des antibiotiques pris avant la procédure. Des cas de méningo-encéphalite aseptique ou chimique secondaire à l'utilisation de bupivacaïne ont été signalés depuis 1940 de façon sporadique [4]. Le tableau clinique de méningite à la bupivacaïne est celui d'une méningite avec syndrome méningé, associé à des signes d'encéphalopathie (syndrome confusionnel ou troubles de la vigilance) [1-3].
L'analyse du liquide du LCR objective une pléiocytose importante à prédominance de polynucléaires neutrophiles, une hyperprotéinorachie importante avec ou sans hypoglycorachie [5]. Dans notre cas, le patient avait une pléiocytose avec une protéinorachie importante et une glycorachie normale. L'imagerie cérébrale est en principe sans anomalie comme dans notre cas où le scanner cérébrale était normal fait avant la réalisation de la ponction lombaire [5].
Dans la méningo-encéphalite aseptique le délai séparant le geste de l'apparition des symptômes varie de 1h à 24h [6]. L'évolution est souvent spontanément favorable, sans séquelles, survenant dans un délai variant de 10h à 3 jours [3,6]. Lambotte et al. dans leur cas, attribuent la cause à une réaction d'hypersensibilité ou une irritation directe des méninges par un produit injecté à leur contact. Ils ont également signalé dans leur cas que le produit responsable est la bupivacaïne [2]. D'autres cas de méningites aseptiques post-anesthésie péridurale ou rachianesthésie réalisées avec des molécules proches de la bupivacaïne ont été rapportés [5-7].
Dans notre cas, nous avons également suspecté la bupivacaïne comme étant la cause responsable de la méningite aseptique devant les éléments suivants: installation rapide d'un tableau de méningo-encéphalite post-rachianesthésie; apyrexie; l'analyse du LCR simulant à une méningite bactérienne; absence de germe identifié dans la culture bactérienne et récupération complète et rapide en moins de 48 heures.
Devant un tableau de méningo-encéphalite post-rachianesthésie, le diagnostic de la méningo-encéphalite à la bupivacaïne reste un diagnostic d'élimination, et la prise en charge devra toujours comprendre une analyse du LCR et la mise en place d'une antibiothérapie probabiliste précoce. La connaissance de cette entité étiologique parait toutefois importante afin d'éviter une nouvelle exposition à la bupivacaïne et une antibiothérapie prolongée inutile.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Prise en charge des patients: Ely Cheikh Kaem et Mohamed Mahmady. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.
Nous remercions l'ensemble de l'équipe du service de réanimation pour sa contribution à la prise en charge de ce patient, ainsi qu'à la réalisation de ce travail.
Figure 1: tomodensitométrie cérébrale coupe axiale sans injection de produit de contraste était normale fait avant la réalisation de la ponction lombaire
- Tateno F, Sakakibara R, Kishi M, Ogawa E. Bupivacaine-induced chemical meningitis. J Neurol. 2010 Aug; 257(8):1327-9. PubMed | Google Scholar
- Lambotte O, Bafounta J, Bouvet E. Un cas de méningite aseptique à la bupivacaïne. Med Mal Infect. 1997 March; 27(3):314-6. Google Scholar
- Besocke AG, Santamarina R, Romano LM, Femminini RA. Bupivacaine induced aseptic meningitis. Neurologia. 2007 Oct;22(8):551-2. Spanish. Google Scholar
- Francois B, Duval X, Le Moing V, Bruneel F, Leport C, Vilde JL. Méningite à à la Bupivacaine. Rev Med Interne. 1999 Aug; 20 (20):719-20.
- Santos MC, de Albuquerque BC, Monte RL, Filho GG, Alecrim M. Outbreak of chemical meningitis following spinal anesthesia caused by chemically related Bupivacaine. Infect Control Hosp Epidemiol. 2009 Sep; 30(9):922-4. PubMed | Google Scholar
- Rosenberg PH, Renkonen OV. Antimicrobial activity of Bupivacaine and Morphine. Anesthesiology. 1985 Feb; 62(2):178-9. PubMed | Google Scholar
- Aydin ON, Eyigor M, Aydin N. Antimicrobial activity of ropivacaine and other local anaesthetics. Eur J Anaesthesiol. 2001 Oct;18(10):687-94. PubMed | Google Scholar