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Case report

Myélinolyse centropontine ou syndrome de démyélinisation osmotique après correction d´une hyponatrémie: à propos d´un cas et revue de la littérature

Myélinolyse centropontine ou syndrome de démyélinisation osmotique après correction d'une hyponatrémie: à propos d'un cas et revue de la littérature

Central pontine myelinolysis or osmotic demyelination syndrome after correction of hyponatremia: a case report and literature review

Astrid Jean Aka1,&, Serge Didier Konan1, Sery Patrick Diopoh1, Kolo Claude Ouattara1, Modjaha Marie-Dominique Kouadio1, Ophelia Gnamon1, Adelin Ouohi1, Kouame Hubert Yao1

 

1Service de Néphrologie, Centre Hospitalier Universitaire de Treichville, Abidjan, Côte d'Ivoire

 

 

&Auteur correspondant
Astrid Jean Aka, Service de Néphrologie, Centre Hospitalier Universitaire de Treichville, Abidjan, Côte d'Ivoire

 

 

Résumé

Le syndrome de démyélinisation osmotique correspondant à une démyélinisation du centre de la protubérance ou d'autres parties du cerveau. Nous rapportons un cas de démyélinisation osmotique chez une patiente de 77 ans connue hypertendue et suivie pour une cardiopathie d'allure ischémique, hospitalisée pour la prise en charge d'une insuffisance rénale aiguë survenue dans un contexte de choc septique. La biologie à l'admission objectivait une hyponatrémie sévère à 116 Meq/l. Après correction de l'hyponatrémie, la patiente a présenté dix jours plus tard une dégradation de l'état neurologique marquée par une aphasie, tétraparésie et aréflexie ostéotendineuse chez une patiente avec un état de conscience et d'éveil normale réalisant un locked-in syndrom. Le diagnostic de démyélinisation osmotique a été évoqué devant la correction rapide de l'hyponatrémie et confirmé par imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale. L'évolution a été marquée par le décès de la patiente. La myélinolyse centropontine est une affection grave, sa prévention passe par la correction progressive et raisonnée de toute hyponatrémie chronique.


Osmotic demyelination syndrome corresponds to demyelination of the central pons or other brain regions. We report a case of osmotic demyelination in a 77-year-old female patient with hypertension under follow-up for ischemic heart disease, who was admitted for acute renal failure in the context of septic shock. Laboratory tests on admission revealed severe hyponatremia at 116 mEq/L. Ten days after correction of the hyponatraemia, the patient developed neurological deterioration characterised by aphasia, tetraparesis, and osteotendinous areflexia, in the setting of preserved consciousness and alertness, consistent with locked-in syndrome. The diagnosis of osmotic demyelination was suspected in light of the rapid correction of hyponatremia and confirmed by brain Magnetic Resonance Imaging (MRI). The clinical course was unfavorable, with death of the patient. Central pontine myelinolysis is a severe condition, and its prevention relies on the careful and gradual correction of chronic hyponatremia.

Key words: Central pontine myelinolysis, hyponatremia, MRI, locked-in syndrome

 

 

Introduction    Down

Le syndrome de démyélinisation osmotique ou myélinolyse centro et extra pontine est une pathologie rare, caractérisée par la destruction des gaines de myélines pouvant s'étendre à d'autres structures du cerveau [1]. La physiopathologie de ce syndrome est encore mal connue. Elle a été décrite pour la première fois en 1959 par Adams et al. comme une pathologie affectant les patients alcooliques et dénutris [2]. Dans la littérature le développement du syndrome de démyélinisation osmotique peut être lié à de nombreux facteurs prédisposant comme le syndrome inapproprié de sécrétion de l'hormone antidiurétique (SIADH), l'alcoolisme chronique, la malnutrition, la polydipsie psychogène, la transplantation hépatique etc. [3]. Cependant, la correction rapide d'une hyponatrémie chronique demeure la principale cause [4]. Nous rapportons un cas de démyélinisation osmotique après correction rapide d'une hyponatrémie sévère.

 

 

Patient et observation Up    Down

Présentation de la patiente: nous rapportons le cas d'une patiente âgée de 77 ans, suivie pour une hypertension artérielle et une cardiopathie ischémique, avec un traitement de fond comportant furosémide, énalapril, Kardégic et atorvastatine. Elle présentait également des troubles neurocognitifs modérés.

Résultats cliniques: la patiente a été admise pour une insuffisance rénale aiguë survenue dans un contexte de diarrhée fébrile et vomissements incoercibles. À l'examen, elle présentait un état hémodynamique instable (TA 75/60 mmHg, fièvre à 38,5°C), des signes de déshydratation extracellulaire, un glasgow à 14/15, sans signe de focalisation neurologique.

Démarche diagnostique: le bilan biologique initial objectivait une hyponatrémie sévère à 116 mEq/L, hypo-osmolaire (osmolalité 238 mosm/kg), une hypokaliémie à 3,1 mEq/L, une créatininémie à 385 µmol/L, et une CRP à 134 mg/L. La tomodensitométrie (TDM) cérébrale initiale était normale (Figure 1). Le diagnostic initial était celui d'une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle dans un contexte de déshydratation sévère.

Chronologie: Jour 0 (J0): admission, choc septique, correction de l'hyponatrémie avec sérum salé isotonique (17 mEq/L en 24h). Jour 1 (J1): natrémie corrigée à 133 mEq/L, amélioration transitoire de la conscience. Jour 10 (J10): dégradation neurologique brutale: aphasie, tétraparésie, aréflexie ostéotendineuse, état de conscience conservé (locked-in syndrome).

Intervention thérapeutique: un traitement antibiotique probabiliste par ceftriaxone + amikacine a été instauré à l'admission, associé à une réhydratation par voie intraveineuse. À J10, un scanner cérébral révélait une hypodensité médio-protubérantielle (Figure 2). L'IRM cérébrale montrait un hyposignal T1 et un hypersignal en Fluid-Attenuated Inversion Recovery (FLAIR) et diffusion, en faveur d'une myélinolyse centropontine (Figure 3).

Suivi et résultats des interventions: la patiente a été transférée en unité de soins intensifs. Malgré les soins de support, l'évolution a été défavorable avec décès un mois plus tard. La chronologie de l'évolution clinique et biologique est résumée (Tableau 1).

Perspective de la patiente: du fait de l'altération brutale de l'état neurologique et de l'installation d'un syndrome d'enfermement, la communication avec la patiente a été impossible. Le pronostic neurologique était très sombre.

Consentement éclairé: le consentement éclairé de la famille de la patiente a été obtenu pour la publication de cette observation clinique et des examens d'imagerie, dans le respect des principes éthiques.

 

 

Discussion Up    Down

Bien qu'il soit considéré comme rare, l'incidence de la myélinolyse centropontine est probablement sous-estimée [5]. Certaines séries autopsiques rapportent une incidence porche de 0,5% [6], mais des études cliniques suggèrent des taux plus élevés chez les patients présentant une hyponatrémie sévère (< 120 mmol/l) [7].

Le syndrome de démyélinisation osmotique reste une complication redoutée de la correction de toute hyponatrémie chronique. La patiente décrite dans cette observation illustre parfaitement ce tableau avec une évolution dramatique malgré une prise en charge adéquate. Dans notre observation, plusieurs facteurs de risque ont été retrouvés: une hyponatrémie sévère (< 120 mmol/l), une hypokaliémie concomitante, un état de dénutrition relatif, un âge avancé et un état fragile marqué par une insuffisance rénale aiguë. Tous ces éléments son décrit dans littérature comme des facteurs prédisposant à la survenue de la myélinolyse centropontine, cependant la correction trop rapide d'une hyponatrémie chronique en demeure le principal facteur favorisant [3,4,6,7].

La présentation clinique de la myélinolyse dans notre cas était d'évolution biphasique. Une amélioration initiale de l'état de conscience après correction de la natrémie a été suivie, environ 10 jours plutard, d'une dégradation neurologique sévère avec un tableau de locked-in syndrome. Ce mode évolutif en deux temps est bien décrit dans la littérature [8] et devrait alerter tout clinicien devant une hyponatrémie récemment corrigée, même si l'état neurologique du patient semble transitoirement amélioré. Le diagnostic est confirmé par l'IRM cérébrale qui reste l'examen de référence, dont la sensibilité dépasse largement celle du scanner. Dans notre observation, l'IRM cérébrale a mis en évidence des anomalies typiques de myélinolyse: hypersignal sur les séquences pondérées T2 et FLAIR, hyposignal en pondération T1 [9] (Figure 3).

Sur le plan pronostique, l'évolution est le plus souvent péjoratif. Les taux de mortalité varient selon les études, allant jusqu'à 50% dans certaines séries autopsiques [6]. Il n'existe actuellement aucun traitement curatif validé pour inverser les lésions une fois constituées. Plusieurs traitements ont été proposés (myoinositol, plasmaphérèse, stéroïdes), mais sans preuve formelle de leur efficacité [8]. Ainsi, la prévention demeure l'unique stratégie efficace, à travers une correction raisonnée et progressive de toute hyponatrémie, sans dépasser une vitesse de correction de 8 mmol/L/24h en cas d'hyponatrémie chronique [10]. Notre cas souligne la nécessité d'une vigile accrue dans la gestion des troubles hydroélectrolytiques et en particulier de l'hyponatrémie dans nos différents services. Il souligne aussi l'intérêt de protocoles institutionnels clairs fondés sur les données actuelles afin de prévenir des complications évitables mais potentiellement mortelles.

 

 

Conclusion Up    Down

Le syndrome de démyélinisation osmotique est rare. Il est le plus souvent associé à des favorisants dont la correction trop rapide d'une hyponatrémie chronique qui demeure le principal facteur. Son pronostic est réservé, jusqu'à ce jour il n'existe aucun traitement codifié, celui-ci est avant tout préventif basé sur la correction progressive et raisonnée devant toute hyponatrémie.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé à la prise en charge de la patiente ainsi qu'à la rédaction du manuscrit. Ils ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableau et figures Up    Down

Tableau 1: chronologie des paramètres cliniques et biologiques

Figure 1: TDM cérébral en coupe axiale (initiale)

Figure 2: scanner cérébral montrant une hypodensité médio-protubérantielle en faveur d'une myélinolyse centropontine

Figure 3: IRM cérébrale montrant un hypersignal en séquence FLAIR et en séquence de diffusion ainsi qu'un hyposignal en séquence T1 en faveur d'une myélinolyse extrapontine

 

 

Références Up    Down

  1. Charra B, Hachimi A, Guedari H, Benslama A, Motaouakkil S. Myélinolyse extrapontine après correction d'une hyponatrémie. Ann Fr Anesth Reanim. 2006 Jan;25(1):76-7. PubMed

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