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Case report

Nécrose rétinienne aigue traitée par valaciclovir orale chez une patiente atteinte du Sida

Nécrose rétinienne aigue traitée par valaciclovir orale chez une patiente atteinte du Sida

Acute retinal necrosis syndrome managed with oral valaciclovir in a patient with AIDS

El Houssaine Ait Lhaj1,&, Salaheddine Bouabbadi1, Youssef Bennouk1, Mohammed Kriet1

 

1Service d´Ophtalmologie, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
El Houssaine Ait Lhaj, Service d´Ophtalmologie, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech, Maroc

 

 

Résumé

La nécrose rétinienne aigue (ARN) est une affection uvéitique rare, observée classiquement chez les sujets immunocompétents et plus rarement chez les immunodéprimés, notamment infectés par le VIH. Le traitement antiviral doit être instauré le plutôt possible du fait du pronostic visuel médiocre et du risque de bilatéralisation. Nous rapportons un cas d´ARN unilatéral survenu chez une patiente de 32 ans suivie pour syndrome d´immunodéficience acquise (SIDA) et recevant une trithérapie antirétrovirale jugée efficace. Elle fut traitée par forte dose orale de valaciclovir, sans traitement initial par acyclovir intraveineuse et l´évolution était favorable. Cette observation soutient les données de certaines études selon lesquelles l´utilisation de valaciclovir orale à forte dose comme traitement d´induction de l´ARN serait aussi efficace que le traitement standard par acyclovir IV même chez les patients infectés par le VIH, du moins non sévèrement immunodéprimés.


Acute retinal necrosis (ARN) is a rare uveitis affection, commonly observed in immunocompetent individuals and more rarely in immunocompromised patients, particularly HIV-infected. Antiviral therapy should be instituted as soon as possible due to poor visual prognosis and the risk of bilateralization. We report a case of unilateral ARN in a 32-year-old patient suffering from acquired immunodepression syndrome (AIDS) and receiving effective antiretroviral therapy. She was treated with high oral dose of valaciclovir, without initial intravenous acyclovir therapy, and the evolution was favourable. This observation supports data that the use of high-dose oral valaciclovir as ARN induction therapy is as effective as standard IV acyclovir treatment even in HIV-infected patients, at least not severely immunosuppressed.

Key words: Acute retinal necrosis, AIDS, valaciclovir

 

 

Introduction    Down

La nécrose rétinienne aiguë (Acute Retinal Necrosis, ARN) est une affection uvéitique rare, décrite pour la première fois en 1971 chez des patients immunocompétents puis, en 1985, chez des patients infectés par le virus de l´immunodéficience acquise (VIH). L´agent causal est un virus du groupe herpès ; le plus souvent le virus de la varicelle-zona (VZV), plus rarement le virus de l´herpès simplexe (HSV) et le cytomégalovirus (CMV). L´ARN survient généralement tard lors de l´infection au HIV. C´est une affection grave qui met en jeu le pronostic fonctionnel avec risque de bilatéralisation.

 

 

Patient et observation Up    Down

Nous rapportons le cas d´une femme de 32 ans, se présentant pour baisse d´acuité visuelle rapidement progressive en œil gauche. La patiente a été diagnostiquée au stade C de l´infection par le VIH 1 an auparavant et recevait depuis une trithérapie antirétrovirale évaluée efficace. L´examen ophtalmologique était normal en œil droit et montrait en œil gauche une acuité visuelle réduite à la perception des mouvements de la main, une réaction inflammatoire non spécifique et modérée en chambre antérieure, une hyalite importante et un haze vitréen 2+ rendant mal aisé l´examen de la rétine dont la moyenne périphérie supérieure était siège d´une large plage de nécrose à front de progression centripète bien démarqué avec au sein de la plage une vascularite occlusive (Figure 1). L´angiographie rétinienne à la fluorescéine a confirmé les données de l´examen clinique et mis en évidence un œdème papillaire (Figure 2). Le taux de lymphocytes T CD4+ était de 660/mm3 et la charge virale indétectable. Aucun prélèvement de liquide intraoculaire n´a été réalisé. Le tableau clinique était pathognomonique d´un syndrome de nécrose rétinienne aigue. En concertation avec les médecins infectiologues, la patiente a été mise d´emblée sous valaciclovir administrée par voie orale à la posologie de 2 g toutes les 6 heures pendant 14 jours sous surveillance étroite de la fonction rénale. La posologie a été, ensuite, réduite à 1000 mg toutes les 8 heures et maintenue pendant 6 mois. L´évolution s´était soldée par un arrêt de progression puis cicatrisation de la plage de nécrose rétinienne, une régression progressive de l´inflammation intraoculaire avec constitution de brides vitréennes et persistance d´un œdème maculaire chronique cystoïde avec acuité visuelle (AV) effondrée (Figure 3).

 

 

Discussion Up    Down

La nécrose rétinienne aigue est une affection uvéitique rare, rapidement progressive, observée le plus souvent chez l´individu immunocompétent, mais peut être retrouvée chez le sujet immunodéprimé, notamment infecté par le VIH [1]. Quatre virus du groupe des herpès-virus sont impliqués dans cette maladie : le virus de la varicelle-zona (VZV) est le plus fréquemment en cause, suivi par les virus de l´herpès de type 1 et 2 (HSV1 et HSV2), et enfin le cytomégalovirus (CMV) plus rarement [2]. L´affection résulterait de la réactivation secondaire d´une infection virale latente. Le diagnostic positif repose généralement sur des critères cliniques regroupant un ou plusieurs foyers de nécrose rétinienne le plus souvent périphériques, s´étendant de façon circonférentielle et rapidement, associés à une vasculopathie occlusive artériolaire et une réaction inflammatoire dans le vitré et en chambre antérieure [3]. La détermination de l´agent étiologique viral dans les liquides intraoculaires (humeur aqueuse, vitré) peut être indiquée dans certains cas atypiques et fait appel à la PCR et au rapport des charges immunitaires (coefficient de Golmann-Witmer) [4]. Au cours de l´infection VIH, la nécrose rétinienne aigue survient généralement à un stade ou l´immunité est assez conservée pour permettre le développement de réponse inflammatoire à l´infection herpétique [5]. Par ailleurs, le syndrome de nécrose rétinienne externe progressive (PORN), autre forme de rétinopathie herpétique nécrosante peu inflammatoire, se développe exclusivement chez les patients profondément immunodéprimés.

En effet, les rétinopathies herpétiques nécrosantes seraient un spectre continu de maladies dont l´expression clinique dépend de l´état immunitaire de l´hôte, allant de l´ARN classique chez les patients présentant un dysfonctionnement immunitaire non détectable ou léger au PORN chez les patients sévèrement immunodéprimés avec des formes intermédiaires entre ces extrêmes [6]. Le traitement doit être instauré sans délai et vise à accélérer la résolution de l´infection dans l´œil infecté et de prévenir l´atteinte de l´œil controlatéral. Il consiste en l´administration systémique d´un traitement antiviral généralement associé à un traitement anti-inflammatoire et anti-thrombotique. Le schéma standard du traitement antiviral comporte traditionnellement une phase d´induction sous forme d´acyclovir par voie intraveineuse à la posologie de 10 mg/kg toutes les 8 heures pendant 7 à 14 jours, suivi d´une phase d´entretien à base d´acyclovir, de valaciclovir ou de famciclovir per os. La durée du traitement d´entretien est habituellement de 3 mois, mais peut être plus longue dans un contexte d´immunodépression ou de récidives multiples. Des données plus récentes suggèrent une thérapeutique antivirale orale dès la phase d´induction en alternative au traitement intraveineux initial par acyclovir [7-9]. Chez l´homme, le valaciclovir est rapidement et presque entièrement métabolisé en aciclovir et sa biodisponibilité est d´environ 54 à 60%. Une posologie orale journalière de 6000 mg de valaciclovir (2000 mg toutes les 8 heures) permet d´atteindre des concentrations plasmatiques en aciclovir équivalentes à celles délivrées par l´administration intraveineuse d´aciclovir à la dose de 10 mg/kg toutes les 8 heures [10]. Le pronostic fonctionnel demeure réservé malgré le traitement. Le décollement de rétine reste la complication redoutable de l´affection.

 

 

Conclusion Up    Down

La nécrose rétinienne aigue est une forme de rétinopathie herpétique nécrosante peu commune lors du SIDA. Elle doit être diagnostiquée et traitée sans délai vu sa gravité. Le traitement antiviral classique fait appel à l´acyclovir intraveineuse en phase d´induction. Toutefois, le traitement oral initial par valaciclovir à forte parait aussi efficace et offre une alternative au traitement intraveineux.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs déclarent n´avoir aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la rédaction de cet article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: rétinographie couleur et anérythre du fond d´œil montrant une plage de rétinite nécrosante en moyenne périphérie de la rétine supérieure de l´œil gauche avec haze vitréen important

Figure 2: angiographie rétinienne à la fluorescéine attestant de la vascularite occlusive au sein de la plage de nécrose rétinienne

Figure 3: rétinographie couleur mettant en évidence la cicatrisation de la plage de nécrose rétinienne, la régression du haze vitréenne et la constitution de bride vitréorétiniennes

 

 

Références Up    Down

  1. Morel C, Metge F, Roman S, Scheer S, Larricart P, Monin C et al. Acute retinal necrosis: clinical presentation, treatment, and prognosis in a series of 22 patients. J Fr Ophtalmol. 2004;27(1):7-13. PubMed | Google Scholar

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