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Case series

Faut-il bannir l’embrochage de Hackethal de la prise en charge chirurgicale des fractures diaphysaires de l’humérus?

Faut-il bannir l´embrochage de Hackethal de la prise en charge chirurgicale des fractures diaphysaires de l´humérus?

Should Hackethal's bundle nailing as surgical management for humeral shaft fracture be banned?

Adnane Lachkar1,&, Abdeljaouad Najib1, Hicham Yacoubi1

 

1Service de Chirurgie Orthopédique Et Traumatologie B, CHU Mohamed VI Oujda, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Adnane Lachkar, Service de Chirurgie Orthopédique Et Traumatologie B, CHU Mohamed VI Oujda, Maroc

 

 

Résumé

Les fractures de l´humérus sont classées au troisième rang des lésions traumatiques du membre supérieur. En 1961, le docteur H.K Hackethal a décrit sa technique originale d´embrochage centromédullaire élastique pour la prise en charge de ces traumatismes. Cette méthode a suscité de nombreuses discussions et débats quant à son utilité, ses indications, ses limites, ses aspects techniques et surtout ses résultats fonctionnels. Nous rapportons trois observations de pseudarthroses aseptiques de l´humérus faisant suite à des embrochages de type Hackethal. Nous étudions à travers ces cas les complications de cette ostéosynthèse, pour conclure finalement par des recommandations pratiques répondant à la question suivante : Faut-il bannir l´embrochage de Hackethal de la prise en charge chirurgicale des fractures diaphysaires de l´humérus?


Humeral fractures are ranked third among traumatic injuries to the upper limb. In 1961, Doctor H.K Hackethal described his original technique of elastic bundle nailing as surgical management for humeral shaft fracture. This method has led to many debates and controversial discussions about its usefulness, its indications, its limits, its technical aspects and especially its functional results. We report three observations of aseptic non-union of the humerus following Hackethal,s bundle nailing. We will study the complications and difficulties of this osteosynthesis to conclude finally by answering to the question: should Hackethal's bundle nailing as surgical management for humeral shaft fracture be banned?

Key words: Hackethal's bundle nailing, humeral fractures, humeral pseudarthrosis, complications

 

 

Introduction    Down

Les fractures de l´humérus sont classées au troisième rang des lésions traumatiques du membre supérieur [1]. En 1961, le docteur H.K Hackethal [2] a décrit sa technique originale d´embrochage centromédullaire élastique pour la prise en charge de ces traumatismes. Depuis, cette méthode a suscité de nombreux débats et discussions controversées quant à son utilité, ses indications, ses limites, ses aspects techniques et surtout ses résultats fonctionnels. Nous rapportons trois observations de pseudarthroses aseptiques de l´humérus faisant suite à des embrochages de type Hackethal, à travers lesquels nous faisons le point sur les complications de cette ostéosynthèse, pour conclure finalement par des recommandations pratiques répondant à la question suivante: Faut-il bannir l´embrochage de Hackethal de la prise en charge chirurgicale des fractures diaphysaires de l´humérus?

 

 

Méthodes Up    Down

Il s´agit d´une étude de cas concernant trois patients repris pour des pseudarthroses aseptiques de l´humérus faisant suite à des embrochages de type Hackethal. L´exploitation des données et des résultats fonctionnels a été effectuée en consultants les dossiers informatisés des patients, tirés de l´application d´archivage développée au service chirurgie orthopédique B du CHU de Oujda (Maroc) (Patients 1.0).

 

 

Résultats Up    Down

Le premier patient était âgé de 35 ans. Il était victime d´une fracture ouverte (Stade III-C de Gustilo) de l´humérus droit et de la jambe gauche suite à un accident de moto. Il avait bénéficié initialement d´une ostéosynthèse à minima par embrochage de type Hackethal pour son humérus et d´un clou de jambe pour sa fracture de tibia. L´évolution était marquée par la pseudarthrose aseptique du foyer de fracture huméral avec bris du matériel (Figure 1). Le patient a été repris par la mise en place d´une plaque vissée de type DCP avec une greffe cortico-spongieuse du foyer de pseudarthrose (Figure 2). L´évolution a été favorable avec un excellent résultat fonctionnel (Figure 3). Le deuxième patient était âgé de 34 ans, victime d´une fracture ouverte du bras droit, avec fracture des deux os de l´avant-bras (coude flottant). La facture de l´humerus a été prise en charge initialement par un fixateur externe, puis par un embrochage de type Hackethal. Les fractures de l´avant-bras ont été fixées par deux plaques DCP. Le patient a été repris par la suite pour une pseudarthrose de l´humerus (Figure 4) avec mise en place d´une plaque DCP associée à une greffe à partir de la crête iliaque. L´évolution était favorable avec une bonne consolidation du foyer de fracture à 8 semaines (Figure 5). Le troisième patient était âgé de 44 ans, tabagique, opéré depuis 10 ans par embrochage de Hackethal pour une fracture fermée de la diaphyse humérale (Figure 6). Il a été repris par une plaque DCP avec greffe cortico-spongieuse pour sa pseudarthrose humérale aseptique. L´évolution a été marquée par une bonne consolidation avec récupération fonctionnelle (Figure 7).

 

 

Discussion Up    Down

La technique d´embrochage centromédullaire de l´humérus selon Hackethal [2] a suscitée de nombreuses controverses quant à son utilité et ses résultats fonctionnels dans la prise en charge des fractures diaphysaires de l´humérus. Cette méthode a été amplement remplacée par l´enclouage centromédullaire solide et l´ostéosynthèse par plaques [3-5]. En effet, le taux de pseudarthroses secondaires à cet embrochage varie entre 1% [6] et 9% [7] selon les séries. Ce grand écart des résultats pourrait être dû essentiellement au non-respect des indications et de la technique chirurgicale telle qu´elles ont été décrites initialement [2]. L´embrochage de Hackethal est basé sur le remplissage entier de la cavité médullaire par des broches ascendantes. Les études qui rapportent un taux évolué de pseudarthroses diaphysaires justifient ce phénomène par des erreurs techniques liées au montage [6]. En effet, Peter et ses collaborateurs [7] avaient rempli la cavité médullaire par quatre broches de Kirschner de 2 mm de diamètre. Hackethal [2] considère que cette quantité est insuffisante pour la majorité des humérus. De même pour Obruba [8], lors de l´analyse des six cas de pseudarthroses auprès de 156 patients, il a pu confirmer la corrélation significative entre le développement d'une pseudarthrose et la technique chirurgicale inadéquate. Nous avons confirmé ce constat chez les deux premiers patients puisque le montage était initialement insatisfaisant avec un diastasis persistant après la chirurgie initiale. Ces erreurs techniques ont été paradoxalement visibles, malgré la relative simplicité technique de cette méthode. Comme pour plusieurs études, ces erreurs ont été probablement dues à la sous-estimation de la technique chirurgicale [7,9]. Il est à noter que chez nos deux premiers patients, le traumatisme initial était ouvert (stade III-C de Gustilo) et le souci de minimiser au maximum l´existence du matériel pour réduire le risque infectieux expliquerait la mise en place de trois broches seulement.

Plusieurs études ont identifié le diabète et le tabagisme comme des facteurs de risque au développement des pseudarthroses [10, 11]. Ceci pourrait renseigner la pseudarthrose encouru chez le troisième patient, qui était tabagique chronique malgré son montage initial satisfaisant. Il faut garder à l´esprit que le choix d´une méthode de fixation doit être guidé individuellement par l'estimation du chirurgien et l'observance du patient pour éviter les complications. Dans certains écrits, la pseudarthrose peut être développée de manière significative chez les femmes et les sujets âgés (entre 60 et 70 ans). Les patients de cette tranche d'âge, en particulier les femmes, sont plus susceptibles de souffrir d'ostéoporose et d'autres comorbidités, ce qui entraînerait une diminution du capital osseux exposant ainsi aux complications. Le traitement doit être personnalisé individuellement chez les personnes âgées et la stabilité de l´ostéosynthèse doit être mise en balance avec la morbidité de l'abord chirurgical. Des méthodes de fixation osseuse plus stables doivent être alors envisagées [8]. L´incidence élevée de pseudarthroses est généralement observée chez les patients souffrant de traumatismes à haute énergie, comme pour nos deux premiers patients. Cela se traduit par une proportion plus importante de fractures complexes (types B et C de l´AO). L´étude d´Obruba [8] avait trouvé un seul cas de pseudarthrose (1,1%) dans les fractures de type A (1,1%), contre 5,3% pour le type B et 40% pour le type C. Conformément aux principes originaux de Hackethal [2], les fractures complexes à comminution étendue (type C) ne doivent pas être traitées en utilisant cette technique [12]. Lors des interventions de reprise, la difficulté peropératoire principale rencontrée était en rapport avec l´ablation des broches cassées dans le canal médullaires. Nous avons procédé à l´extraction du bout distal le plus souvent par son point d´introduction. Quant au fragment proximal, son extraction a été délicatement effectuée par le foyer de pseudarthrose. Les plaques DCP avaient permis l´obtention d´une bonne compression du foyer de la fracture. La greffe cortico-spongieuse, prélevée de la crête iliaque, avait été impactée dans le foyer et fixée par un vissage directe (vis corticales 4,5) ce qui nous a assuré une meilleure ostéo-intégration pour obtenir la consolidation osseuse.

 

 

Conclusion Up    Down

La technique d´embrochage centromédullaire de Hackethal est une méthode relativement simple pour le traitement des fractures de la diaphyse humérale. La consolidation osseuse pourrait être obtenue en respectant les principes de base pour des fractures simples (type A de l´AO). Toutefois, les études biomécaniques ont démontré la relative instabilité d'un embrochage huméral qui ne contrôle pas les contraintes rotatoires. De plus, et avec la multitude de techniques opératoires actuelles (ostéosynthèse par plaques, différents types d´enclouage centromédullaire) offrant des résultats fonctionnels satisfaisants, nous pensons qu´il faut éviter au maximum cette technique pourvoyeuse d´échec et qui pose beaucoup de problèmes lors des interventions de reprise.

Etat des connaissances actuelle sur le sujet

  • L'embrochage de type Hackethal est techniquement facile à réaliser;
  • C'est une technique qui permet d'obtenir des résultats corrects pour l'ostéosynthèse des fractures simples.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • La chirurgie de reprise est délicate;
  • L'ablation des broches cassées en centromédullaire pose assez souvent des problèmes lors des reprises;
  • Il faut bannir cette technique de l'arsenal thérapeutique des fractures complexes.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Adnane Lachkar: auteur principal ; Hicham Yacoubi: co-auteur principal. Professeur ayant encadré l´étude ; Abdeljaouad Najib: professeur ayant opéré les patients, encadrant principal de l´étude. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: aspect radiographique de la pseudarthrose de l´humérus avec bris du matériel

Figure 2: image peropératoire de la reprise par plaque associée à la greffe osseuse

Figure 3: résultats radiographique de la reprise (à 3 mois)

Figure 4: aspect radiographique de l´échec de l´ostéosynthèse par embrochage de Hackethal

Figure 5 résultats de la reprise (à 3 mois)

Figure 6: bris de broches intra-médullaires

Figure 7: radiographie de contrôle postopératoire (à 3 mois)

 

 

Références Up    Down

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  12. Obruba P, Kopp L, Edelmann K. Lécba zlomenin diafýzy humeru nitrodrenovou fixací svazkem hrebu podle Hackethala. Acta Chir Orthop Traum cech. 2012;79(4):341-6. Google Scholar