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Case report

Occlusion intestinale révélant le primitif d´une tumeur carcinoïde métastatique

Occlusion intestinale révélant le primitif d´une tumeur carcinoïde métastatique

Intestinal occlusion revealing primitive metastatic carcinoid tumor

Anajjar Mohamed1,&, Faisal El Mouhafid1, Yasser El Brahmi1, Mohammed Elfahssi1, Mbarek Yakka1, Abderrahman Elhjouji1, Abdelkader Ehirchiou1, Aziz Zentar2, Abdelmounaim Ait Ali1

 

1Service de Chirurgie Viscérale II, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat, Maroc, 2Pôle de Chirurgie Viscérale, Proctologie, Gynécologie-Obstétrique et Stérilisation, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat, Morocco

 

 

&Auteur correspondant
Anajjar Mohamed, Service de Chirurgie Viscérale II, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat, Morocco

 

 

Résumé

Les tumeurs carcinoïdes sont des néoplasmes endocriniens bien différenciés et ne représentent qu´une faible proportion des tumeurs du tube digestif. Le plus souvent asymptomatique, ces tumeurs sont parfois de découverte fortuite en peropératoire, ou plus rarement révélées par un syndrome carcinoïde clinique. La localisation grêlique est de diagnostic difficile et peut passer inaperçue aux explorations habituelles. La chirurgie curative reste le « gold standard » de la prise en charge des tumeurs neuroendocrine de l'intestin grêle et tout doit être mis en œuvre pour diagnostiquer précocement cette localisation. À partir d'une observation récente et d'une revue de la littérature on illustre la difficulté diagnostique du primitif du carcinoïde du grêle. Nous rapportons le cas d´un patient âgé de 79 ans, qui est suivi pour un syndrome carcinoïde (diarrhée chronique, flush syndrome, cardiopathie droite) et dont l´exploration endoscopique et scanographique n´a pas réussi a isolé le primitif, et ce n´est que grâce à l´exploration chirurgicale que le diagnostic du primitif grêlique est posé lors d´une laparotomie urgente pour prise en charge d´une occlusion intestinale.


Carcinoid tumors are well-differentiated endocrine tumors, accounting for only a small proportion of mostly asymptomatic gastrointestinal tumors. These tumors are sometimes unexpectedly detected during surgery or, more rarely, revealed by clinical carcinoid syndrome. Small bowel carcinoid tumor is difficult to diagnose and may pass unnoticed during common explorations. Curative surgery is the "gold standard" for the management of small bowel neuroendocrine tumors and everything must be done to diagnose them early. Based on a recent case and literature review this study highlights the diagnostic difficulties in primitive small bowel neuroendocrine tumors. This study involved a 79-year old patient on follow up for carcinoid syndrome (chronic diarrhea, flushing syndrome, heart disease involving the right-sided heart valves). Endoscopy and CT scan didn´t isolate primitive tumor. Only emergency laparotomy performed to manage intestinal occlusion allowed to establish the diagnosis of primitive small bowel tumor.

Key words: Carcinoid, tumor, small bowel, neuroendocrine

 

 

Introduction    Down

Les tumeurs carcinoïdes sont des néoplasmes endocriniens bien différenciés et ne représentent qu´une faible proportion des tumeurs du tube digestif (2%). Le plus souvent asymptomatique, ces tumeurs sont parfois de découverte fortuite en peropératoire, ou plus rarement révélées par un syndrome carcinoïde clinique. À partir d'une observation récente et d'une revue de la littérature, on illustre la difficulté diagnostique du primitif du carcinoïde du grêle.

 

 

Patient et observation Up    Down

Nous rapportons le cas d´un patient âgé de 79 ans, admis aux urgences pour vomissement fécaloïde et arrêt des matières et gaz remontant à 3 jours. Notre patient est suivi pour : syndrome carcinoïde mal tolérée (diarrhée chronique, flush syndrome, cardiopathie droite) en cours d´exploration depuis 6 mois, et dont l´étude endoscopique par fibroscopie œsogastroduodénale puis par coloscopie n´a pas objectivé de processus tumoral, le scanner thoraco-abdomino pelvien a montré des images de métastases hépatiques (Figure 1) sans individualisation de primitif et la biopsie de ces lésions est revenue en faveur d´une tumeur carcinoïde de primitif inconnu. L´examen à l´admission aux urgences retrouve un patient apyrétique, tachycarde, normo-tendue eupnéique avec des plis de déshydratation. L´abdomen est distendu mais sans défense, les orifices herniaires sont libres, et le toucher rectal trouve une ampoule vide sans tumeur ni saignement. Un scanner abdominal injecté (Figure 2) est réalisé, montrant des anses grêliques distendues pleines de liquide, avec individualisation d´une zone de disparité de calibre en amont et épaississement pariétal jéjunal. Après mise en condition, le malade est fut admis au bloc opératoire. L´exploration à travers une incision de laparotomie médiane trouve une importante distension grêlique en amont d´une tumeur blanchâtre sténosante circonférentielle dure de 1 cm située à 80 cm de l´angle iléocolique (Figure 3). Par ailleurs on ne trouve pas d´autre localisation sur le reste du grêle ni du colon, et il n´y a pas de carcinose péritonéale. On note la présence de métastases hépatique multiples et diffuses. On a décidé de faire une résection grêlique segmentaire emportant la tumeur avec des marges de sécurité de 5 cm, avec confection de double stomie en canon de fusil. L´étude histologique retrouve une tumeur neuroendocrine bien différenciée du grêle de grade 2 de l´OMS, KI67 à 10% et index mitotique à 4 infiltrant la paroi intestinale jusqu´à la sous-séreuse, stade pT3N0M1R0. Les suites opératoires ont été simples, et le patient a pu quitter l'hôpital au 5e jour post-opératoire. Avec prévision du rétablissement de la continuité à 3 mois. Malheureusement le patient est décédé à j29 dans un tableau d´état de choc cardiogénique.

 

 

Discussion Up    Down

Les tumeurs neuroendocrines (TNE) sont des tumeurs rares. Leur incidence est de à 2 à 5 nouveaux cas pour 100000 habitants par an [1]. L'incidence des TNE de l'intestin grêle (iléales et jéjunales) est de 0,29/100000 habitants et se situe au 3e rang des TNE gastropancréatiques [2]. Elles dérivent des cellules entérochromaffines qui sont productrices de sérotonine. La biologie de ces tumeurs est différente des autres tumeurs neuroendocrines digestives. Elles se caractérisent par une prolifération lente (la majorité des tumeurs sont de grade 1 et 2), les grades 3 sont exceptionnels. Compte tenu de ce caractère peu agressif, les TNE de l'intestin grêle sont découvertes le plus souvent à un stade avancé, soit localement (36% des cas), soit métastatique (48% des cas) [3, 4].

 

Diagnostic

Ces tumeurs peuvent toucher tous les organes mais atteignent préférentiellement les organes digestifs (intestin grêle, pancréas, appendice, rectum, côlon), les poumons et le thymus. Elles sont dites fonctionnelles quand elles produisent des sécrétions hormonales : somatostatine, insuline, sérotonine, glucagon, gastrine, VIP (vaso-intestinal peptid) ou cortisol. Ainsi la symptomatologie est différente en fonction de l'hormone sécrétée. Le syndrome carcinoïde associe un rash cutané, une diarrhée sécrétoire aqueuse, un bronchospasme et parfois une dysfonction valvulaire cardiaque (principalement de la valve tricuspide). Il existe également des tumeurs non fonctionnelles (80% des TNE) [4], sans symptôme clinique lié à une sécrétion hormonale. Dans de rares cas (< 5% des cas), ces tumeurs s'intègrent dans des syndromes de prédisposition génétique [4] : néoplasie endocrine multiple de type 1 (NEM1), maladie de Von Hippel-Lindau, neurofibromatose de Recklinghausen et sclérose tubéreuse de Bourneville.

 

Bilan

La chromogranine A sérique est le meilleur marqueur biologique dans les TNE [5]. Cependant, la sensibilité de son dosage pour le diagnostic de TNE n´est bonne que pour les tumeurs déjà évoluées. Pour les TNE de l´intestin grêle et du côlon droit, le dosage des 5HIAA (l'acide 5-hydroxyindolacétique) urinaires de 24h sur 1 à 2 jours avec régime approprié peut être utile pour affirmer la présence d´un syndrome carcinoïde devant un patient avec diarrhée motrice. En cas de suspicion de TNE du grêle la détection des petites tumeurs iléales est le mérite de l´iléoscopie ou de l´entéro-scanner voire entéro-IRM (imagerie par résonnance magnétique) et de la vidéo-capsule après exclusion d´une sténose (risque d´incarcération de la capsule).

 

Pour le bilan d´extension, un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec un temps artériel puis portal sera réalisé car, les tumeurs bien différenciées étant très vascularisées, elles sont bien visibles au temps artériel tardif et risquent de ne plus l´être aux temps ultérieurs. L´IRM (imagerie par résonnance magnétique) est plus sensible que la tomodensitométrie [6] pour la détection des métastases hépatiques et doit être réalisée en cas de lésions hépatiques paraissant résécables. Elle doit comporter des séquences de diffusion.

 

L´imagerie fonctionnelle fondée sur l´expression membranaire de récepteurs spécifiques de ces tumeurs telle la somatostatine parait plus sensible et plus spécifique, quoique leur utilisation et limitée par la disponibilité de ces traceurs. La scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (Octreoscan ®) ou préférentiellement une tomographie par émission de positons marquée au gallium-68 (TEP) au (Ga-DOTA) si elle est disponible, est recommandée chez tous les patients ayant une TNE métastatique, ou un risque de métastases régionales ou à distance [7].

 

Traitement

Pour les tumeurs neuroendocrines de l'intestin grêle non métastatiques, le traitement de référence est la résection chirurgicale de la tumeur primitive et des ganglions lymphatiques mésentériques associés, avec l´objectif d'épargner le plus possible de longueur d'intestin grêle. Cette chirurgie diminue le risque de complications locales ultérieures (principalement l'occlusion, qui peut survenir dans 20 à 30% des cas) [7]. La chirurgie doit être réalisée par laparotomie, éventuellement assistée par laparoscopie avec extériorisation de l'intestin grêle pour une palpation manuelle entière. A la recherche de localisation multiples qui survient dans 30 à 50%. Une cholécystectomie doit être systématiquement discutée chez les patients atteints de TNE de l´intestin grêle à haut risque de récidive, en raison des risques ultérieurs de lithiase vésiculaire associée aux ASST et de cholécystite ischémique [7]. Même en présence de métastases à distance. L´exérèse de la tumeur primitive est le seul traitement curatif des formes localisées et doit être discutée [6]. Afin de traiter ou d´éviter une complication locale aiguë.

 

Dans un second temps, seront évoquées, dans le cadre d´une concertation pluridisciplinaire, les différentes possibilités thérapeutiques antitumorales des formes métastatiques. La résection chirurgicale complète des lésions intrahépatiques peut être proposée après une phase initiale d´observation d´autant plus longue que le geste chirurgical implique une résection hépatique majeure. En cas de métastases non chirurgicales, l´embolisation des lésions hépatiques reste l´option thérapeutique de choix [6]. En présence de lésions diffuses non évolutives, la simple surveillance ou un analogue de la somatostatine sont proposés en première intention. Un traitement par interféron, chimiothérapie, ou radiothérapie métabolique ne sera proposé que devant des lésions documentées progressives ou devant un syndrome sécrétoire non contrôlé [6].

 

 

Conclusion Up    Down

Les carcinoïdes du grêle sont des tumeurs rares diagnostiqués souvent tardivement dont la chirurgie est le seul traitement curatif même en cas de métastases. Pour les formes fonctionnelles on propose d´introduire la cœlioscopie exploratrice dans l´arsenal diagnostic et thérapeutique puisqu´elle permet un double avantage, un diagnostic précoce de ces tumeurs qui passent inaperçues aux investigations habituelles et une chirurgie moins invasive avec meilleures suites post-opératoires, permettant ainsi d´améliorer le pronostic des malades.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé à ce travail et ils ont lu et approuvé la version finale.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1 : coupe scanographique abdominale en incidence axiale montrant des lésions hypodenses dans le segment 2 et 8 du foie en rapport avec des métastases hépatique

Figure 2: coupe scanographique abdominale axiale montrant des anses grêliques distendues pleines de liquide avec individualisation d´une zone de disparité de calibre en amont d´épaississement pariétal jéjunal

Figure 3: image opératoire de la tumeur

 

 

Références Up    Down

  1. Yao JC, Hassan M, Phan A, Dagohoy C, Leary C, Mares EJ et al. One hundred years after “carcinoid”: epidemiology of and prognostic factors for neuroendocrine tumors in 35,825 cases in the United States. Journal of Clinical Oncology. 2008;26(18):3063-3072. PubMed | Google Scholar

  2. Niederle MB, Hackl M, Kaserer K, Niederle B. Gastroenteropancreatic neuroendocrine tumours: the current incidence and staging based on the WHO and European Neuroendocrine Tumour Society classification: an analysis based on prospectively collected parameters. Endocrine-related Cancer. 2010;17(4):909-918. PubMed | Google Scholar

  3. Niederle MB, Niederle B. Diagnosis and treatment of gastroenteropancreatic neuroendocrine tumors: current data on a prospectively collected, retrospectively analyzed clinical multicenter investigation. Oncologist. 2011;16(5):602-13. PubMed | Google Scholar

  4. Dior M, Dreanic J, Prieux-Klotz C, Brieau B, Brezault C, Coriat R. Tumeurs neuroendocrines de l´intestin grêle : actualités sur le traitement médical. La Presse Médicale. 2017;46(1):4-10. Google Scholar

  5. Vezzosi D, Walter T, Laplanche A, Raoul JL, Dromain C, Ruszniewski P et al. Chromogranin A measurement in metastatic well-differentiated gastroenteropancreatic neuroendocrine carcinoma: screening for false positives and a prospective follow-up study. The International Journal of Biological Markers. 2011;26(2):94-101. Google Scholar

  6. Walter T, Forestier J, Lombard-Bohas C. Prise en charge des tumeurs neuroendocrines de l´intestin grêle. Côlon & Rectum. 2014;8(1):10-18. Google Scholar

  7. Louis de Mestier, Come Lepage, Eric Baudin, Romain Coriat, Frédéric Courbon, Anne Couvelard et al. Digestive Neuroendocrine Neoplasms (NEN): French Intergroup clinical practice guidelines for diagnosis, treatment and follow-up (SNFGE, GTE, RENATEN, TENPATH, FFCD, GERCOR, UNICANCER, SFCD, SFED, SFRO, SFR). Digestive and Liver Disease. 2020;52(5):473-492. PubMed | Google Scholar