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L´intérêt de l´ostéosynthèse de la fibula dans le traitement des fractures du quart distal de la jambe (à propos de 46 cas)

L´intérêt de l´ostéosynthèse de la fibula dans le traitement des fractures du quart distal de la jambe : à propos de 46 cas

The interest of fibula osteosynthesis in the treatment of fractures from the quarter distal of the jambe: about 46 cases

Benchekroun Seddik1,&, Lahsika Mohammed1, Abid Hatim1, El Idrissi Mohammed1, El Ibrahimi Abdelhalim1, El Mrini Abdelmajid1

 

1Département de Chirurgie Traumatologique et Orthopédique, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Benchekroun Seddik, Département de Chirurgie Traumatologique et Orthopédique, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

Résumé

Les fractures combinées du quart distal du tibia et de la fibula sont des lésions très fréquentes en traumatologie. Le débat est en cours sur la nécessité de la fixation fibulaire en cas de fracture de la fibula associée. Cette étude vise à évaluer le rôle de la fixation fibulaire dans le traitement des fractures du quart distal du tibia. Nous présentons l´expérience du Service de Chirurgie Traumato-Orthopédie 2 du CHU Hassan II de Fès, concernant 46 fractures du quart inférieur du tibia associées à une fracture de la fibula, traitées chirurgicalement durant une période étendue du janvier 2013 au juin 2016. Les AVP représentent 60,8% des étiologies. L´ouverture cutanée a été notée dans 14 cas (30,43%). Le type A spiroïde selon la classification AO est le plus prédominant. Le niveau de la fracture de la fibula est fréquemment situé au même niveau que le foyer du tibia, retrouvé dans 69,56% des cas. Dans notre série 36 cas ont été traité par enclouage centromédullaire, 4 cas par plaque vissée et 5 cas par fixateur externe. Vingt cinq (25) cas ont bénéficiés de la fixation de la fibula. Dans le groupe des cas ayant bénéficié de fixation de la fibula nous avons trouvé 4% de défaut d´angulation, alors on note 14% dans le groupe des cas sans fixation de la fibula. En cas de fixation de la fibula, la surinfection a été relevée dans 3 cas, on note également 2 cas de nécrose cutanée. Sans fixation de la fibula nous avons trouvé 2 cas d´infection sur matériel et 1 cas de nécrose cutanée.


Combined fractures of the distal quarter of the tibia and fibula are very common injuries in trauma. The debate is ongoing on the need for fibular fixation in the event of a fracture of the associated fibula. This study aims to assess the role of fibular fixation in the treatment of fractures of the distal quarter of the tibia. We present the experience of the Trauma-Orthopedic Surgery Department 2 of the Fes CHU Hassan II, concerning 46 fractures of the lower quarter of the tibia associated with a fibula fracture, treated surgically for an extended period from January 2013 to June 2016. AVP represent 60.8% of the etiologies. The cutaneous opening was noted in 14 cases (30.43%). Type A spiroid according to classification AO is the most predominant. The level of the fracture of the fibula is frequently located at the same level as the focus of the tibia, found in 69.56% of cases. In our series 36 cases were treated by centromedullary nailing, 4 cases by screwed plate and 5 cases by external fixator. 25 cases were benefited from fibula fixation. In the group of cases having benefited from fibula fixation we found 4% of angulation defect, so we note 14% in the group of cases without fibula fixation. In case of fibula fixation, superinfection was noted in 3 cases, there are also 2 cases of skin necrosis. Without fibula fixation, we found 2 cases of infection on equipment and 1 case of skin necrosis.

Key words: Leg, fractures of the distal quarter, fibular fixation

 

 

Introduction    Down

Les fractures extra-articulaires de l´extrémité distale du tibia dites supra-malléolaires ont été individualisées par Gérard et Evrard, Zeman et Roux et Utheza et al. Elles comportent un trait tibial situé en partie ou totalement dans le massif spongieux métaphysaire et s´associent inconstamment à une fracture fibulaire de niveau variable. Ces lésions ont récemment fait objet d´études descriptives mais dans lesquelles la fracture fibulaire est peu ou pas intégrée. Pourtant, plusieurs travaux biomécaniques ont souligné son importance dans la stabilité globale lorsque le foyer tibial était fixé chirurgicalement [1,2]. Ainsi, le geste thérapeutique sur la fibula n´est pas consensuel oscillant entre l´abstention thérapeutique [3,4], une fixation quasi-systématique ou fortement recommandée [5,6], ou une attitude électrique tenant compte des lésions anatomiques fibulaires, de leur siège et de leur réductibilité [7]. Le caractère « concurrentiel » de la fixation fibulaire dans la consolidation du foyer tibial est même évoqué [8]. Cette étude avait pour but principal de préciser les aspects lésionnels fibulaires, de rechercher leurs corrélations, leur impact sur la réduction et la consolidation vis-à-vis du foyer tibial et de proposer une attitude thérapeutique. Les publications issues de l´expérience sont rares ce qui souligne d´autant l´intérêt de cette étude.

 

 

Méthodes Up    Down

Il s'agit d'une étude rétrospective cas-témoin réalisée de janvier 2013 à juin 2016, nous avons rassemblé 46 patients inclus tous présentant une fracture du quart distal de la jambe associées à une fracture de la fibula, traité tous chirurgicalement, le groupe cas présente les patients ayant bénéficié d´une ostéosynthèse de la fibula et le groupe témoin sans ostéosynthèse de la fibula. On ne retiendra dans notre travail que les fractures dont le trait siège dans le quart inférieur de la jambe mesuré sur une radiographie de la face et respecte la surface articulaire du pilon tibial. Les trois points essentiels de cette définition méritent quelques commentaires: la limite inférieure: est représentée par la surface articulaire intacte du tibia; la limite supérieure: est obtenue par la mensuration d´une longueur égale au quart de la longueur du tibia sur une radiographie standard de la jambe. Tous les patients ont suivi la même procédure chirurgicale et postopératoire. L'évaluation était basée sur les renseignements et paramètres retenus à partir des dossiers médicales des patients et tous enregistrée sur des fiches d´exploitation préétablis.

 

Procédure: en décubitus dorsal et sous rachianesthésie chez tous les patients, une chirurgie par enclouage centromédullaire verrouillé statique chez 37 cas, 4 cas par plaque vissée et 5 cas par fixateur externe (Figure 1). Vingt cinq (25) cas ont bénéficiés d´une ostéosynthèse de la fibula par une plaque spéciale fibula ou 1/3 tube par voie latérale (Figure 2). Sur la base de radiographies préopératoires, aucune enquête n'a été réalisée pendant la chirurgie pour exclure la lésion syndesmotique. Nous avons autorisé l'amplitude des mouvements de la cheville et du genou immédiatement après l'opération. Des radiographies de suivi ont été prises 2, 6 et 12 semaines après la chirurgie, puis toutes les 6 semaines jusqu'à ce que des signes cliniques et radiographiques d'union soient évidents. Dans tous les cas étudiés, les résultats sont connus statistiquement significatifs en cas de P ≤ 0,05.

 

 

Résultats Up    Down

Nous avons recruté 46 patients éligibles à cette étude. Dans le groupe de cas, 25 patients avaient un âge moyen de 25,3 (±5,8) (homme = 23 et femme = 2). Dans le groupe témoin, il y avait 21 patients avec un âge moyen de 29,7 (±9,7) (homme = 18 et femme = 3). Les patients ont été suivis environ 6 mois. Le mécanisme de blessure le plus courant dans les deux groupes était l'accident de moto. Les fractures ouvertes étaient de 4 sur 25 dans le groupe I et 10 patients sur 21 dans le groupe II (P = 0,233) (Tableau 1). La durée de l'étude était de 42 mois. La période de suivi moyenne était de 6 mois (fourchette de 4 à 8 mois). Un désalignement sur des radiographies postopératoires immédiates a été enregistré dans deux cas. Parmi eux, 3 étaient du groupe II (1 varus purs - angulation valgus et 1 varus combinés - 1 valgus et angulation antéro-postérieure) et 1 était dans le groupe I (varus pur - angulation valgus) (P = 0,084) (Figure 1, Figure 2). Ont subi une chirurgie corrective dans les 2 semaines après la première opération avec des résultats satisfaisants et ils ont maintenu leur réduction jusqu'à la fin du suivi. Les quatre patients n'ont pas accepté de deuxième chirurgie et ont été exclus du suivi.

 

En cas de fixation de la fibula (groupe I): 3 patients ont présenté de troubles de rotation (12% des cas); 2 patients ont présenté des troubles de rotation interne moins de 5° et 1 patient a présenté de trouble de rotation externe plus de 10°. Sans fixation de la fibula (groupe II) : nous avons trouvé 28,57% cas: trois patients ont présenté de trouble de rotation externe moins de 10°. Un patient a présenté de trouble de rotation externe plus de 10°. Deux patients ont présenté un trouble de rotation interne plus de 5°. Dans le groupe I on note, 3 cas de surinfection: 2 cas ont été superficielles et ont été améliorées sous antibiothérapie. Un cas d´infection profonde nécessitant un parage avec ablation du matériel et l´antibiothérapie. Dans le groupe II on note nous avons trouvé 1 cas d´infection superficielle et 1 cas d´infection profonde nécessitant l´ablation du matériel avec parage et antibiothérapie. La pseudo-arthrose avait intéressé dans notre étude 7 cas (Tableau 2). En cas de fixation de la fibula: 19 cas ont obtenu la consolidation à 6 mois (76%) et 21 cas (84%) en 1 an la durée moyenne était 5 mois. Sans fixation de la fibula: 15 cas ont obtenu la consolidation en 6 mois (72%) et 17 cas en 1 an (80%), la durée moyenne était 5,63 mois.

 

 

Discussion Up    Down

Nous avons tenté d'étudier l´intérêt de l´ostéosynthèse du péroné dans les fractures distales du tibia dans cette étude. Les deux groupes étaient appariés quant aux caractéristiques démographiques. Nous n'avons trouvé aucune différence entre les deux groupes en ce qui concerne tous les critères, mais cette étude avait plusieurs limites. Plusieurs groupes ont souligné que la fixation fibulaire entraîne un risque accru de complications. Marsh et al. ont rapporté un risque accru d'infection lors de l'utilisation de la méthode de fixation fibulaire associant fracture tibiale et fibulaire. Dans notre étude, il n'y avait pas de différence significative dans la prévalence de l'infection en tant qu'effet indésirable de la fixation fibreuse. Williams et al. ont rapporté une augmentation du taux de pseudarthrose et d'infection lors de l'application d'une fixation fibulaire dans le traitement de la fracture tibiale. On pense que les lésions des tissus mous survenant lors de fractures tibiales et fibreuses combinées à haute énergie augmenteraient le risque d'infection et de nécrose cutanée. Par conséquent, il est nécessaire de manipuler ces blessures le moins possible, y compris la fixation fibulaire [9]. Dans notre étude, concernant l'infection postopératoire, il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes. Teitz et al. ont étudié les effets de la non fixation fibulaire sur la fracture tibiale distale . Ils ont signalé que la non fixation fibulaire peut entraîner une union rapide de la fracture en raison de la théorie de la compression cyclique inhibitrice (facteur nécessaire à la réparation physiologique de la fracture).

 

Certaines études recommandent la fibulectomie ou l'ostéotomie fibulaire dans la pseudarthrose tibiale. Il existe une autre théorie qui pense que la fixation fibulaire n'affecte pas le traitement des fractures tibiales. Nork et al. et Obremsky et Medina n'expriment aucun effet de la fixatio fibulaire sur le résultat du traitement des patients atteints de fractures tibiales [10,11]. Morrison et al. a publié les résultats d´une étude d´essai clinique qui indiquaient que la fixation fibulaire préserverait la réduction du tibia. Kumar et al. ont rapporté que la fixation de la plaque fibreuse augmentait la stabilité de rotation initiale après une fracture tibiale distale. D'autres ont signalé que le traitement des fractures de la diaphyse tibiale distale en utilisant un clouage non alésé sans aucun contact avec un fragment supplémentaire ou sans stabiliser la fibula devrait être soigneusement reconsidéré. Il a également été mentionné que le taux de complications le plus élevé a été observé dans les fractures distales de la fibula [12]. Morinet al. dans une étude cadavérique, montrer une différence significative de stabilité de rotation axiale lors de la fixation de la fibula. Cependant, cette différence peut ne pas être cliniquement importante pour eux. Concernant la stabilité tibio-fibulaire, aucune investigation n'avait été réalisée dans notre étude, lors d'une intervention chirurgicale sur une lésion syndesmotique. Néanmoins, nous n'avons pas remarqué lors du dernier suivi, des patients avec une radiographie évidente montrant un écart tibio-fibulaire distal. Bonnevialle et al. ont rapporté que les axes tibiaux étaient statistiquement mieux corrigés lorsque la fibula était traitée par fixation [13]. Nous n´avons pas trouvé un retentissement significatif de la fixation de la fibula sur la consolidation de la fracture tibiale, et la fréquence des infections postopératoires.

 

 

Conclusion Up    Down

À la lumière des résultats de notre étude et ceux de la littérature on peut conclure que l´ostéosynthèse de la fibula n´augmente pas le risque de complication postopératoire surtout l´infection et la nécrose cutanée.

Etat des connaissances sur le sujet

  • Les fractures combinées du quart distal du tibia et de la fibula sont des lésions très fréquentes en traumatologie. Le débat est en cours sur la nécessité de la fixation fibulaire en cas de fracture de la fibula associée.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • L´ostéosynthèse de la fibula n´augmente pas le risque de complication postopératoire;
  • Nous n´avons pas trouvé un retentissement significatif de la fixation de la fibula sur la consolidation de la fracture tibiale;
  • Lors d´une fixation de la fibula, on n´a pas trouvé un retentissement sur l´infection et la nécrose cutanée en post-opératoire.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Benchekroun seddik: planification de l´étude, exploitation des archives, analyse des résultats et rédaction du manuscrit. Mohammed Lahsika: exploitation des archives, analyse des résultats. Abid Hatim, Mohammed El Idrissi, Abdelhalim El Ibrahimi and Abdelmajid El Mrini: lecture critique et approbation finale. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1: comparaison de certaines données démographiques, du mécanisme de blessure et de la classification de fracture ouverte

Tableau 2: comparaison de certains résultats cliniques, perte de la réduction et complications dans les deux groupes

Figure 1: fracture comminutive du ¼ distal de la jambe, fixation par un visage à minima par vissage de la malléole interne avec pontage par un fixateur externe tibio-calcanéen et ostéosynthèse du péroné par plaque spécial fibula

Figure 2: ostéosynthèse du ¼ distal de la jambe par enclouage centromédullaire avec ostéosynthèse du péroné par plaque DCP

 

 

Références Up    Down

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