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Case report

Opacités pulmonaires multiples révélant une bilharziose : à propos d´un cas malgache

Opacités pulmonaires multiples révélant une bilharziose : à propos d´un cas malgache

Multiple lung opacities revealing schistosomiasis: about a case detected in a Malagasy woman

Mahefa Harilala Randrianarivony1,&, Solohery Jean Noël Ratsimbazafy1, Hitsy Andraina Razafindrazaka1, Ida Marie Rahantamalala1, Anjara Nandimbiniaina2, Yves Imbert3, Hanta Danielle Marie Vololontiana1

 

1Médecine Interne, Hôpital Universitaire Joseph Raseta Befelatanana, Antananarivo, Madagascar, 2Pneumologie, Hôpital Universitaire Joseph Raseta Befelatanana, Antananarivo, Madagascar, 3Medecine Interne, Hôpital Agen Nerac, Bordeaux, France

 

 

&Auteur correspondant
Mahefa Harilala Randrianarivony, Médecine Interne, Hôpital Universitaire Joseph Raseta Befelatanana, Antananarivo, Madagascar

 

 

Résumé

Madagascar est un pays endémique de la bilharziose. Dans la plupart des cas, les patients sont diagnostiqués au stade des complications de la bilharziose. Peu d´observation d´une atteinte pulmonaire de bilharziose était rapporté malgré l´endémicité du parasite dans le pays. Notre objectif est de rapporter le cas et d´inciter la recherche bilharziose pulmonaire en cas de poumon éosinophile. Une femme malgache de 41 ans est hospitalisée pour une toux sèche fébrile. Elle n´est pas asthmatique, ni d´allergie et ne fume pas. L´interrogatoire révèle une notion de baignade dans une rivière dans la région sud-ouest du pays. L´examen clinique restait normal. Un scanner thoracique montrait des multiples lésions nodulaires, diffuse, intra-parenchymateuses. L´hyper éosinophilie sanguine associée à un Polymerase Chain Reaction (PCR) positif à Schistosoma Mansoni permet de poser le diagnostic de la bilharziose pulmonaire. L´évolution clinico-biologique est favorable après traitement par pranziquantel. Le scanner pulmonaire de contrôle à deux mois montre la disparition des nodules intra-parenchymateux.


Schistosomiasis, also known as bilharzia, is endemic in Madagascar. In most cases, it is diagnosed when patients develop symptoms. Little studies of pulmonary schistosomiasis have been reported despite parasite endemicity in the country. The purpose of this study was to report a case and to encourage researches on pulmonary schistosomiasis in patients with eosinophilic lung. This study reports the case of a 41-year-old Malagasy woman admitted to hospital with fever and dry cough. She didn’t have a history of asthma, allergies or smoking. During the initial interview she reported having swum in a river in the southwest region of the country. Clinical examination was normal. Chest CT scan showed multiple nodular, diffuse, intraparenchymal lesions. The diagnosis of pulmonary schistosomiasis was based on high levels of eosinophils in blood associated with detection of Schistosoma mansonia by polymerase chain reaction (PCR). Clinical and biological assessment was favorable after treatment with praziquantel. Follow-up lung CT scan performed after two months, showed that intraparenchymal nodules had disappeared.

Key words: Lungs, hypereosinophilia, Schistosoma, Madagascar

 

 

Introduction    Down

Les bilharzioses sont des parasitoses très fréquentes en milieu tropical comme Madagascar. Après infestation transcutanée des furcocercaires, le passage par le système porte réalise l´atteinte des différents organes notamment les poumons. Malgré l´endémicité de cette parasitose dans le pays, l´atteinte pulmonaire est moins rapportée dans la littérature.

 

 

Patient et observation Up    Down

Une femme malgache de 41 ans, vivant en France depuis six ans, était hospitalisée pour une toux sèche irritative depuis quelques jours associée à une fièvre à 39°c, intermittente, trainante. Il n´y avait pas de sueur nocturne, ni de diarrhée, ni de brulure mictionnelle, ni d´altération de l´état général. Elle n´est pas asthmatique, ni tabagique et ne prend aucun traitement. L´interrogatoire révélait un voyage avec baignade dans une rivière à Madagascar six semaines auparavant. L´examen physique était normal. Le bilan biologique montrait une hyperéosinophilie à 3080 par mm3 et un protéine C-réactive (CRP) à 40mg/l. Le bilan hépatique et la fonction rénale étaient normaux. Le bilan immunologique (anti-cytoplasme des neutrophiles (ANCA), anticorps anti-nucléaire, anticorps anti-DNA natif) était normal. La recherche des parasites autochtones (toxocarose, distomatose, trichinose, toxoplasmose, hydatitose, cysticercose) et les sérologies de l´aspergillose et des germes intracellulaires étaient négatives. La goutte épaisse et le frottis mince ne montrait pas de plasmodium, ni de microfilaire.

La radiographie pulmonaire montrait un syndrome interstitiel (Figure 1). Des multiples lésions micronodulaires intra-parenchymateuses avec halo péri-lésionnel en verre dépoli de distribution ubiquitaire était vu sur le scanner thoracique (Figure 2). L´échographie doppler cardiaque ne montrait pas de végétation. La fibroscopie bronchique était normale. Les analyses bactériologiques, parasitologiques et la recherche de bacille de Koch dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire étaient négatives. L´examen selles ou KAOP et la recherche des œufs de bilharzie dans les selles et dans les urines étaient négatives. La sérologie bilharzienne était fortement positive par la technique d´Elisa à 3,93 (enzyme linked immunosorbent assay), hémagglutination à 280 et Western-Blot. Le Polymerase Chain Reaction (PCR) confirmait la présence d´Acide Désoxyribonucléique (ADN) de schistosoma mansoni dans le sang. La présence d´une hyperéosinophilie sanguine, des nodules pulmonaires multiples avec halo-péri lésionnel et d´une sérologie positive avec présence d´ADN de schistosoma mansoni par PCR permet de retenir le diagnostic de bilharziose en phase d´invasion. Un traitement par pranziquantel 40mg/kg en prise unique associée à une courte corticothérapie a permis la disparition de la fièvre et de la toux après quelques jours chez notre patiente. Une surveillance après deux mois de traitement montrait la disparition complète des nodules pulmonaires au scanner thoracique (Figure 3) et la normalisation de l´éosinophilie sanguine à 200/mm3.

 

 

Discussion Up    Down

Les parasitoses représentent la principale cause des poumons éosinophiles dans le monde. Madagascar fait partie des pays endémiques des bilharzioses. Les patients sont souvent vus au stade de complication tel que l´hypertension artérielle pulmonaire, l´hypertension portale et la splénomégalie. L´observation de bilharziose pulmonaire est rare malgré l´endémicité de la bilharziose dans notre pays. L´infestation s´effectue par voie transcutanée, lors de bain en eau douce (rivières, marigots). Après un circuit complexe en passant par le foie où s´effectue la fécondation, les schistosomes adultes femelles vont migrer pour effectuer leur ponte, selon les espèces, dans les veines de l´appareil digestif ou urinaire [1]. L´agression induite par les œufs entraine la formation d´un granulome inflammatoire responsable de la pathogénicité de la bilharziose dans des différents organes, y compris les poumons. La localisation pulmonaire est inhabituelle et constitue 1% des sujets infestés [2].

La présentation clinique d´atteinte pulmonaire est non spécifique [3]. Elle peut être contemporaine de la phase d´invasion ou syndrome de Katayama, réaction immunoallergique liée à la migration parasitaire et à la ponte des premiers œufs [3]. Dans notre cas, elle se manifeste par une toux irritative associée à une fièvre intermittente, trainante. Le scanner thoracique montrait des images nodulaires multiples évoquant des granulomes centrés par un œuf à l´examen histologique de la ponction biopsie pulmonaire [4,5]. À la phase d´invasion de l´infection, le diagnostic repose sur la positivité de la sérologie bilharzienne (Elisa, hémagglutination, western blot) et la mise en évidence d´un œuf de schistosoma centré d´un granulome éosinophilie à l´examen histologique de la ponction biopsie pulmonaire. La recherche des œufs dans les selles et l'urine n'a pas d'intérêt en phase d'invasion [1-4]. La biopsie est un examen invasif de deuxième ligne et elle nécessite l'expertise d'un anatomo-pathologiste [1]. La balance bénéfice-risque est à évaluer au cas par cas. Dans notre cas, le diagnostic était posé devant la notion de voyage avec baignade en eau douce en zone endémique bilharzienne, hyperéosinophilie, sérologie positive, PCR positive, l´image radiologique évocatrice des lésions et l´évolution favorable sous traitement. En absence de traitement, l´évolution pulmonaire peut être chronique, suite à l´embolisation des œufs et à la formation de granulomes. À ce stade, les lésions peuvent être parenchymateuses ou vasculaires, parfois responsables d´une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et d´un cœur pulmonaire chronique [3].

 

 

Conclusion Up    Down

Madagascar est un pays à forte endémicité pour la bilharziose. Penser à une bilharziose pulmonaire devant un poumon éosinophile dans les pays endémiques car les manifestations cliniques sont aspécifiques.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à ce travail. Ils ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1 : radiographie du thorax: syndrome interstitiel

Figure 2 : scanner thoracique: micronodules pulmonaires

Figure 3 : scanner thoracique après 2 mois: disparition des micronodules pulmonaires

 

 

Références Up    Down

  1. Baharoon S, Al-Jahdali H, Bamefleh H, Elkeir AM, Yamani N. Acute pulmonary schistosomiasis. J Glob Infect Dis. 2011;3(3):293-5. PubMed | Google Scholar

  2. Bourée P. Parasitoses pulmonaires. EMC pneumo. 2013. 6-003-L-10.

  3. Lainé JB, Grossi O, Lecomte R et al. Schistosomose avec atteinte respiratoire. Med mal. 2018;48:104-13.

  4. Lambertucci JR, dos Santos Silva LC, de Queiroz LC. Pulmonary nodules and pleural effusion in the acute phase of schistosomiasis mansoni. Rev Soc Bras Med Trop. 2007;40(3):374-5. PubMed | Google Scholar

  5. De Lima Bastos A, Lage Alves de Brito I. Acute pulmonary schistosomiasis: HRCT findings and clinical presentation. J Bras Pneumol. 2011;37(6):823-5. PubMed