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Morbi-mortalité de la résection trans-urétrale bipolaire de la prostate au Service d´Urologie-Andrologie de l´Hôpital Aristide Le Dantec de Dakar

Morbi-mortalité de la résection trans-urétrale bipolaire de la prostate au Service d´Urologie-Andrologie de l´Hôpital Aristide Le Dantec de Dakar

Morbidity and mortality associated with bipolar transurethral resection of the prostate in patients in the Department of Urology and Andrology at the Aristide Le Dantec Hospital of Dakar

Abdoulaye Ndiath1,&, Alioune Sarr1, El Hadji Malick Diaw1, Ousmane Sow1, Modou Ndiaye1, Babacar Sine1, Aboubacar Traoré2, Ousmane Dabo1, Djeynaba Aboubakry Diop1, Ndiaga Seck Ndour1, Cyrille Ze Ondo1, Yaya Sow1, Boubacar Fall2, Babacar Diao1, Alain Khassim Ndoye1

 

1Service d´Urologie-Andrologie, Hôpital Aristide Le Dantec, Dakar, Sénégal, 2Service d´Urologie, Hôpital de la Paix, Ziguinchor, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Abdoulaye Ndiath, Service d´Urologie-Andrologie, Hôpital Aristide Le Dantec, Dakar, Sénégal

 

 

Résumé

La résection trans-urétrale de la prostate est le gold standard de la chirurgie de l´hypertrophie bénigne de la prostate. Elle permet une réduction de la morbi-mortalité par rapport à la chirurgie ouverte. L´objectif est d´évaluer les complications postopératoires de la résection trans-urétrale de la prostate bipolaire en utilisant une classification standardisée. Nous avons inclus tous les patients ayant une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), opérés par résection trans-urétrale de la prostate bipolaire au service d´urologie de l´Hôpital Aristide Le Dantec entre le 1er janvier 20018 et le 31 décembre 2018. Les paramètres étudiés étaient : l´état civil des patients, les données cliniques et paracliniques, les indications opératoires et enfin les complications per et postopératoires classées selon la classification de Clavien-Dindo. Cinquante (50) patients ont été inclus dans cette étude avec un âge moyen de 67,3 ans [43 ans et 86 ans]. L´indication opératoire était une rétention d´urines chez 38 patients (76%). Dix-huit pour cent des patients avaient au moins une complication. Trois patients avaient une hémorragie postopératoire massive et un était décédé d´hémorragie. Les complications postopératoires étaient dominées par la persistance des symptômes du bas appareil urinaire (10%). La majorité des patients (78 %) avaient des complications de grade 1 ou 2. Le résultat fonctionnel de l´intervention était jugé bon chez 48 de nos patients soit 96%. Les avantages de la résection trans-urétrale de la prostate bipolaire sont indiscutables car ils sont moins délabrants, avec une réduction des complications post-opératoires.


Transurethral resection of the prostate is the gold standard surgical approach for benign prostatic hypertrophy. It can reduce morbidity and mortality compared to open surgery. Objective: The purpose of this study is to assess postoperative complications of bipolar transurethral resection of the prostate using standardized classification. We included all patients with benign prostatic hypertrophy (BPH) undergoing bipolar transurethral resection of the prostate at the Department of Urology and Andrology at the Aristide Le Dantec Hospital between January 1st, 2018 and December 31st, 2018. The parameters studied were: marital status of patients, clinical and paraclinical data, indications for surgical operation and, finally, peri- and postoperative complications classified according to Clavien-Dindo classification. Fifty patients were included in this study, with an average age of 67.3 years (43 years and 86 years). The indication for surgical operation was urinary retention in 38 patients (76%). Eighteen percent of patients had at least one complication. Three patients had massive postoperative bleeding and one patient died from bleeding postoperative complications were dominated by persistent lower urinary tract symptoms (10%). The majority of patients (78%) had complications (grade 1 or 2). Functional outcome was good in 48 patients (96% of cases). Benefits of bipolar transurethral resection of the prostate are indisputable because it is less devastating with reduced postoperative complications.

Key words: Prostate, endoscopy, bleeding

 

 

Introduction    Down

Le traitement de référence de l´hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est la résection trans-urétrale de la prostate (RTUP) [1]. Cependant, la RTUP n´est pas toujours un geste anodin et peut être source de nombreuses complications per et post-opératoires, parfois graves comme l´hémorragie peropératoire [2,3]. Au Sénégal la RTUP est une pratique courante dans un certain nombre de services d´urologie, notamment à Dakar et dans quelques hôpitaux de province. L´objectif de ce travail était d´évaluer les complications per et postopératoires secondaires à la résection bipolaire trans-urétrale de la prostate.

 

 

Méthodes Up    Down

Nous avons inclus dans notre étude de manière rétrospective tous les patients opérés pour une HBP par RTUP bipolaire entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 au Service d´Urologie de l´Hôpital Aristide Le Dantec (HALD). Les patients opérés par une autre technique chirurgicale ainsi que ceux ayant une autre pathologie différente de l´HBP ont été exclus. Les paramètres étudiés étaient l´état civil des patients, les données cliniques et paracliniques, les indications opératoires et les complications per et postopératoires classées selon la classification Clavien-Dindo. Le matériel utilisé était un résecteur classique à courant bipolaire avec une gaine charrière 26 et optique 30°. Les résultats de la RTUP étaient jugés : a) Bons : en l´absence de troubles mictionnels ; b) Satisfaisants : lorsque, à l´ablation de la sonde, survient une dysurie ou une rétention d´urines ayant nécessité la remise d´une sonde pour 5 à 7 jours avec rétablissement d´une miction normale par la suite ; ou lorsque surviennent des fuites d´urines entre les mictions disparaissant dans les trois mois suivant l´intervention; c) Mauvais : devant la persistance d´une dysurie, d´épisodes de rétention d´urines, ou d´une incontinence urinaire au-delà du troisième mois.

 

 

Résultats Up    Down

L´âge moyen des patients était de 67,3 ans avec des extrêmes de 43 ans et 86 ans. La tranche d´âge (60-69 ans) était la plus représentée avec 23 patients (46%) (Figure 1). Vingt-sept patients (54%) avaient consulté pour une rétention d´urines et 23 pour des symptômes du bas appareil urinaire à type de dysurie, de pollakiurie, d´impériosité mictionnelle. Le taux de antigène prostatique spécifique de la prostate (PSA) moyen était de 7,19ng/ml avec des extrêmes de 0,45 et 38,9ng/ml. Le volume prostatique moyen était de 44,44ml (extrêmes 28 et 76 ml). Le volume prostatique était inférieur à 60 ml chez 86% des patients. L´indication opératoire était une rétention d´urines chez 38 patients. Elle était associée à une infection urinaire à répétition chez 7 patients (14%) et à un échec à l´épreuve d´ablation de la sonde chez 7 autres (14%). Les autres indications étaient une vessie de lutte dans 5 cas (10%) ; une urétéro-hydronéphrose dans 5 cas (10%) et une lithiase vésicale dans 2 cas (4%). La durée moyenne de la résection était de 63,02 minutes avec des extrêmes de 30 et 120 minutes. La durée moyenne de port de la sonde était de 3,1 jours avec des extrêmes de 1 et 28 jours. La durée du sondage vésical post-opératoire était de 1 à 3 jours chez 80% des patients. La durée d´hospitalisation moyenne était de 2,8 jours [1-5 jours]. Chez 90% des patients, l´hospitalisation durait entre 1 et 3 jours. Dans notre série 3 cas d´hémorragie massive (6%) ont été notés (grade 2) dont 1 cas de décès à la suite d´une reprise au bloc opératoire. Ces trois patients avaient eu une transfusion sanguine. Quatre (4) patients avaient une fuite urinaire précoce (grade 1) et un avait une dysurie secondaire à un adénome résiduel (grade 3). Aucun cas de TURP syndrome (syndrome de résorption du liquide d´irrigation) ou de désinsertion cervico-prostatique n´a été noté dans notre étude. Durant la période d´étude neuf patients (9) avaient une complication postopératoire, sept (7) étaient perdus de vue et 34 patients (68%) n´avaient aucune complication postopératoire. Avec un recul de 10,5 mois, nos résultats ont été jugé bons chez 48 patients (96%).

 

 

Discussion Up    Down

La RTUP demeure le traitement de référence dans la prise en charge chirurgicale de l´HBP. C´est une technique qui a prouvé son efficacité ; elle est moins invasive et moins pourvoyeuse de morbidité que la chirurgie ouverte. La RTUP peut se faire en utilisant un courant bipolaire ou monopolaire. Ce dernier nécessite l´usage d´un fluide hypo-osmolaire non conducteur, faible en électrolyte comme la glycine ou le mannitol. Le principal risque de ce procédé, est l´absorption excessive de ce liquide d´irrigation qui peut entraîner une hémodilution et une hyponatrémie occasionnant le Transurethral resection of the prostate syndrome (TURP). La fréquence de cette complication varie de 10 à 15% selon les séries mais la mortalité reste faible de l´ordre de 0,2 à 0,8% [4]. En revanche, avec le courant bipolaire ce risque est théoriquement exclu avec l´usage du sérum physiologique qui est iso-osmolaire [5]. Ceci peut expliquer l´absence de TURP syndrome dans notre série. Un total de 18% des patients avaient une complication postopératoire, ce qui apparaît proche des résultats notés dans la littérature [6,7].

Les pertes sanguines sont habituellement faibles lors de la RTUP [8], cependant le saignement reste tout de même l´une des complications majeures de la RTUP en périopératoire. Dans les séries de résections monopolaires le taux de transfusion varie entre 2 et 5% [8]. Ce taux est nettement plus élevé que celui objectivé dans la RTUP bipolaire. Ce constat nous a amené à conclure que le contrôle de l´hémostase était meilleur lorsque le courant bipolaire est utilisé [9,10]. Dans la même lancée, toutes les études se sont accordées sur le fait que la rétention vésicale sur caillot était significativement moins importante avec la RTUP bipolaire [11]. Ceci est un signe indirect de la supériorité du courant bipolaire en matière d´hémostase. Les complications postopératoires précoces dans notre série étaient dominées par une fuite urinaire objectivée chez 4 patients (8%) et une infection urinaire chez un patient (2%). Ce pourcentage d´infection urinaire apparaît similaire à ceux observés dans la littérature [6,7]. Les fuites urinaires précoces sont secondaires à une hyperactivité détrusorienne et surviennent dans 30 à 40% des cas. Elles doivent faire rechercher une infection urinaire [12]. Kane dans sa série avait mis en évidence un taux de 6,9% de fuites urinaires durant le premier mois après la RTUP [13].

Les complications post-opératoires tardives étaient rapportées chez un patient (2%). Il s´agit d´un cas de dysurie ayant nécessité une seconde RTUP pour un adénome résiduel. Le faible taux de complications tardives dans notre étude peut s´expliquer par le respect des indications opératoires concernant le volume prostatique et la durée de la résection. Kane et al. [13] dans sa série avait rapporté trois cas de complications tardives (3,4%). Pour Madersbacher et al. [14], le taux de seconde procédure qui comprenait outre la RTUP, une incision cervico-prostatique ou une urétrotomie interne endoscopique était de 14,7% à 8 ans. Le risque de réintervention après adénomectomie prostatique à cinq ans a été jugé quasi-nul par plusieurs études prospectives randomisées [15,16]. Les limites de notre étude étaient son caractère rétrospectif, ce qui a rendu difficile l´évaluation des complications. De plus, nous n´avons pas pu évaluer la corrélation entre l´expérience du chirurgien et la survenue de complications.

 

 

Conclusion Up    Down

Cette étude nous a permis de voir que la morbi-mortalité lors de la RTUP bipolaire n´est pas importante dans note pratique. Ces résultats sont très encourageants et doivent nous pousser à développer l´usage du courant bipolaire.

Etat des connaissances sur le sujet

  • L´hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est la tumeur bénigne la plus fréquente chez l´homme ;
  • La résection trans-urétrale de la prostate est le gold standard de la chirurgie de l´hypertrophie bénigne de la prostate ;
  • La RTUP peut être source de nombreuses complications per et postopératoires, parfois graves comme rapportées dans la littérature.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Les pertes sanguines découlant de la résection transurétrale de la prostate (RTUP) bipolaire sont moins importantes à celles liées à la RTUP monopolaire ;
  • Absence de syndrome de résorption du liquide d´irrigation (TURP syndrome) dans notre étude ;
  • La RTUP bipolaire nous a permis d´enlever un volume prostatique plus important par rapport à la résection monopolaire.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé à l´étude, ils ont suivi ou opéré les patients que nous avons inclus dans l´étude. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figure Up    Down

Figure 1 : répartition des patients selon les tranches d´âge

 

 

Références Up    Down

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