Home | Volume 6 | Article number 13

Case report

Diminution de l´acuité visuelle en postopératoire d´une chirurgie générale : à propos d´un cas

Diminution de l´acuité visuelle en postopératoire d´une chirurgie générale : à propos d´un cas

Decreased visual acuity after general surgery: about a case

Ayoub Boubekri1,&, Abdelhamid Jaafari1, Walid Atmani1, Abdelghafour El Koundi1, Mustapha Bensghir1

 

1Pôle d´Anesthésie et de Réanimation, Hôpital Militaire d´Instruction Mohammed V, Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Ayoub Boubekri, Pôle d´Anesthésie et de Réanimation, Hôpital Militaire d´Instruction Mohammed V, Rabat, Maroc

 

 

Résumé

Nous rapportons le cas d'un patient de 72 ans ayant comme antécédents un diabète type 2 et une hypertension artérielle admis au bloc opératoire pour une chirurgie abdominale et qui a présenté en postopératoire immédiat une baisse d´acuité visuelle en rapport avec une kératite de contact. Dans cette observation nous soulignons l´intérêt d´une bonne occlusion palpébrale en anesthésie et en réanimation, ainsi que les différentes thérapeutiques utilisées.


We here report the case of a 72-year-old patient with a history of type 2 diabetes and arterial hypertension undergoing abdominal surgery. Immediately after surgery the patient had decreased visual acuity due to exposure keratopathy. In this study we emphasize the role of good eyelid closure under anesthesia and resuscitation, as well as the different therapies used.

Key words: keratitis, per operative, palpebral occlusion, case report

 

 

Introduction    Down

Dans le bloc opératoire, la perte de conscience engendrée par la sédation peut causer des complications oculaires dont les pathologies de surface (kératopathies, ulcères) sont les plus fréquentes. Ces lésions oculaires peuvent entrainer une baisse de vision définitive, d´où vient l´intérêt d´une bonne fermeture palpébrale et d´une bonne protection oculaire surtout dans les chirurgies à risque.

 

 

Patient et observation Up    Down

Patient de 72 ans, aux antécédents de diabète type II sous metformine, bien suivi, non compliqué et une hypertension artérielle sous antagoniste des récepteurs de l´angiotensine. Il était adressé en consultation chirurgicale avec une symptomatologie faite d´altération de l´état général et de rectorragies évoluant depuis une semaine. L´examen clinique était sans particularité. Le diagnostic d´un adénocarcinome du moyen rectum a été posé sur exploration endoscopique, avec un bilan d´extension classant la tumeur stade T2N0M0, d´où le recours au geste chirurgical. En consultation d´anesthésie, l´examen retrouvait un patient en assez bon état général, l´évaluation de l´appareil circulatoire et pulmonaire était sans particularité et en l´absence des critères d´intubation et de ventilation difficiles. Le patient était classé ASA III.

En salle opératoire, le patient a été installé en décubitus dorsal et a bénéficié d´un monitorage de la fréquence cardiaque et de l´oxygénation et mise en place d´une voie veineuse périphérique de 16 gauge et d´une voie veineuse centrale jugulaire interne droite avec monitorage invasif de la tension artérielle à l´aide d´un cathéter artériel radial. Après 3 minutes d´oxygénation, l´induction s´est faite par du fentanyl à raison de 250 μg, Propofol 100 mg et du Rocuronium 50 mg. L´intubation a été facile avec une sonde 7,5 CH avec ballonnet. La fermeture des yeux a été faite avec une bande adhésive après l´intubation. L'entretien anesthésique associait le Sévoflurane, avec des réinjections de fentanyl et du Rocuronium. Le geste a consisté sur une exérèse recto-sigmoidienne selon la technique de Hartmann et a duré 4 heures. Aucune complication n´a été noté et l´état hémodynamique du patient est resté stable en peropératoire, puis le patient fut transféré en fin d´intervention en réanimation pour prise en charge postopératoire.

À son admission en réanimation, le patient était intubé et ventilé, toujours sous effet de sédation, stable sur le plan hémodynamique et respiratoire, par ailleurs la fermeture des yeux a été enlevée accidentellement à son arrivée en réanimation. Le patient fut extubé après réchauffement, décurarisation et réveil complet. À son réveil, le patient a accusé une douleur oculaire unilatérale gauche avec baisse de l´acuité visuelle sans autres signes cliniques associés. Un examen ophtalmologique a été fait objectivant une blépharite associée à une hyperhemie avec un test à la fluorescéine positif évoquant une kératite ponctuée superficielle, et suite auquel le patient a été mis sous antiobiotique en topique et un cicatrisant (vitamine A) avec occlusion de l´œil concernée. L´évolution était favorable après une semaine de traitement, déclaré sortant et adressé en consultation ophtalmologique pour suivi.

 

 

Discussion Up    Down

Les principaux mécanismes d´une baisse brutale postopératoire d´acuité visuelle peuvent être liés à une atteinte cornéenne, une oblitération de l´artère centrale de la rétine, une neuropathie optique ischémique ou une atteinte corticale. L´atteinte peut être uni- ou bilatérale et leur incidence est très variable selon les séries. La lésion cornéenne est la plus fréquente lors d´une anesthésie générale. Sa prévalence est évaluée de 0% à 44% en l´absence de prévention et elle représente 60% des lésions oculaires dans le cadre de la chirurgie non ophtalmologique. La lésion peut être causée par un traumatisme direct de la cornée non protégée par des objets divers des soignants comme les montres, les badges, les stéthoscopes ou encore le laryngoscope lors de l'intubation ou du fait de l´application d´un masque facial [1]. Les difficultés d´occlusion palpébrale liées à une anomalie palpébrale, une exophtalmie, représentent un facteur de risque. Par ailleurs, le risque d´atteinte est majoré lors de l´anesthésie générale pendant laquelle la production lacrymale est diminuée ou en cas de maladie auto-immune avec sécheresse des muqueuses et chez les diabétiques chez qui la faible production lacrymale est associée à une atteinte de la sensibilité cornéenne. D´autres facteurs de risque ont été cités, une durée prolongée de l´anesthésie, une chirurgie de la tête ou du cou [2, 3].

Notre patient regroupait le diabète et la durée de la chirurgie prolongée comme facteurs de risque et l´occlusion des yeux faite après l´intubation. Les kératites ponctuées superficielles sont des atteintes non spécifiques des couches les plus antérieures de la cornée. En réponse à une agression mécanique, infectieuse, inflammatoire, génétique, voire iatrogène. L´interrogatoire du patient précise : le type de symptômes (photophobie, larmoiement, douleur), les circonstances de survenue (traumatisme, exposition solaire, port de lentilles), le mode d´installation des symptômes (brutal ou progressif), leur ancienneté, leur récurrence, leur caractère uni- ou bilatéral, les traitements déjà entrepris et leurs effets [4]. L´examen clinique fait recourt non seulement à l´aspect général du patient, mais à son état d´hygiène, sa corpulence, l´aspect du visage, sa symétrie et son état cutané, ainsi que l´aspect des paupières qui sont des éléments déterminants dans l´approche diagnostique de la pathologie. La lampe à fente constitue l´examen essentiel dans le diagnostic positif de la kératite ponctuée superficielle (KPS). L´examen en fente large, puis fine, les éclairages obliques permettent d´apprécier la profondeur des lésions et l´état du stroma sous-jacent, permettant ainsi une classification morphologique et topographique des lésions élémentaires [4]. Dans notre observation l´examen clinique de l´œil était sans particularité et le diagnostic a été fait par lampe à fente, objectivant la présence d´une kératite ponctuée superficielle diffuse (Figure 1).

Au terme de cet examen clinique, le praticien est à même d´établir un schéma notant la distribution des lésions et ainsi d´en assurer le suivi [5]. Selon la disposition et la nature des lésions, l´examinateur peut évoquer une ou plusieurs étiologies et envisager une thérapeutique appropriée. Les étiologies sont extrêmement diverses et variées : infectieuses (bactériennes, virales, mycotiques, amibiennes), immunologiques (rosacée, syndrome sec), congénitales (dystrophies épithéliales, dystrophies basales), traumatiques (corps étranger, lentilles), toxiques, iatrogènes, neurologiques. Vu le contexte clinique et les données recueillis sur interrogatoire et l´aspect des lésions sur lampe à fente, une kératite superficielle ponctuée d´exposition était le diagnostic retenu chez notre patient. Le traitement étiologique est indispensable dès lors que l´enquête étiologique a été bien conduite : correction d´anomalie palpébrale, antibiothérapie, corticothérapie, collyres cicatrisants.

Les agents mouillants sont utiles pour guider la cicatrisation et améliorer les symptômes des patients irrités. De multiples formes galéniques existent, variant sur la viscosité des produits, les excipients et ainsi sur leurs posologies. Les collyres antiseptiques ont pour objectif de diminuer les fréquences des surinfections bactériennes. À base d´organomercuriels, ou d´ammoniums quaternaires, on privilégiera des produits unidoses sans conservateur. Les collyres cicatrisants à base d´acides aminés, de N-acétyl cystéine, de vitamine A ou B12 n´ont jamais fait la preuve de leur efficacité. Les collyres antibiotiques seront instaurés précocement en cas de suspicion de lésion infectieuse. On s´abstiendra d´en prescrire de manière préventive afin de ne pas sélectionner de germe résistant [6]. Notre patient a bénéficié d´une thérapie faite de ciprofloxacine en collyre vu le doute sur les règles d´asepsie concernant l´occlusion oculaire, de collyre cicatrisant à base de vitamine A et de collyre mouillant avec occlusion de l´œil concerné. L´évolution était favorable après une semaine de traitement.

 

 

Conclusion Up    Down

Même si peu de données sont disponibles dans la littérature, le risque de faire une kératite d´exposition au bloc opératoire reste fréquent vu l´oubli de la fermeture des yeux après perte du reflexe ciliaire, ce qui peut engendrer le pronostic fonctionnel, d´où l´intérêt de souligner sur l´importance d´une occlusion palpébrale en bonne et due forme.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à ce travail et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figure Up    Down

Figure 1 : kératite ponctuée superficielle diffuse

 

 

Références  Up    Down

  1. Grixti A, Sadri M, Watts MT. Corneal protection during general anesthesia for nonocular surgery. The ocular surface. 2013;11(2):109-18. PubMed | Google Scholar

  2. Roth S, Thisted RA, Erickson JP, Black S, Schreider BD. Eye injuries after nonocular surgery. A study of 60,965 anesthetics from 1988 to 1992. Anesthesiology. 1996;8(5):1020-7. PubMed | Google Scholar

  3. Martin DP, Weingarten TN, Gunn PW, Lee K, Mahr MA, Schroeder DR et al. Performance improvement system and postoperative corneal injuries: incidence and risk factors. Anesthesiology. 2009;111(2):320-6. PubMed | Google Scholar

  4. Putz C, Delbosc B. Kératites ponctuées superficielles. EMC - Ophtalmologie. 2007; 4(1):1-9.

  5. Marsh PB, Schwab IR. Corneal surface disease topology. Int Ophthalmol Clin. 1998;38(4):1-3. PubMed | Google Scholar

  6. Perry HD, Doshi-Carnevale S, Donnenfeld ED, Kornstein HS. Topical cyclosporine A 0.5% as a possible new treatment for superior limbic keratoconjunctivitis. Ophthalmology. 2003;110(8):1578-81. PubMed | Google Scholar