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Case report

Réaction cutanée “type photoallergie” à la Salazopyrine® dans la maladie de Crohn: à propos d´un cas et la revue de la littérature

Réaction cutanée “type photoallergie” à la Salazopyrine® dans la maladie de Crohn: à propos d´un cas et la revue de la littérature

"Photoallergic" skin reaction to salazopyrin® in crohn’s disease: a case report and review of the litterature

Armel Osée Yangba Kalebanga1,&, Dounia Rajih1, Martial Gouton1, Benoit Kouwakanou1, Adil Ait Errami1, Sofia Oubaha1, Zouhour Samlani1, Khadija Krati

 

1Service d´Hépato-gastroentérologie du CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Armel Osée Yangba Kalebanga, Service d´Hépato-gastroentérologie du CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc

 

 

Résumé

La sulfasalazine (Salazopyrine®) est un anti-inflammatoire couramment utilisé dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), généralement bien tolérée chez la plupart des patients. Néanmoins certains effets secondaires peuvent survenir au cours de son utilisation. La photoallergie est l´un des effets secondaires rares de la sulfasalazine (Salazopyrine®). Cette dernière est rarement rapportée dans la littérature. Nous rapportons un cas de manifestation cutanée type photoallergie induite par la sulfasalazine (Salazopyrine®) chez un patient suivi pour maladie de Crohn.


Sulfasalazine (Salazopyrin®) is an anti-inflammatory drug commonly used in the treatment of chronic inflammatory bowel disease (IBD), which is generally well tolerated in most patients. Nevertheless, some side effects may occur during its use. Photoallergy is one of the rare side effects of sulfasalazine (Salazopyrin®). It is rarely reported in the literature. We report a case of photoallergy-like skin manifestation induced by sulfasalazine (Salazopyrine®) in a patient followed for Crohn’s disease.

Key words: Salazopyrine®, Crohn’s disease, photoallergy, case report

 

 

Introduction    Down

La sulfasalazine (Salazopyrine®) est un anti-inflammatoire composé d'acide 5- aminosalicylique (5-ASA) et de la sulfapyridine reliés par une liaison azoïque, mise au point dans les années 1930, largement utilisée dans le traitement des maladies inflammatoires de l'intestin (MICI), et de certaines maladies rhumatismales [1,2]. Ses propriétés anti- inflammatoires dans les MICI sont principalement médiées par 5-ASA, via l'interaction avec les récepteurs nucléaires impliqués dans l'inflammation, la prolifération cellulaire et l'apoptose dans les cellules luminales intestinales [3]. L'efficacité de la sulfasalazine (Salazopyrine®) dépend donc de son acheminement vers l'intestin distal et de la séparation efficace du 5-ASA de la sulfapyridine. Alors que la plupart des molécules de 5-ASA dérivées de la sulfasalazine restent dans l'intestin après une ingestion orale, certaines rechercheurs ont révélé que la sulfasalazine était plus efficace que les 5-ASA autonomes dans la gestion des MICI, en raison des propriétés antibactériennes de sa fraction sulfapyridine [4].

La sulfasalazine est généralement bien tolérée, et les effets indésirables mineurs tels que des dyspepsies, nausées, vomissements, éruptions cutanées et douleurs articulaires, couramment observés chez les patients traités la sulfasalazine peuvent s´expliquer soit par un mécanisme immuno-allergique (EI cutanés, hématologiques, hépatiques et neurologiques) ou toxique (EI hématologiques, hépatiques, neurologiques et digestifs) [4]. La photosensibilité, l´urticaire, le choc anaphylactique et l´œdème de Quincke sont moins fréquemment décrits avec la sulfasalazine [4-6]. Très peu d´études se sont intéressées aux manifestations cutanées (photosensibilité) induites par Salazopyrine® dans les MICI. Il s´agit d´un phénomène relativement nouveau, qui peut se produire avec n´importe quel type de traitement utilisé et n´est pas associé à l´activité sous-jacente des MICI [7].

 

 

Patient et observation Up    Down

Informations relatives au patient: il s´agit d´un patient âgé de 54 ans, tabagique chronique actif 37 Paquets-année, sans Antécédents pathologiques particuliers en dehors d´une hernie inguinale opérée en 1977.

Chronologie: suivi depuis Octobre 2020 dans notre formation pour une maladie de Crohn iléo-colique de phénotype sténosant classée A3L3B3 selon la classification de Montréal retenu devant un faisceau d´arguments: épidémiologique (2e pic), clinique, évolutif, biologique, endoscopique, histologique et morphologique; le patient a été mis sous Salazopyrine® 3g/jour démarré le 04 janvier 2021 avec une légère amélioration clinique initiale , puis apparition trois semaines plus tard d´une réaction cutanée au niveau du visage, du dos des mains, avec respect relatif du fond des rides, et des zones protégées par les vêtements.

Résultats cliniques: le patient rapporte 1 à 2 selles molles par jour, sans glaire ni sang associées à des douleurs abdominales atypiques hypogastrique et de la FID, le tout évoluant dans un contexte d´apyrexie et de conservation de l´état général IMC= 26,8 Kg/m2, sans signes de dénutrition ni de déshydratation avec examen abdominal normal.

Examen dermatologique

Au niveau du visage et cou: érythème avec lésions maculo-violacée parsemées touchant le cou, le front ainsi que les joues et le menton, mais respectant les plis retro-auriculaires, zone sous mentonnière (Figure 1).

Au niveau des mains: lésions pigmentées (initialement pigmentée) parsemées puis des lésions maculo-violacées prurigineuse brillante touchant la face dorsale et respectant la face palmaire localisées et bien limitées, avec respect des zones protégées par le vêtement (Figure 2).

Démarche diagnostique: le bilan biologique a révélé h émoglobine à 14 g/dl, leucocytes: 6570mm/3, plaquettes à 224000, avec une CRP 1,15 mg/L, ferritinemie à 122 ng/ml Albuminémie à 41 g/L et calcémie: 91mg/l, fonction rénale, bilan hépatique et ionogramme sanguin sont sans particularités.

CDAI: 85 (maladie quiescente).

Sérologies HVB et HVC: négatives, TPHA et VDRL négatives, VIH est négative.

CMV: IgM est négatif et IgG est positif, EBV: IgM négatif IgG est positif. Bilan de tuberculose négatif : (BK crachats: Rx thorax: sans anomalie IDR: négative).

Coloscopie totale: 1) la valvule iléo-caecale: œdematiée, sténosée, impossible à cathétériser; 2) Colon droit: siège de quelques ulcérations superficielles reposant sur une muqueuse d'aspect normal. 3) le reste de la muqueuse est macroscopiquement normal. Histologie: muqueuse oedemato-congestive, chorion siège d´un infiltrat inflammatoire fait de lymphocytes de plasmocytes et de quelques PNN, avec des glandes normochrines régulières, absence de signes de malignité.

Entéroscanner: épaississement pariétal circonférentiel et régulier non sténosant de la dernière anse iléale mesurant 10mm d´épaisseur maximal.

Intervention thérapeutique: la décision thérapeutique au-cours de son hospitalisation après examen dermatologique était d´arrêter la Salazopyrine® et d´utiliser des topiques cutanés associés au traitement adjuvant. L´évolution deux semaines plus tard est marquée par disparition totale des lésions dermatologiques.

Suivi et résultats des interventions thérapeutiques: trois semaines après l´arrêt de salazopyrine, l´évolution est marquée par la disparition totale des lésions dermatologiques (Figure 3). La décision thérapeutique était de remplacer la salazopyrine par la Mesalazine (Pentasa orale à raison de 3g/jour) avec surveillance de clinique et biologique.

Perspective du patient: le patient était satisfait du résultat positif du traitement après la disparition totale des lésions dermatologiques et du suivi de sa maladie.

Consentement éclairé: le patient était informé de l´intérêt du travail et a donné son consentement éclairé permettant à l´équipe d´utiliser ses images pendant et après l´hospitalisation.

 

 

Discussion Up    Down

Nous avons rapporté un cas de manifestations cutanées induites par Salazopyrine® chez un patient âgés de 54 ans, Tabagique chronique 37 PA, suivi depuis Octobre 2020 dans notre formation pour maladie de crohn iléo-colique de phénotype sténosant mis sous Sulfasalazine 3g/jour démarré 04/01/2021 et ayant présenté de réactions cutanées (type photoallergie) a la Salazopyrine® trois semaines plus tard sous le traitement. La décision thérapeutique au-cours de son hospitalisation après examen dermatologique était d´arrêter la Salazopyrine® et d´utiliser des topiques cutanés associés au traitement adjuvant. L´évolution deux semaines plus tard est marquée par disparition totale des lésions dermatologiques (Figure 3). Ce qui pourrait très probablement incriminer la responsabilité de la salazopyrine® dans la survenue de ces manifestations cutanées non spécifiques de MICI intéressant principalement le visage, et le dos des mains avec respect relatif du fond des rides, et des zones protégées par les vêtements; et qui ne seraient pas associées directement à l´activité sous-jacente de la maladie de Crohn.

La décision thérapeutique, à la troisième semaine après la disparition des lésions dermatologiques était donc de switcher vers Mesalazine (Pentasa orale à raison de 3g/jour) avec surveillance de clinique et biologique. Dans la littérature, très peu d´études se sont intéressées aux manifestations cutanées type photosensibilité ou photoallergie induites par la Salazopyrine® dont les rares études suggèrent la possibilité d´un phénomène relativement nouveau qui pourrait se produire avec n´importe quel type de traitement utilisé dans la maladie de Crohn, sans être associé directement à l´activité sous-jacente des MICI [7]. La grande majorité des manifestations cutanées induites par le traitement dans les MICI sont attribuables aux antagonistes du TNF alpha avec une Prévalence estimée entre 5 et 10% [8].

Selon les données de la littérature, la sulfasalazine peut être à l´origine d´Effets indésirables chez 6,9 à 58% des patients selon les études [9]. Ces effets indésirables peuvent s´expliquer soit par un mécanisme immuno-allergique (Effets indésirables cutanés, hématologiques, hépatiques et neurologiques) ou toxique (Effets indésirables hématologiques, hépatiques, neurologiques et digestifs). La photosensibilité, l´urticaire, le choc anaphylactique et l´œdème de Quincke sont moins fréquemment décrits avec la sulfasalazine. D´autres réactions comme, l´érythème pigmenté fixe, l´érythème polymorphe, le syndrome de Lyell, le syndrome de Stevens Johnson et le lichen plan ont été aussi rapportés avec la sulfasalazine mais elles sont encore plus rares [4].

Notre cas est similaire aux lésions de photo-allergie systémique décrites par Bourrain en 2019 (Figure 4) [5] et Kutlubay et al. (2014) [10], dont l´atteinte intéresse avec prédilection le visage, et le dos des mains, respect relatif du fond des rides, respect des zones protégées par les vêtements. Notre attitude thérapeutique concorde avec les données de la littérature qui prévoient en cas de réaction cutanées induite par la Salazopyrine® ou photosensibilité d´arrêter le traitement responsable pendant au moins 6 mois et d´utiliser des topiques cutanés et si possible de réintroduire le traitement notamment la Salazopyrine® afin d´établir sa responsabilité dans la survenue de ces manifestations cutanées [10].

 

 

Conclusion Up    Down

La photoallergie fait partie des plus rares manifestations cutanées induites par la Salazopyrine® dans la maladie de Crohn ; et pourrait s´expliquer très probablement par un phénomène imuno-allergique de mécanisme encore méconnu. L´utilisation de la Salazopyrine® chez les malades atteints de MICI nécessite une surveillance particulière pour la prise en charge précoce des effets indésirables. Toutes fois, la responsabilité de la Salazopyrine® ne peut être formellement incrimée dans la survenue de ces réactions cutanées dites photoallergiques que par des études regroupant un grand nombre de patients MICI traités par Salazopyrine®.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à l´élaboration de ce travail, ont lu et approuvé la version finale.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: lésions érythémateuses et maculo-violacée parsemées touchant le cou, le front ainsi que les joues et le menton, mais respectant les plis retro-auriculaires, zone sous mentonnière (à l´admission)

Figure 2: lésions érythémateuses et maculo-violacées prurigineuse brillante touchant le dos des mains et respectant la face palmaire localisées et bien limitées, avec respect des zones protégées par le vêtement (à l´admission)

Figure 3: évolution des lésions de photoallergie trois semaines après arrêt de salazopyrine

Figure 4: photoallergie systémique (atteinte du visage, du cou et du dos des mains respect relatif du fond des rides respect des zones protégées par les vêtements

 

 

Références Up    Down

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